lundi 30 novembre 2009

Parfois (et même souvent) j'ai besoin de retourner à mes classiques. Dès les premières images de Saul Bass, dès les premières notes de Bernard Herrmann, je suis envoûté. Rarement l'alchimie entre l'image et le son a si bien fonctionné. (La petite chose que j'ai remarquée lors de ma dernière vision : à un moment, lorsque Stewart est en maison de repos, quelques subtiles notes de musique opèrent la transition avec le plan suivant, quelques mois plus tard. Je me suis passé plusieurs fois cet instant, entre deux plans, pour savourer ce motif délicat, ces quelques notes qui durent des mois... Ça ne m'avait pas marqué, les fois précédentes, et là, ces quelques notes ont provoqué en moi quelque chose de très étrange et j'ai eu besoin de retourner voir, ou plutôt de retourner entendre... J'ai été conscient d'être sensible à un effet, qui auparavant n'opérait qu'inconsciemment, dans un état proche de l'hypnose...) Quand j'étais gamin, je préférais la mort aux trousses. Il passait souvent le dimanche soir, à 20 heures 30. Le lendemain matin, je devais me lever très tôt pour partir à l'internat, où j'étais enfermé toute la semaine. Alors, je savourais. Le film était long. C'était un sursis, mieux valait qu'il soit long. Si j'avais pu, je serais resté l'éternité à regarder la mort aux trousses, la boule dans le ventre disparaissant le temps du film. C'est aussi un dimanche soir à la télé que j'ai dû voir pour la première fois vertigo. C'était beaucoup plus étrange, beaucoup plus complexe, pour un enfant de dix onze ans. (Ça l'est toujours, pour un homme de 43 ans.) Je suis toujours frappé par la splendeur de la chose, sans même parler des retentissements psychologiques. Tous ces talents réunis sous la baguette de Sir Alfred... D'un point de vue plastique, j'adore la période VistaVision et Technicolor d'Alfred Hitchcock... (Même si, en fait, Hitchcock, c'est toujours beau, la grande classe inoxydable...) Quand Kim Novak apparaît, dans sa robe verte, dans le restaurant rouge... La scène dans la forêt de sequoias... La Rolls verte... Le collier rouge de Carlotta...

dimanche 29 novembre 2009

J'ai beaucoup aimé le samouraï bambou, de Taiyou Matsumoto. (Vivement le tome 2...) Depuis quelque temps, je m'intéresse un peu au manga. Je retrouve des émotions qui remontent à l'enfance, quand je dévorais des bd. (Quand je me suis mis à lire des vrais livres, j'ai arrêté les bd.) Là, c'est du travail très soigné, très beau, empreint d'une poésie et d'une drôlerie irrésistibles. On prend son temps, on s'attarde sur les pages. On n'est pas pressé d'avancer dans l'action, comme dans certains mangas très addictifs qu'on enchaîne et gloutonne comme des épisodes de 24. Car l'action finalement est secondaire. La lecture de droite à gauche, un peu déroutante au début, devient vite très agréable, change le regard dans la lecture, apporte une touche d'exotisme tout en incitant à la lenteur. On flâne, on s'arrête sur un détail, on est bien... Les planches sont composées de façon magnifique. Le découpage quasiment cinématographique. Le style du dessin est très éloigné des codes du genre. Depuis plus de vingt ans je ne lisais plus de bd. Là, ça me donne envie d'en lire d'autres, de farfouiller un peu dans les librairies spécialisées, parmi les adolescents boutonneux. C'est tellement agréable, de passer une heure ou deux à feuilleter un manga. Si en plus c'est beau, intelligent, poétique, il n'y a pas de raison de s'en priver.

