Au bout du compte, le seul Dracula, le premier et à la fois l'ultime, c'est lui, c'est Max, c'est Schreck. L'Effroi, Schreck. C'est Nosferatu. Après, ce sera du théâtre, voire de l'opéra, Bela Lugosi, Christopher Lee... Après, on rigole. Parce qu'on a eu tellement peur, on a besoin de rigoler, après, de dédramatiser, de refouler très loin l'Effroi, Schreck, 1922, le muet. Il faut lui trouver un autre visage, surtout, après, un autre corps, le rendre tolérable et même désirable et même de plus en plus érotique, pour oublier l'effroi originel. (Jusqu'au très sensuel Dracula de Coppola.) Dix ans plus tard, 1932, Dreyer aura l'intelligence de ne pas reprendre le roman de Bram Stoker mais Carmilla de Sheridan Le Fanu comme argument de son lancinant Vampyr, qui est avec Nosferatu le plus beau et terrifiant film de vampires. (Ce ne sont pas des films d'horreur, mais d'effroi.) Parce que Dracula avait été incarné définitivement par Max Schreck dans le film de Murnau. Le revoir c'est comme revivre un vieux cauchemar d'enfance, muet, du temps où on n'avait pas encore les mots, où on ne pouvait pas s'échapper. C'est toujours là, enfoui. Ça fout toujours une trouille noire, rampante. On ne sursaute jamais. Mais le malaise est constant. Quelque chose de très froid qui en dedans sinue et vous emplit. Ça sent la vilaine mort, la pourriture sèche, le rat crevé. (Ça me rappelle qu'une fois, il y a bien longtemps, j'ai écrit à une fille (finalement plutôt très vulgaire) qui avait fini (et même peut-être commencé) par m'ignorer : Dracula, c'est moi! Une autre, plus tard, qui n'était pas vulgaire du tout, qui était même dans son genre très distinguée, m'a susurré : mords-moi... Et moi : Tu... tu es sûre?...)
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