jeudi 27 septembre 2012

On dirait que je serais mort, mais que je serais encore un peu là, d'une certaine façon. Dans les limbes cybernétiques on dira. Tout cela n'est peut-être alors qu'un écho, ou comme l'effet d'une persistance rétinienne. Coincé là. Je pensais que peut-être je m'éteindrais comme une veille télé à tube cathodique. Sauf que rien ne se passe comme on l'avait prévu. Difficile à raconter. Soudain, j'ai su. Très vite. Tout. Instant très bref de totale clairvoyance ou alors de totale ignorance. Puis, tout aussi vite, je me suis même demandé si ce n'était pas simultané, je n'ai plus rien su. Et je me suis alors retrouvé là, dans ces limbes. Un genre de fantôme. En transit. Pour je ne sais plus où. Je l'ai su, à l'instant où j'ai tout su. Puis je ne l'ai plus su, puisque je n'ai plus rien su du tout. Je suppose que je suis en transit, un peu comme dans une gare, ou dans un camp de rétention où je serais tout seul en attendant d'être embarqué vers ma destination finale, mais peut-être pas, peut-être qu'en fait je suis déjà arrivé, qu'il n'y a plus rien après, pas même rien. Ça ne m'inquiète pas. Là ou ailleurs... Je suis là, même si je ne sais pas vraiment où, ni pourquoi, ni même comment j'y suis arrivé. Ça ne change pas tellement je crois ou plutôt je présume de ce que j'ai connu de mon vivant. De mon vivant... j'essaye de me souvenir... ou plutôt je dis que j'essaye de me souvenir, car je n'en ai aucune envie, de me souvenir, comme je n'aurais aucune envie de placer mon doigt au dessus de la flamme d'une bougie... Ce n'est pas que je redoute quoi que ce soit... C'est juste que je sais que ça brûle... Quand on le sait, c'est un peu con d'y mettre le doigt, sauf quand on aime souffrir... Et c'est tellement loin... Ou plutôt c'est tellement ailleurs... En même temps, ce n'était pas tellement différent il me semble... Peut-être qu'en m'efforçant j'aurais des souvenirs, que je pourrais me faire une idée de qui j'étais de mon vivant, deux ou trois anecdotes, des personnes qui ont compté, des choses que j'aimais faire, des sentiments, des sensations, des goûts... Le goût du café, c'était comment?... C'est étrange... Je n'en ressens pas la nécessité... C'est comme si cette état dans lequel je suis était celui dans lequel j'ai toujours été... La différence c'est que plus rien ne vient interférer... Je me suis détaché... Je suis loin... En même temps je suis là... Ça me semblait étrange, au début... Maintenant, ça me semble normal, comme si j'avais toujours été là, dans mon élément... Je n'est pas un autre... Sans doute l'était-il de mon vivant... Ainsi, si je m'efforçais, je pourrais en dire l'histoire... de cet autre... Mais tout effort m'est devenu non pas pénible, mais incongru... Déjà que j'étais paresseux de mon vivant... Maintenant, je peux dire je suis, tout comme je peux dire à la fois je ne suis pas... car c'est exactement la même chose... De même que l'individu que je suis est tout à la fois dividu... De mon vivant, j'aurais ressenti peut-être la nécessité de le prouver, ne serait-ce que pour passer un moment... Maintenant, je me sens libéré de toute nécessité... Je suis là, je pourrais être ailleurs, sauf que je suis là... Et tout en étant là, je suis ailleurs... Parce que c'est exactement la même chose, le même endroit, le même nulle-part...

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