samedi 28 novembre 2009

Quel plaisir de découvrir un film d'Otto Preminger que l'on ne connaissait pas. On me dira qu'on ne peut découvrir quelque chose que l'on connaît déjà et je rétorquerai que l'on croit parfois connaître une chose, ou une personne, avant de vraiment, à un instant donné, faire l'expérience de sa connaissance, la découvrir, comme si elle nous avait été jusque là voilée, cachée. Mais, en ce qui concerne Daisy Kenyon, d'Otto Preminger, je ne l'avais jamais vu avant aujourd'hui et n'en avais même jamais entendu parler. C'est un drôle de film, qui laisse un drôle de goût. A la fin, j'avais un grand sourire et les larmes aux yeux, tellement je m'étais identifié à Henry Fonda. On croit tout du long que c'est un film noir. L'ambiance est là. On attend. On sent la part d'ombre qui veut s'épanouir, qui n'attend que le déclic pour emporter et engloutir les personnages. On en a même terriblement envie. C'est comme un désir contenu. Au bout d'un moment, une sorte de frustration s'installe. On n'est pas où on devrait être, on ne ressent pas ce qu'on devrait ressentir. Tout ce qui semblait menaçant, noir, et qui est tenu jusqu'à la fin (le téléphone qui sonne interminablement, même hors-champ... Sergio Leone avait-il vu ce film avant de faire il était une fois en Amérique?...)... tout s'étiole sans vraiment disparaître, revenant comme des volutes de fumée... C'est un faux film noir... Ou alors c'est un film noir perverti dans l'œuf... La grâce lunaire et faussement candide d'Henry fonda contrebalance parfaitement la virilité impulsive de Dana Andrews, acteur prémingerien emblématique tout autant trouble ici que dans le magnifique where the sidewalk ends... Il y a comme un virus injecté dans la mécanique prémingerienne... Il a lu Sun Tzu, c'est évident, l'amour est un art au même titre que la guerre... Et la femme dans tout ça?... Elle n'est pas fatale, elle est souveraine... On est très loin des stéréotypes habituels... Chaque personnage est d'une grande complexité psychologique... Le film continue, longtemps après la fin, comme si le téléphone, que personne n'a décroché, continuait de sonner...

vendredi 20 novembre 2009

Quatre cavaliers peu rassurants arrivent dans une petite ville bien tranquille. Et c'est parti... Voilà ce que j'aime, entre autres, dans ce film, comment l'argument est posé, comment ça se développe ensuite, tambour battant. C'est ce que j'aime aussi chez Budd Boetticher, dont Allan Dwan est peut-être le père d'ailleurs, on est tout de suite dans l'action. Petits films fauchés tournés en quelques semaines. Dwan, ici, avec une poignée de dollars, nous bricole un petit bijou de western. Je l'avais vu quand j'étais gamin, à la télé, je me souvenais surtout du méchant, Dan Duryea, qui crève l'écran et de la belle Lizabeth Scott, inoubliable dans le magnifique the strange love of Martha Ivers, de Lewis Milestone, blonde aux sourcils noirs presqu'aussi mémorable que Dorothy Malone, en plus douce, en beaucoup moins sexuelle. John Payne n'est pas mal, même s'il est un peu pâlot à côté de Dan Duryea. L'homme peut-être le plus aimé et le plus admiré de la ville sera bientôt l'homme à abattre... L'instinct grégaire n'attend que le signal pour la curée... La foule a soif de sang... bien plus haineuse, finalement, que les quatre cavaliers... Quelque part, il faut lui faire payer, et très cher, d'avoir été autant admiré... Même si ça se finit bien, la conclusion est tout de même très amère... Heureusement, pour sauver ce qu'il reste de noble dans la communauté, il y a la femme, la fiancée et la putain... Ah... l'immense travelling dans la ville... comme c'est beau... aussi inoubliable que celui au début de l'homme au bras d'or ou de la soif du mal... Dès le départ, d'ailleurs, c'est beau... Des enfants jouent dans la rue... Puis on voit les sabots des quatre chevaux qui arrivent... Allan Dwan, que je connais assez peu, n'ayant vu pour le moment que trois ou quatre films sur peut-être quatre cents, a traversé toute l'histoire du cinéma américain, du cinéma muet jusque dans les années 60... Il visionnait ses films sans le son, pour voir si ça tenait... Quel dommage que la plupart de ses films, notamment de l'époque du muet, dont il était l'un des grands artisans, aient disparu... Que de trésors perdus... Peut-être qu'un jour certains ressurgiront... Dans les films parlants de Fritz Lang aussi, on aurait pu couper le son... Moi, je suis un nostalgique du cinéma muet... J'aurais aimé que ça continue... encore un peu... comme ces rêves, au petit matin...

