Le Clochard Noir est revenu. Il revient toujours. On l'oublie. Puis il revient. Il se pose là. Les autres se posent plutôt entre les poteaux. Lui, c'est à l'angle du mur qu'ils se pose. Les autres mendigotent. Lui, jamais. Entre les pierres du mur il cache parfois des petites choses, des bouts d'allumettes brûlées, d'autres petites choses, on ne sait pas toujours quoi, des tout petits paquets douteux qui contiennent on ne sait pas quoi, on ne veut pas savoir quoi. C'est lui, le Clochard Noir, qui avait préféré mon mégot puant à une cigarette toute neuve. Parce qu'il ne mendie pas. Il fouille les poubelles, pour y trouver sa pitance et toutes sortes de choses. Et il ramasse les mégots. Mais il ne mendie pas. Mon mégot, il ne me l'avait pas mendié, avait même voulu le troquer contre une infâme, huileuse petite étiquette — peut-être de fromage de chèvre, je m'étais dit. Les autres, ceux entre les poteaux, mendient. Mais pas lui. Jamais. Il est juste assis là, à l'angle du mur, de ce mur où il cache des petites choses entre les pierres. Il ne parle pas. Jamais. Parler serait peut-être comme mendier. Et il ne mendie pas. Il ne regarde pas non plus les gens qui passent ou qui sont là, peut-être pour la même raison qu'il ne mendie pas. Il se pose là et reste des heures... des heures... sans bouger... comme en méditation... Sa puanteur atroce : aura putride — personne n'oserait, ne pourrait approcher à moins d'un mètre de cette abomination sans défaillir... Il n'y a plus que des fantômes, de toutes façons... Ils croient être vivants, mais ce sont des fantômes, il le sait bien, le Clochard Noir... Peut-être qu'à une époque il faisait partie lui aussi de ce monde de fantômes, n'en sachant rien. Puis il a su et alors il n'a plus rien voulu avoir à faire avec ce monde-là de fantômes et depuis il vit tout seul dans ce monde de fantômes, se nourrissant seulement de leurs déchets, lui peut-être le dernier des hommes.
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