J'ai vieilli. Je vois bien, j'ai la peau moins élastique. Et je blanchis, alors, les cheveux, de plus en plus... Le Rhône, lui, toujours pareil. Un peu plus loin, en descendant, à même pas cent mètres, il y a un village englouti. On dit que parfois on voit le clocher et le toit des maisons, mais ça m'étonnerait car le Rhône ne peut pas être clair, sinon ce ne serait plus le Rhône. Il est vert avec un soupçon de bleu, opaque. C'est comme ça. Dire que parfois on voit le clocher du village englouti, c'est juste pour attraper les touristes, même si les touristes il n'y en a pas. C'est pour dire quelque chose, alors, pour causer, dans ce pays où il n'y a pas grand chose à dire autrement... A cause du barrage, plus bas, on avait dérouté le Rhône, c'est pour ça, le village englouti... Quand j'étais gamin, ça me faisait beaucoup rêver, cette histoire de village englouti, c'était un genre d'Atlantide quelque part... Et puis il y avait les pertes de la Valserine, plus haut, c'était bien mystérieux aussi... La Valserine, d'un coup, elle disparaissait, sous les rochers... avant de réapparaître, bien plus loin, avant de redisparaître mais cette fois pour de bon dans le Rhône... J'ai vieilli, me suis-je dit, en revenant sur les lieux de mon enfance... J'ai eu envie de m'allonger, sous les arbres, au bord du Rhône, et même de m'endormir, et même que tout s'arrête là où tout avait commencé, dans ce pays où il ne se passe rien et où il n'y a rien à dire... Ça sentait bon l'herbe et les arbres et le Rhône... Des oiseaux chantaient dans les feuillages mouillés, ça m'a rappelé mon enfance dans les bois, d'autres bois...
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