Parfois, j'ai peur de sombrer dans la misère. Me retrouver à la rue. J'ai peut-être mangé mon pain blanc, comme on dit, je me dis alors. Ça me prend, comme ça, tous les cinq... dix ans. La dernière fois, je cherchais, difficilement, un nouvel appartement, une nouvelle tanière... (Je n'aurais peut-être pas dû lire la déchéance d'un homme, de Osamu Dazaï.) Jusqu'à quand dureront mes économies? Et après? J'ai eu de la chance, jusqu'à présent, j'ai toujours rebondi sans trop d'efforts. La question n'est pas tant : Que vais-je faire de ma vie? Mais plutôt : Vais-je continuer longtemps à me la couler douce ainsi? Je n'ai pas envie de souffrir. Je ne crois pas qu'on ait besoin de souffrir. Je veux bien jouer un peu le jeu, mais il ne faut pas que ça me coûte trop, puisque survivre a un coût. Heureusement, je suis d'une nature plutôt insouciante et en général je m'en fous, de l'avenir proche ou lointain. Mais, parfois, le spectre de la misère agite à l'horizon ses haillons nauséabonds et je fronce alors les sourcils. Que vais-je faire? Je me suis un peu embourgeoisé, ces dernières années, me suis habitué à un certain confort, tout en me la coulant très douce. Saurais-je encore réagir dans l'adversité? Ne me suis-je pas trop ramolli? Je n'ai pas envie de me battre pour survivre. Je n'en suis pas là, mais l'idée m'a travaillé toute la journée. Non, je ne me battrai pas. Je m'endormirai sur un banc, une nuit glaciale d'hiver, le froid m'emportera, ni vu, ni connu. Ni mendiant, ni voleur. Ou bien alors j'irai dans la forêt, dans une forêt, n'importe quelle forêt, je m'y construirai une cabane, vivrai en ermite, à l'affût du moindre bruit, vêtu de peaux de bêtes. Ou dans une grotte, même si mes os n'aiment pas l'humidité, je peindrai sur les parois. De toutes façons, je n'abandonnerai pas grand chose, je me dis, en regardant autour de moi... Mais dormir dans un bon lit, quand même, c'est agréable... Avoir des bières au frigo... Un ordinateur, une télécinémathèque, un canapé confortable, la radio, le gaz, l'eau courante et l'électricité, du thé blanc, des disques, des livres... Être en sécurité... C'est facile, d'être insouciant, quand on est vautré dans son canapé, le ventre plein, sirotant un whisky subtly sweet yet smoky en fumant une bonne cigarette... J'ai croisé mon SDF, en revenant de mon cinéma, vers les une heure du matin. J'étais à vélo. Il errait, cherchant un endroit pour dormir, dans ma rue, poussant son vélo sur lequel il a tout son barda. Tu rentres? il m'a demandé. Ben ouais, je rentre... Bonne nuit... A toi aussi...
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