J'aime les grands films. Forcément David Lean. La fille de Ryan est une telle merveille. Du début à la fin. On pourrait se passer des paroles, ce serait un très grand film muet. Il n'y a pas grand chose à dire. Il y a tout à voir. La splendeur de cette scène est à couper le souffle. Comme la nature peut être belle. Comme faire l'amour peut être beau. On l'oublie, parfois. Alors qu'il suffit d'ouvrir les yeux. De sentir. Ce petit vent qui passe dans les herbes. Ce léger frémissement. Au début, Rosy n'est qu'une silhouette minuscule au bord de la falaise. Elle échappe son ombrelle. Son ombrelle tombe. Un idiot, en bas, sur la plage, la ramasse. (L'idiot, c'est moi, celui que la mariée n'a pas voulu embrasser.) Il est central, l'idiot. Sans lui, il n'y a plus rien, peut-être. Il est muet. (Comme le cinéma.) Il est le sosie inversé du fringant officier britannique. Il a la même claudication, marche dans ses pas comme son ombre. Et puis cette scène, dans les bois. Ils sont tout nus. C'est le cœur. Autour de ce cœur, ce sont des ondes. Comment était-il possible de faire d'aussi grands, d'aussi beaux films? Plus personne ne sait. Il y a comme un secret perdu, oublié. C'était encore le cinéma, en 1970, les derniers feux, le crépuscule. Alors c'était grand, très grand. Le cinéma, cette monstrueuse fabrique à rêves, devait s'immoler dans un dernier flamboiement. A la fin, elle embrasse l'idiot, enfin. Elle n'en a plus peur, du monstre. Peut-être même qu'elle l'aime. Oui, elle l'aime, tendrement. De tout son cœur, comme elle aimait l'autre de tout son corps. Il pleure. De tristesse, de bonheur. Elle disparaît. Tout est dit. C'est fini.
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