Puis c'est la nuit. Je suis à ma fenêtre. Je fume. Je me souviens de l'instant précédant cet instant, tellement lumineux, le bas du ciel était d'un gris fabuleux. La volonté de le retenir, de le fixer, il est déjà passé. Mais peut-être que cet instant est mieux. Quand tout déjà est éteint. Juste l'instant où tout se trouve éteint. L'instant juste suivant l'instant du flamboiement. Du flamboiement qui était un gris flamboiement. Tu te souviens? Non, tu ne te souviens pas. Je pourrais te raconter, mais ce serait une autre histoire. C'est toujours une autre histoire. Pour tromper l'ennui. À cet instant où j'ai besoin soudain d'en sortir de cet instant peut-être parce que cet instant m'aspire, que je me sens m'éteindre moi aussi et alors c'est comme le sursaut de l'homme qui s'est trempé dans la nuit et ne veut à un moment plus s'éteindre. Un sursaut animal. Une frayeur immémoriale. Tu te souviens? Non, pas du tout. De quoi? De qui? L'instant d'avant, peut-être, quand le bas du ciel était d'un gris fabuleux, j'aurais pu me souvenir et inventer alors une fantaisie, flamboyer, peut-être, m'en griser, mais maintenant... Maintenant, je fume. C'est bien suffisant. Je ne résiste plus. Je sombre. Il n'y a rien à sauver. Et donc moi non plus je ne suis pas à sauver. Sauver de quoi? De la nuit? Regarde, comme j'étais magnifique, autrefois... Comme le bas du ciel était d'un gris fabuleux... Et maintenant je me laisse glisser tout entier dans la nuit comme dans le Noir Océan, sans résistance, paisiblement, non pas vaincu, car je n'ai livré aucun combat, juste soulagé que tout soit enfin terminé. Toute cette agitation. Ce sursaut, à un moment, de l'homme qui s'est trempé dans la nuit et soudain ne veut plus s'éteindre est vite oublié. Elle n'était pas si froide.
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