Avant de marcher, j'étais dans ma boîte. C'était mon chez moi, ma boîte, je m'y sentais bien. On la mettait parfois sur la machine à laver, en plein essorage ça secouait. Au début, on m'avait mis dans cette boîte pour rigoler, pour voir la tête que je ferais. C'était la boîte à pommes de terre. Puis, comme je m'y trouvais bien et même très bien, c'était devenu ma boîte. Mon chez moi, en somme. C'est peut-être pour ça que j'ai mis du temps à marcher, à cause de la boîte, je ne voyais pas trop l'intérêt d'en sortir, être dans ma boîte me suffisait amplement. Il y a quelques années, j'ai lu un roman très étrange de Kôbô Abe, l'homme-boîte. Je me suis souvenu alors de ma boîte. Quand je me suis mis à marcher, je suis sorti de ma boîte. Mais je crois que par la suite je n'ai eu de cesse de la retrouver. Il me semble qu'à quatre ou cinq ans, je l'ai retrouvée, à la cave et que j'ai essayé d'y entrer de nouveau, mais j'étais devenu trop grand. Alors j'ai dû trouver des boîtes plus grandes. C'est pourquoi j'ai toujours été très casanier. (Ainsi que grand mangeur de pommes de terre.) Quand je suis chez moi, je suis un peu comme dans ma boîte. Je n'ai pas besoin de sortir sans arrêt. Dehors, il n'y a pas grand chose, c'est un peu toujours pareil, les mêmes gens qui marchent dans les mêmes rues, les saisons qui passent... Dans ma boîte, il y a tout. C'est mon monde. Toujours différent. Pas besoin de prendre le train, ou l'avion, car dans ma boîte je suis partout, je voyage même en permanence, dans le temps, dans l'espace, dans l'immobilité, c'est infini. Quand j'ai vraiment besoin d'action, de sensations fortes, je me fais une lessive.
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