Pour Raffaello Matarazzo, le mama, la madone, c'est Yvonne. Il en est même le bourreau, de la Sanson. Il faut qu'elle souffre. Le martyre tant qu'à faire. Dans le fils de personne, elle se fait nonne, croyant avoir perdu son fils et son amour. Elle devient alors Sœur Addolorata, une véritable sainte. Elle trouve la paix intérieure. Jusqu'au jour où elle apprend que son fils n'était pas mort et elle a juste le temps de le voir un dernier instant, sur son lit de souffrance, héroïquement blessé à 12 ans dans une carrière de marbre où il trimait comme un damné et dont le patron était son père sans qu'aucun des deux ne sache, où il meurt une seconde fois et cette fois pour de bon. Elle le perd donc une seconde fois. Dans la femme aux deux visages (l'angelo bianco), qui commence là où s'était terminé le fils de personne, Guido, l'amoureux de Luisa devenue Sœur Addolorata, qu'il a toujours aimée et aimera toujours, en deuil d'un fils dont il venait lui aussi juste d'apprendre l'existence, perd dans la foulée la petite fille qu'il avait eue d'un autre lit, d'un genre de matrone que sa matrone de mère lui avait jetée dans les bras et qu'il avait épousée quand il avait cru Luisa disparue à jamais. (La madone et la matrone.) Il est anéanti. Jusqu'au jour où il rencontre, dans un train, le sosie parfait de son amour de toujours, Lina, la même en beaucoup plus olé olé on dira, artiste de cabaret plus ou moins acoquinée avec un genre de marlou gominé lanceur de couteaux. Jusqu'aux deux grains de beauté sur le menton, copie conforme. Sauf qu'elle fait un peu vulgaire, à côté, limite un peu pute, elle rit fort, elle est très sensuelle, très consciente d'être un sacré brûloir à phéromones. Lui, il ne pense qu'à l'autre, à l'originale. Il est parfois sans le vouloir méprisant. Ça ne l'empêche pas de coucher avec et même de lui glisser en loucedé un polichinelle dans le tiroir, exactement comme il avait fait avec l'autre, en dehors des sacrements du mariage. Elle se retrouve bientôt embastillée, injustement évidemment, à cause du marlou gominé qui avait laissé dans sa turne une valise pansue de faux talbins. C'est d'ailleurs au violon qu'elle réalise qu'il y a du lardon dans l'omelette. Fin de grossesse difficile. C'est ou elle ou le petit. Sacrifice. (La maman et la putain.) Sur son lit de douleur, transfigurée, elle demande à voir Sœur Addolorata, qu'elle savait être son originale, elle simple copie, genre faux talbin. (La madone, la maman et la putain.) Bientôt Guido à son tour débarque, apprend qu'il est (encore) papa, décide alors d'épouser sur le champ la mourante finalement madonisée qui trépasse comblée juste ensuite, car elle l'aimait, Guido, depuis le début, même si elle se savait une médiocre copie. Au même moment, la jolie et teigneuse Flora, meneuse des détenues, enlève le nouveau né pour s'en servir de bouclier dans une tentative d'évasion collective. Survient Sœur Addolorata, d'abord dans l'ombre, qui vient saintement récupérer le chérubin. Flora refuse d'abord hargneusement de restituer le sésame, puis, quand la madone resplendit enfin dans la lumière, prise de frayeur mystique, elle fond en larmes, croyant voir Lina transfigurée, qui était aussi sa souffre-douleur. On se retrouve alors comme au tout début du fils de personne, Luisa devenue Sœur Addolorata, Guido demeuré Guido... et le fils mort deux fois enfin ressuscité. Chez Matarazzo, tôt ou tard, d'une façon ou d'une autre, tout finit par s'arranger.
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