mercredi 7 août 2013

Et tu mets plus rien sur Mouchette écho? (Qu'il me demande, mon neveu.) Parce que maman, elle aime bien, Mouchette écho... Ah, je fais. Je le savais bien, que ma sœur venait voir. Mais j'imaginais que c'était en secret. Maintenant je réalise que c'est une histoire de famille. Je me sens observé. Le petit aussi, il sait. Et sa grand-mère, ma mère, doit aussi savoir, si ça se trouve, même si, à cause de ses yeux usés, elle ne peut plus lire que LES GROS CARACTÈRES. Tout le monde sait. Mais lui, le petit, il me surveille. J'étais dans la cuisine, chez ma mère, j'écrivais un petit mail au Singe, lui disant que j'étais dans SA Michaille et qu'on ne pourrait donc pas se voir pour l'apéro, le petit se pointe, se met à lire derrière mon épaule : Tu écris un article pour Mouchette écho?... Mais... mais... Ouste!... C'est personnel!... (Du coup, tout mal torché, mon mail au Singe...) Merde, je me sens observé, maintenant. Ça fait se poiler ma mère, c'est déjà ça. Et lui, le petit, alors, il attend le prochain article de Mouchette écho? Et Mouchette écho par ci, et Mouchette écho par là... Merde... Et sa mère lui a dit que quand on était petits, elle et moi, elle me protégeait?... Ah bon?... Oui oui, il fait... (Même qu'elle l'a lu dans Mouchette écho...) En effet, j'admets, une fois ou deux... Je lui raconte l'histoire en colonie de vacances, je devais avoir sept ans, quand les monos m'avaient sorti manu militari (c'était une colonie de vacances pour gosses de militaires) de la douche (collective, comme dans les camps) parce que je prenais trop mon temps, les yeux fermés, n'avais pas vu que les autres étaient déjà sortis depuis un bon moment et m'avaient balancé tout nu dans la cour. Comment ma grande sœur m'avait sauvé de ce péril. Tout nu, par terre, un cercle hilare autour de moi. Voilà, d'où je viens, peut-être, qui je suis dans ce monde. Bien des années plus tard, je n'ai eu besoin de personne pour me dépouiller totalement et me retrouver à terre. ELLE viendrait me sauver, m'enroulerait dans une couverture comme un accidenté de la Route, m'apaiserait, me laverait, m'emmènerait... En attendant, couvert de boue et de sang, prophète aigu, j'errais sauvage et presque nu parmi les bêtes... Bien trop occupée, sur son île, à réussir sa vie, ELLE ne vint pas me sauver... Et c'est encore une fois ma sœur qui me sauva... Sans elle, j'aurais sans doute fini à l'asile, hurlant, camisolé, ou gentiment bavant... Leur faire comprendre que ce n'est pas la Vérité, leur Mouchette écho, que c'est même tout le contraire. Je ne suis pas le gardien de la mémoire familiale. Ni même d'aucune mémoire. Ne suis gardien que de mon phare éteint, sur mon île (confetti dérisoire d'un empire très ancien mais non moins dérisoire) dans ma nuit. D'ailleurs, ce n'est pas Mouchette écho... Mais il attend, le petit, le prochain article de Mouchette écho... Moi qui envisageais d'écrire des trucs un peu pornos... Moi, à ton âge, je lisais Pif Gadget!... Tous les mercredis je me ruais dès l'ouverture à la maison de la presse!... Pour avoir le couteau de Rahan!... Et puis j'allais en colo!...

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