samedi 23 mars 2013

Une corneille s'est posée sur une antenne télé et je me suis souvenu du Grand Corbeau dans mon rêve de la nuit. Comme un passage s'est formé entre la corneille sur l'antenne télé et le Grand Corbeau de mon rêve. J'ai froncé les sourcils. Un grand corbeau, vraiment très grand, plus grand que n'importe quel corbeau, il devait faire sur pattes trois mètres de haut, perché sur une grosse branche me regardait, un corbeau mythologique, de je ne sais quelle mythologie. Si la corneille ne s'était pas posée sur l'antenne télé, tache noire mouvante dans le coin de mon œil, bruit d'ailes qui battent sur place avant de se replier, je ne me serais pas souvenu du grand corbeau de mon rêve. J'ai froncé alors les sourcils. La gravité m'a gagné. Un instant j'ai perçu le passage menant de la corneille au grand corbeau de mon rêve, ou plutôt l'absence de passage car tout se joue dans l'intervalle, dans la simultanéité. (Comment pourrait-il y avoir un temps, s'il n'y a pas d'espace?) Je l'avais oublié, le Grand Corbeau. La corneille me l'a ramené. Il me regardait. J'étais saisi. Il ne disait rien. Il n'avait rien besoin de dire. C'était évident, ce que ça disait, un si grand corbeau noir. Son œil luisait comme une flaque de pétrole. Je me voyais dedans, déformé, je savais le moment proche où je ne serais plus qu'un reflet déformé dans son œil, ça ou autre chose, tellement déformé que ça pourrait être n'importe qui, n'importe quoi. J'ai fini par me désintéresser du grand corbeau, il me semble, même si je n'en suis pas si sûr, j'aimerais le croire peut-être seulement. Puis j'ai oublié. Puis une corneille, à l'aube, s'est posée sur une antenne télé et le Grand Corbeau m'est revenu. Il n'avait pas disparu. Il était toujours là, sur sa branche, à me regarder. J'ai froncé les sourcils. Puis, comme je suis fataliste, j'ai souri : la gravité s'est envolée, le poids, j'ai même salué de loin en pensée le Grand Corbeau à travers la corneille qui m'attendait sur sa branche.

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