dimanche 5 décembre 2010

Comme c'est bien, Red River... (Bien mieux que Rio Bravo... Presque aussi beau que The Big Sky...) Howard Hawks rêvait de filmer une histoire d'amour entre deux hommes, avec une femme entre les deux. En fait, c'est ce qu'il a toujours fait. Il a dû bien s'amuser. A la fin, John Wayne n'a plus rien de la brute épaisse assoiffée de vengeance : tout dépenaillé, cheveux ébouriffés, on dirait une folle. C'est la femme, qui leur révèle qu'ils... s'aiment, Clift et lui. Je ris toujours, à la fin. Même si je trouve un peu injuste le sors réservé à Cherry Valance, joué par le formidable John Ireland, une des plus belles gueules de crapules du cinéma américain avec Lee Marvin et Dan Duryea. Là, pour une fois, il est réglo, John Ireland. Mais il se fait plomber quand même. On le sent venir. C'est injuste. C'est son destin. Avec une gueule de salaud comme la sienne... (Un an plus tard, il tuera Jessie James dans I shot Jessie James de Fuller...) Au début, il cherche un peu des noises, Cherry, on se dit que ça finira mal, qu'il trahira, ça se lit sur son visage, que c'est un salaud, c'est pour ça qu'on l'aime autant il faut dire, puis on se rend compte qu'il est cool, et même très cool... Mais il se fait plomber par un John Wayne qui fonce tête baissée comme un taureau, furieux comme rarement on l'a vu, peut-être seulement dans la prisonnière du désert, aveuglé par la passion... Ce qui est vraiment dégueulasse, c'est qu'on s'en fout, qu'il se fasse plomber, on ne sait même pas s'il est mort ou blessé, on passe à autre chose, on ne s'intéresse plus du tout à lui, alors qu'il était drôlement bien, Cherry Valance, noble et tout, pas une once de scélératesse, pour une fois... C'est peut-être qu'il était jaloux, John Wayne... En fait, entre Wayne et Montgomery Clift, ce n'était peut-être pas une femme, l'élément perturbateur, mais Cherry... Drôle de prénom pour un cow-boy, non?... Cerise... Parce que les deux, là, ils s'étaient bien touchés les pistolets, quand même : Tu veux le prendre?... Ok... mais alors tu prends le mien... Ok... Hum... nice gun... Il tire bien... Le tien n'est pas mal non plus, tu sais... (Et Walter Brennan, en Chœur de l'antique tragédie, de nous annoncer que ça finira mal, entre ces deux-là...) Normal qu'il ait pété les plombs, John Wayne... En même temps, Cherry, il n'avait qu'à pas rester sur le passage du Duke et dégainer on se dit, peut-être bien qu'il voulait Monty pour lui tout seul... Dans les histoires d'amour, il y en a souvent un qui reste sur le carreau... Ce qui est dégueulasse, c'est qu'on s'en fout... Il peut bien crever... On n'aura même plus la plus petite pensée pour lui... Il a rejoint le Néant... Alors que finalement c'était peut-être bien lui le plus noble, derrière ses airs de crapule, le plus digne d'intérêt et d'amour... Se souvient-on seulement qu'il a existé?... Elle est peut-être bien là, la tragédie annoncée, même si on l'a oubliée, balayée impitoyablement par un immense éclat de rire terminal...

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