Aru kyouhaku (Intimidation), de Koreyoshi Kurahara, est un petit bijou de film noir, qui commence un peu comme entrée d'un train en gare de La Ciotat des frères Lumière. C'est histoire de dire que ça commence toujours par un train qui arrive, le cinéma, c'est même l'histoire, ça a commencé comme ça, par un train, le cinéma, parce que finalement c'est la même chose, un train, le cinéma. Ça se finit dans un train d'ailleurs aussi. Soit on est dans le train, soit le train nous fonce dessus. Ça dépend des fois. Au début, on avait tendance à partir en courant. Puis, on s'est habitué. Il y en a eu bien d'autres, des trains, après... (Là, il faut que je parte au boulot... C'est l'heure...) ——— Bon, ça commence par un train, je disais... Et alors?... Alors, le train, cette fois, il ne nous fonce pas dessus, comme dans le film des frères Lumière. Pourtant, c'est le même genre de train, un à vapeur et c'est exactement le même cadrage. Ce n'est pas innocent. On n'hurle plus de frayeur, quand le train entre en gare. Ce n'est plus la panique comme au début. On sait maintenant que c'est du cinéma. On n'est plus des sauvages, en somme. (C'est peut-être bien dommage, mais c'est ainsi.) Le train, c'est du cinéma. Et alors? Alors, un type sort du train. Au début, on ne voit que ses pieds, ses chaussures, des chaussures de gangster, on se dit, et quand on voit le reste, son costume, son chapeau, sa dégaine, sa bobine, on se dit que maman avait bien raison quand elle disait que les chaussures ça dit tout sur un homme. Sauf qu'on se trompe et quelque part ça fait plaisir, car c'est tout de même agaçant, cette théorie sur les chaussures... Après aussi on se trompe. On croit que le prédateur est celui qui tient le revolver et la proie celui qui a la bouche froide du revolver contre la nuque. On croit que l'homme masqué manipule l'homme sans masque, en fait ce qu'il veut. On croit que le fort est fort et que le faible est faible. L'homme masqué croit savoir qui est l'homme sans masque. L'homme sans masque sait très bien qui est l'homme masqué et pourquoi même il est masqué et pourquoi il le braque de son arme... Et alors?... Alors, au début, un train arrive en gare et à la fin, on se retrouve dans un train. Peu importe où il va. Cette fois, on est dedans. On était peut-être même dedans avant d'y être, puisque le train, le cinéma, c'est la même chose.
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