Ma sœur, c'était mon ange gardien. Elle me protégeait, en permanence avait un œil sur moi. On se tenait souvent par la main. Elle m'a sauvé bien des fois. Elle arrivait toujours au bon moment. Elle ne s'en souvient peut-être pas, mais moi je m'en souviens très bien. Je me souviens même de l'odeur de sa robe de chambre, comme je me souviens de celle des coussins et de celle du divan. C'est là, imprimé en moi pour toujours. C'est sans doute l'époque de ma vie la plus heureuse, la plus parfaitement et simplement heureuse. Parce qu'il y avait ma sœur. Après, il y a eu l'adolescence, les choses ont changé. Puis on est devenus adultes et les choses ont encore changé. On a pris des chemins différents. N'empêche que c'est toujours ma sœur et que ce sera toujours ma sœur. On était bien. Elle était protectrice et moi protégé, ça a sans doute déterminé nos caractères. Même dans les situations les plus difficiles, plus tard, j'ai toujours eu l'impression d'avoir un ange gardien, que tout finirait ainsi par s'arranger. Cette sorte d'optimisme, de tranquillité, même si je suis parfois aussi pessimiste et intranquille, me vient d'elle je crois, de cette époque, de notre enfance. Je la trouve tellement émouvante, ma sœur, dans sa petite robe de chambre dont je connais encore l'odeur. J'ai aussi encore la sensation tactile du tissus de sa robe de chambre et de ma main sur son aine. Pour me redresser, je devais appuyer sur son aine avec ma main et même peut-être avec mon poing et elle me disait alors que je lui faisais mal, mais je faisais la même chose la fois suivante, même si je le savais bien que ça lui faisait mal. Du coup, ses souvenirs à elle sont sans doute moins agréables que les miens, elle qui me protégeait, moi qui avais tous les droits. C'est comme le souvenir d'une autre vie. Je lui faisais mal. Et je le savais. Je lui faisais mal, parce qu'on était tellement proches... Ce n'était pas méchant, mais il y avait déjà toute la cruauté qui couvait dans la tendresse... Ce besoin de faire mal, à un moment... Ce n'était pas intentionnel. Je n'appuyais pas sur son aine pour lui faire mal. Mais je savais que ça lui ferait mal... (Après cette époque bénie, est venue celle où on n'arrêtait plus de se chamailler, se traînant même parfois à tour de rôle par les cheveux à travers tout l'appartement, l'époque des cris et même des hurlements.)
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