samedi 21 juillet 2012

Il est terrible, le regard de Madhabi Mukherjee, à la fin de Kapurush (le lâche) de Satyajit Ray. On s'était mis à espérer, il faut dire... Alors qu'il aurait mieux valu ne jamais la revoir. Parce que quand on a raté ainsi le coche, c'est fini. Il est terrible, ce regard... Il aurait mieux valu garder son image d'autrefois, quand elle était si douce... Elle pleurait... Elle était prête à tout... C'est là, qu'il fallait y croire, ne pas faire le tiède... Plus maintenant... Depuis toutes ces années, elle a fait sa vie, elle s'est mariée avec un type riche un peu bedonnant et sans aucune fantaisie... mais gentil, sécurisant... Elle n'a rien oublié... Peut-être qu'elle se venge?... Peut-être un peu... Mais surtout, on ne revient pas en arrière... Une femme qu'on a fait pleurer ainsi, elle n'oublie pas... Et lui, il croit qu'il suffit de réapparaître pour qu'elle retombe dans ses bras... Elle ne va quand même pas rester avec ce mari qui ne la fera jamais pleurer tant il est ordinaire?... Et bien si... Parce que c'est du solide... Parce que peut-être aussi qu'elle est heureuse, ainsi... En tout cas, lui, l'amoureux d'autrefois pour qui elle aurait tout sacrifié, elle n'en veut plus depuis longtemps... Elle le méprise, peut-être même, aujourd'hui, lui qui n'a rien compris, qui est toujours le même finalement... Ou alors, elle se venge... et ensuite, revenue chez elle, elle va se mettre à pleurer... Mais je ne crois pas... Elle avait juste tourné la page depuis longtemps... Lui en était bien incapable et a raté sa vie, se vautrant dans les regrets et la mélancolie... Mais elle, elle a tourné la page... Elle a fait sa vie... Sans arrières pensées, sans regrets... Ça ne l'empêche pas d'avoir des souvenirs... Sauf qu'elle ne vit pas dans ses souvenirs... Alors que lui est toujours dans ses souvenirs... Il lui semble même que toutes ces années ne sont rien, qu'ils se sont quittés seulement la veille... Alors que non... Finalement, autrefois, il était incapable de vivre, incapable de se décider... Et aujourd'hui, c'est pareil... même s'il donne l'impression contraire... parce qu'il est encore dans le passé... parce qu'il est même incapable de sentir tout ce qui en elle a changé... La dernière scène est formidable... Il attend son train... Il lui a écrit un petit mot à la hâte tandis que le mari siestait : retrouve-moi à la gare si tu m'aimes encore... Il attend... Elle ne vient pas... Quand il n'y croit plus, elle apparaît enfin... Son cœur s'emballe... Elle va partir avec lui... Au moins elle est venue, il va la prendre dans ses bras, l'avoir de nouveau tout contre lui, la sentir... Sauf qu'elle n'est revenue que pour récupérer un flacon de somnifères qu'elle lui avait prêté la veille... Et aussi pour lui lancer ce dernier regard, avant de redisparaître dans la nuit... Vengeance?... Ou alors, le flacon de somnifères, elle va se l'avaler cul sec et la vengeance sera encore plus dure?... On ne sait pas... Pauvre petit gars égocentrique et immature, en tout cas... Pauvre petit gars... Pauvre con... Pauvre moi... Il aurait mieux valu ne jamais la revoir... En même temps, il ne l'a pas cherché... C'est juste arrivé... Mais comme ça fait du bien, de voir un film de Satyajit Ray... Comme tout est limpide et subtil à la fois, sans fioritures, juste... Ça ressource... Ça lave le regard de toute la laideur, de toute la médiocrité qui y est restée collée à défaut d'y pénétrer, qui peut finir par rendre aveugle... Et Madhabi Mukherjee alors... quelle splendeur, comme toujours...

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