Après l'extraordinaire les diamants de la nuit (démanty noci, 1964), j'ai évidemment eu envie d'en voir d'autres du mystérieux Jan Němec, cinéaste rare aux œuvres rares souvent brèves, rapides, denses, rythmiques, oniriques, sombres et soudain étincelantes et me suis procuré la fête et les invités, 1966 (je nais). Ce n'est pas seulement une satire du communisme, du totalitarisme, tout comme les diamants de la nuit ne parlait pas seulement d'eau low-cost. Cette époque est déjà loin. Tandis que le film est toujours là, hors du temps. Finalement, rien n'a changé, à part peut-être le décor, les costumes. Le Style ne vieillit pas. Il ne se conformait pas à une mode. L'air qu'on y respire n'est pas celui du temps jadis, derrière le rideau de fer. C'est son air à lui, de son temps à lui hors du temps. Derrière le rideau de fer. Il est toujours là, le rideau de fer. Il sera toujours là. Il y aura toujours aussi des chasseurs et des gibiers, c'est ainsi. Il n'y a pas grand chose à en dire, tellement tout est évident, dans la sinuosité, le malaise. Il n'y a qu'à respirer cet air hors du temps... La nuit suivante, j'ai fait un rêve. J'étais invité, dans une fête... Elle aussi, elle était invitée, je la sentais, la savais là, elle qui avait disparu depuis si longtemps, une éternité, y compris de mes rêves... Mais je ne voulais pas la voir. Tout ce temps j'avais tellement désiré la revoir, la cherchant dans mes rêves et maintenant qu'elle était enfin là, je ne voulais plus... Cette fête était un peu un traquenard. Tous les invités semblaient à leur place, formaient un genre de communauté joyeuse de gens à l'aise en bonne société, élégants, légers, ayant réussi leur vie, comme on dit, ce pour quoi ils étaient programmés... Moi, j'étais l'ami de la coiffeuse, c'est tout... Alors, je suis allé en bout de table et ai pris la parole, m'adressant à la fois aux invités et à elle que je savais là, toute proche, qu'à tendre le bras ou tourner la tête à peine, avec son mari : "Je n'ai rien à faire ici, c'est juste à cause de ma coiffeuse que je suis venu, pour lui faire plaisir. Je vais vous laisser entre vous. Et toi, je ne vais même pas te regarder. Juste quelques mots pour te dire que tu n'auras pas un regard de moi. Ce n'est pas du mépris. C'est juste que je ne supporterais pas, de te voir, ici, parmi les invités, dans ton monde, tellement dans ton monde, épanouie, souriante et même rayonnante. Je te félicite pour ta réussite et ton bonheur qui doivent même j'en suis sûr se lire sur ton visage, même si je ne les envie pas du tout car je crois que ce n'est tout simplement pas ma voie et maintenant je m'en vais..." Alors je suis parti, accompagné de quelques ricanements... C'est qui, ce fou?... Après, marchant seul dans la nuit au bord d'un canal à l'eau noire ridée d'éclats de lune, j'ai parfois un peu regretté, de ne pas l'avoir regardée, alors qu'elle était si proche... Puis je n'ai plus regretté... J'aurais souffert, bien trop souffert, et je ne veux plus souffrir... J'ai eu l'impression aussi qu'elle me suivait... Au début, inquiet, ému, je me suis arrêté et retourné plusieurs fois... Puis je ne me suis plus retourné... La fête, ce n'était pas pour moi... J'ai repensé alors à ces mots étranges de Lao Tseu : "Chacun s'échauffe et se dilate... Comme s'il festoyait au Sacrifice du Bœuf..."... Me suis mis bientôt à siffloter mon air, poursuivant mon chemin solitaire...
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