jeudi 19 novembre 2009

J'ai rêvé qu'une jeune femme mourait dans mes bras. Elle avait les yeux pleins de larmes. Elle devait avoir pris des cachets ou quelque chose comme ça. J'étais désolé, vraiment, anéanti... Pourquoi tu m'as rien dit?... Quel gâchis... Comment supporter ça...

vendredi 13 novembre 2009

Je ne sais pas grand chose de mon arrière-grand-père maternel. Juste qu'il avait une grosse ferme à la frontière de la Haute-Loire et de l'Ardèche. Pour dire si elle était grosse, il devait bien y avoir sept ou huit vaches, une paire de cochons et une douzaine de poules. Mais, là-bas, dans ce pays abrupt, qui s'appelait le travers et qui maintenant n'est plus que ruines au sol mangées par la nature, c'était une grosse ferme. Il eut de nombreux enfants, je ne sais pas précisément, une dizaine. La ferme, même si elle était conséquente, ne l'était pas suffisamment pour faire travailler et nourrir tout ce monde et c'est ainsi que mon grand-père, que j'ai fort bien connu, s'en est allé, vers l'âge de quatorze ans. D'abord, il a fait le tâcheron dans les fermes alentour. Plus tard, il a rencontré ma grand-mère, qui, d'après certaines rumeurs, était déjà enceinte quand il l'a épousée. (Ma mère pensait que son frère ainé, Maurice, n'était en fait que son demi-frère. Une façon, peut-être, de le refouler encore plus loin... Quel mépris elle eut pour lui, de son vivant et même après...) Au début des années 30, ils avaient 20 ans. Comme beaucoup d'enfants de ces campagnes ingrates, ils partirent, loin, pour la grande ville, St Etienne, où mon grand-père devint mineur de fond. Ce qui me frappe, dans cette photo, c'est la ressemblance avec mon grand-père, le même visage, le même regard, cette sorte de dignité rustique... C'étaient des costauds, des physiques de lutteurs. A la mine, mon grand-père était à la tâche, à prix fait on disait, faisait souvent double journée... (Il lui est arrivé ainsi de travailler plus de journées qu'il n'y en avait dans l'année...) Il avait le cœur sur la main, était l'homme le plus gentil et fiable du monde, toujours prêt à rendre service, mais il pouvait devenir violent, quand ça touchait son sens de la morale ou de la justice... ou quand tout simplement il n'en pouvait plus... Certains, parfois, profitaient de sa gentillesse et de sa naïveté... Il était honnête, droit, d'une grande simplicité, fidèle en tout... Je me souviens, on s'asseyait au fond du jardin, sur le banc, on ne disait rien, on était bien, le jardin était luxuriant, il fumait son caporal, c'était vraiment son domaine, son jardin, il était chez lui... Il me donnait sa grosse main calleuse, on allait se promener dans les allées... Quand quelqu'un disait : "C'est son pépé tout craché!..." on était fiers l'un et l'autre tout autant... Tranquillement, il tuait le lapin pour le civet, des gestes sûrs de paysan, il le clouait à la porte du clapier pour le dépecer, comme il aurait enlevé une chaussette... Le sang gouttait par un globe oculaire dans un bol... Il coupait l'herbe à la faux, sa roulée au coin de la bouche, c'était beau à regarder... Il parlait peu, mais il riait beaucoup... Il m'appelait son fillou... A la fin des vacances, quand je repartais, on avait tous les deux la larme à l'œil... Quand on se retrouvait, on avait aussi l'œil qui brillait... Comme il n'y avait pas beaucoup de lits, on dormait tous les deux dans le cosy, on était bien, on pétait un peu sous les draps pour faire râler la mémé qui dormait dans le lit à côté, on rigolait... Le cosy étant un peu en dévers, dans la nuit je roulais souvent contre le pépé... Les bois de lits sculptés semblaient avoir des yeux qui dans la pénombre me faisaient peur... Puis je sentais le pépé, à côté... Il a fini sa vie dans un hospice sordide dans des conditions misérables et j'ai toujours honte de l'y avoir abandonné, même si je n'y étais pas pour grand chose... Je me souviens de la dernière fois où je l'ai rasé... Il ne reconnaissait plus personne, à part moi... Mon fillou, il disait, quand j'arrivais et j'avais l'impression qu'il passait tout son temps à attendre son fillou et j'en ai les larmes aux yeux, là, maintenant, je me fais pleurer tout seul, plus de vingt ans après... J'avais tellement honte de ne pas y aller plus souvent... Ce n'était pas une corvée, c'était l'enfer... Ça me nouait tellement la gorge... Il était assis toute la journée dans un fauteuil, à côté d'une fenêtre sans vue, dans un pays tout triste et gris, loin de tout et de tous, attendant de mourir... Je l'ai pris en photo, là-bas... Il y avait son œil, qui luisait, dans la pénombre... Mais après, j'ai arrêté de prendre des photos, moi qui voulais devenir photographe, tellement j'avais honte d'avoir pris ces photos, comme si je n'étais venu que pour ça... La plus belle était ratée, mal cadrée, mal exposée, un pur accident... Il regardait en l'air, il semblait y avoir un halo de lumière, comme un oiseau qui s'envolait de sa tête...

