mercredi 13 octobre 2010

Le hasard a ceci d'extraordinaire, c'est qu'il est naturel, dit Charles Boyer dans Madame de. Si je ne devais garder qu'un film de Max Ophüls, ce serait celui-ci. C'est comme une valse d'une fantastique élégance, d'une incroyable légèreté, dans laquelle la gravité elle-même et le drame s'immiscent avec légèreté. Tout n'est que mouvement, jusqu'à l'ivresse, jusqu'à la mort. Rien n'est gratuit, rien n'est fait seulement pour faire joli. L'étourdissement a du sens. L'œil nous emmène, nous fait voir, nous fait rire, nous émeut, et c'est un œil qui marche, qui virevolte même parfois, qui est toujours au cœur de l'action, qui est peut-être même le véritable cœur de l'action, le moteur, l'œil, comme du cyclone. On se souvient du grand travelling dans le crime de monsieur Lange, on se souvient de celui du début de la soif du mal, on se souvient de Kinuyo Tanaka qui court se tuer dans la forêt à l'annonce de l'exécution de son amant dans la vie d'O'Haru femme galante... On a plus de mal à mettre en avant un travelling d'Ophüls plutôt qu'un autre, tellement il y en a de somptueux, tellement on a même la sensation que le film n'est qu'un unique travelling... Juste dans Madame de... Le long de l'étang... Il les aimait, ceux-là, derrière les feuillages... Celui, hilarant, en va-et-vient, quand le fils du bijoutier revient sans arrêt sur ses pas pour apporter ceci ou cela à son père, qui se finit par un ahurissant cadrage en plongée... Les scènes de bal, éblouissantes, avec tous ces miroirs... (On se surprend, parfois, à être plus dans les miroirs qu'ailleurs...) Quand Danielle Darieux, à la fin, court vers son destin... Il y en a trop... Ou plutôt, il n'y a que ça... Jusqu'à l'ivresse, jusqu'à la mort... On se souvient d'Ophüls comme on se souvient d'Ozu, comme d'un extrémiste... L'un dans le mouvement, l'autre dans l'immobilité... Quelle splendeur, Madame de...

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