Je n'ai plus tellement envie d'aller voir dehors. Je lis deux ans sur le gaillard d'avant, lentement, dans mon fauteuil, il me faudra peut-être bien deux ans. Il faudrait que je lessive les murs de mon appartement. Que je repeigne mes fenêtres. Peut-être que l'odeur alors partirait. Parce qu'il y a une odeur, étrangère, depuis que je suis là. Quand je rentre chez moi j'ai l'impression d'arriver chez quelqu'un d'autre. Je fais un peu la grimace. Je ne l'aime pas cette odeur et ce quelqu'un d'autre alors non plus, même si je ne l'ai jamais rencontré, puisque je ne peux pas le sentir. Puis je m'habitue, à force de la respirer, cette odeur, quand je suis dedans, je ne la distingue plus, au bout d'un moment, je suis alors chez moi, j'oublie, je l'oublie, l'Autre. Je m'étais dit qu'avec le temps ça partirait, que la mienne d'odeur prendrait le dessus. Mais non. C'est pourquoi je ne sors pas beaucoup. Pour ne pas revivre trop souvent cette expérience désagréable de revenir chez quelqu'un que je ne peux pas sentir. Je fais brûler de l'encens, du papier d'Arménie, ce que je trouve, je fume autant que je peux, mais ça ne change pas grand chose, c'est comme incrusté dans les murs. Ça sent comme chez les vieux, quand je reviens, qui n'aèrent jamais, ça me rappelle des choses, j'ouvre alors vite les fenêtres en grand, été comme hiver. C'est peut-être que j'ai vieilli, je me dis et ce quelqu'un que je ne peux pas sentir même si je ne l'ai jamais rencontré, c'est peut-être moi, en fin de compte, car je ne veux pas vieillir, car je ne veux pas être un vieux et sentir comme un vieux, car je ne veux pas voir la vérité en face, en somme. Tu me trouves vieux?... Ah... tu es gentille... Mais ça ne prend pas... Oui, j'ai vieilli, je vois bien... Et ça ne va pas s'arranger... Même si je suis encore sur le gaillard d'avant, et pour un bon moment... Oui oui, un aventurier, parfaitement, tu me verrais, alors, tu n'en reviendrais pas, les cheveux aux vents et tout, l'œil vif et pas que l'œil... Un vieux, moi?... allons... C'est juste l'odeur, dans l'appartement, dans les murs... Et les bêtes, je t'ai parlé des bêtes?... Ah... les bêtes...
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