mercredi 11 novembre 2009

Je ne l'ai pas connu. C'était l'oncle de ma grand-mère maternelle. Il vivait au nord de l'Ardèche, à la limite de la Haute-Loire, un pays sauvage, rude, où on cultivait surtout le caillou. J'ai une très belle boîte, ovale, en bois, qu'il avait fabriquée et qui contient toutes sortes de papiers de cette époque, des actes notariés, des relevés cadastraux, une lettre très belle aussi, écrite par un certain Fondard, à Sébastopol, pendant la guerre de Crimée. De lui, j'ai aussi un miroir, il était habile de ses mains... Il avait construit lui-même sa maison, en pierre, isolée, à flanc de colline, dominant la vallée, en face du Mont Mézenc. Pour des histoires imbéciles de famille, la maison a été vendue, dans les années 60, pour une misère, 3000 francs de l'époque, à de riches parisiens. J'y suis allé quelques fois, pour voir, une bien jolie petite maison, sur deux niveaux, avec une tonnelle attenante... je me suis même dit parfois que c'était la seule maison que j'aurais aimé habiter. Ma grand-mère disait que son oncle marchait plusieurs kilomètres tous les jours, uniquement pour aller acheter le journal au village. Il était curieux du monde, s'intéressait aux progrès des sciences et techniques, même s'il n'était que tout petit paysan, faisait un peu figure d'hurluberlu, d'intellectuel, dans sa campagne quelque peu arriérée... Il a fait la guerre de 14... Il ne s'est pas marié, n'a pas eu de descendance... Je suis peut-être le seul à avoir conservé des petites choses de lui et à regarder parfois cette photo... Ce visage m'a toujours été familier... Je me regarde tous les jours dans son miroir...
Il y a quelques jours, j'ai eu envie de relire l'homme aux pistolets, de James Carlos Blake, grand romancier lyrique américain, dans le sillage de Cormac Mac Carthy. (J'ai relu récemment crépuscule sanglant, stupéfiant...) J'avais trouvé il y a quelques mois cette belle photo de John Wesley Hardin, l'homme aux pistolets en question. (Pour une fois, le héros de l'Ouest n'avait pas l'air d'un bouseux ou d'un demeuré...) Une certaine élégance farouche... Hier encore, en faisant la vaisselle, j'y repensais, me demandant pourquoi je n'avais jamais vu de western relatant la vie tumultueuse de Wes Hardin, alors qu'il était sans doute le hors-la-loi le plus photogénique de cette époque... Et puis, cet-après midi, comme par enchantement, je tombe sur the lawless breed, de Raoul Walsh... Enfin!... Bon petit western du grand Raoul... Bien sûr je n'ai pas retrouvé ce souffle sauvage du roman de Blake, mais on ne peut pas reprocher au Raoul Walsh des années 50 de ne pas faire du Peckinpah... Non, Wes Hardin, même s'il semblait avoir des côtés fort attachants, n'était pas vraiment le gendre idéal... Il a commencé sa carrière à quinze ans en truffant de balles un noir qui lui avait mal parlé... Il était très raciste, comme beaucoup de Texans de cette époque... Après le pénitencier, ça ne s'est pas terminé en happy end comme dans le film de Walsh... Il était querelleur et violent, il avait ça dans le sang, il a fini par se prendre une balle derrière la tête, dans un bouge, à 42 ans... avec autant de cadavres que d'années à son compteur... C'est bien fichu, tout de même, on passe un bon moment, on fait juste un peu la fine bouche parce que Walsh nous a habitué à souvent beaucoup mieux... Rock Hudson est très bien... J'aime bien le duel avec Lee Van Cleef dans un tourbillon de poussière... Peut-être que ça va un peu trop vite à mon goût, qu'il y a un peu trop d'actions en seulement une heure vingt... que ça aurait mérité d'être un peu plus étoffé... étiré... je ne sais pas comment dire... Ce qui m'emporte, dans the big trail ou encore the tall men, et d'autres westerns du même Raoul Walsh je ne vais pas quand même dresser une liste mais je pourrais ajouter une corde pour te pendre, et que je n'ai pas trouvé ici, une sorte de densité du temps, ce sont des ballades, des cheminements... L'action et le temps fusionnent dans un souffle contemplatif... The lawless breed est de toute autre nature... Le scénario et le découpage prennent peut-être le pas ici sur la mise en scène et on a parfois l'impression que le souffle est un peu court...

