Où sont les rêves de jeunesse? Je reviens toujours chez Ozu, un jour ou l'autre. Je m'y sens entièrement chez moi. Je suis parti longtemps. Ça fait bien plaisir de revenir, de retrouver tout ça. Je suis allé ailleurs, longtemps, même si ça en valait rarement vraiment la peine. Et je le savais. Des années sans revenir chez Ozu tout en y pensant sans arrêt. J'ai comme voyagé partout dans le monde, dans l'espace et le temps, tout en me disant souvent que j'étais bien mieux chez moi. Parce que je m'y sens chez moi, chez Ozu. En même temps, si je n'allais pas voir ailleurs, explorer un petit peu le monde, je ne saurais peut-être pas aussi nettement que c'est chez moi. Alors, je reviens, un jour ou l'autre. C'est bon, de revenir. Même si personne ne m'attend, ne m'accueille à la porte. Les choses sont là, c'est tout, à leur place. Et je repartirai. Et j'aurai encore souvent le mal du pays, quand je serai loin du pays. Ozu, c'est le pays, le Style. C'est tellement émouvant de voir que tout était là déjà au début, au temps du muet. Tout était là mais il restait encore à gommer. Ensuite, il a gommé, Ozu. Jusqu'à la fin, il a gommé. Les effets, il a gommé, les artifices, les intentions. Il n'a gardé que l'essentiel. Le temps qui goutte. Les petites joies. La peine, qui est toujours la même. Les liens qui finissent par se rompre, ce qu'on a de plus précieux, c'est dans le cours des choses et on se retrouve bientôt tout seul avec soi-même à peler sa pomme dans une grande maison vide. Jusqu'à la fin. Et à la fin, il n'y a rien, plus rien que le rien, un rien qu'on aura déjà goûté souvent plus ou moins consciemment car il était déjà partout. Plus on avance, plus son espace s'agrandit. Il était dans les interstices. Un plan vide. Une absence tellement familière. Savoir se détacher, à un moment, s'effacer, glisser sans bruit dedans. Où sont les rêves de jeunesse? (C'est tellement émouvant aussi de voir Kinuyo Tanaka très jeune, avant de devenir la grande héroïne des plus beaux films de Mizoguchi.)
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