Le vaisseau tangue. Mes os grincent. Je ne suis bien que dans la pénombre. Je ne désire rien d'autre qu'être là. Je suis chez moi. Dans cette pénombre. J'aimerais que ça continue. Mais un jour je devrai m'en aller. Je n'aurai peut-être ce jour-là plus les moyens de rester. Parce qu'il faut payer. Mais je ne vois pas plus loin que mon verre de thé. On verra bien, je me dis. Et après mon verre de thé, je m'en verserai un autre. Savoir que je peux m'en verser un autre me suffit, comme horizon. Au delà, tout est flou. Et au delà du flou il n'y a rien. Juste une grande lumière. Bien trop forte pour moi qui ne suis bien que dans la pénombre. C'est ma pénombre à moi. Je me la suis fabriquée. Pour survivre. Je ne peux être que là. J'ai juste tiré un peu le rideau. Je suis toujours à la même place, sur le canapé, avec le même point de vue, ça pourrait résumer toute ma vie, cette image. Derrière mon verre de thé. Ou bien devant mon verre de thé. Il y avait toutes sortes de variations. Je ne buvais pas toujours le même thé, ça dépendait surtout des saisons, je voyais défiler les saisons dans mon verre de thé, le thé n'avait pas toujours la même teinte et la lumière qui le traversait n'était pas toujours la même. Quand il m'arrivait de quitter mon observatoire, je ne désirais plus alors que le retrouver, enfin, dans ma pénombre, là où était ma vraie place. Loin de chez moi, ne serait-ce que descendu dans la rue pour acheter du pain, je me sentais exilé. Le thé, c'était mon luxe. Une vie sans luxe ne vaut pas la peine d'être vécue. Et la pénombre était mon royaume. Je n'y produisais rien, sinon la pénombre. Ça me suffisait. Je m'imaginais disparaître dedans.
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