mardi 10 novembre 2009

L'hiver, souvent, je chôme. J'aime bien. Je suis un peu ours. J'hiverne. J'ai un bon et joli poêle Auer. (J'aime le ronflement paisible du poêle, l'hiver...) Les après-midis sombres et froids, sur mon canapé, je m'emmitoufle dans ma couverture écossaise un peu miteuse, ma théière à portée de main, Mouchette ronronnant sur mon ventre, je me tape un bon petit western. (Hier, c'était le formidable the texas rangers, du King Vidor, la veille c'était the man from Alamo, du Budd Boetticher... Que des pépites...) C'est chouette, Canyon Passage... Normal, c'est signé Jacques Tourneur... Jacques Tourneur, ça sonne en moi comme Otto Preminger, ou Robert Wise... Il va y avoir du cinéma, ça veut dire... De la belle ouvrage... Le technicolor automnal exalte la rousseur de Susan Hayward, tout autant sensuelle que dans Garden of Evil que j'ai revu aussi récemment, grand western du grand Hathaway. Le technicolor adorait les rouquines. (On a la chance, aujourd'hui, en dvd, d'avoir accès à de très belles copies. Je viens de m'offrir deux petits coffrets universal indispensables : classic western round-up, en zone 1, pour 3 francs 6 sous, sur amazon uk... Les copies sont toutes très belles, ce qui n'est pas toujours le cas des copies diffusées dans nos contrées...) J'aime le jeu toujours très sobre de Dana Andrews. C'est un film qui gagne à être revu, pas si simple qu'il en a l'air. Plusieurs triangles amoureux, notamment... Ward Bond, en brute épaisse, est fameux et sa fin pathétique. Les indiens massacrent abondamment, femmes et enfants inclus, mais on comprend bien pourquoi... Et puis, il y a un rythme... Ce n'est peut-être pas aussi mémorable que out of the past, ou cat people... On prend peut-être un peu plus son temps, ici, il y a une sorte de paresse que j'aime bien, un genre de ballade...
Quand j'avais vingt ans, je ne jurais que par John Cassavetes. Aujourd'hui, je me sens plus proche d'un Paul Newman, par exemple. (Les acteurs, souvent, quand ils passent derrière la caméra, font des films extraordinaires.) Dommage qu'il n'en ait pas fait plus, Paul Newman... Même s'il aurait aussi pu se contenter de n'en faire qu'un, Rachel, Rachel, comme Charles Laughton a fait la nuit du chasseur. (J'aime beaucoup aussi le clan des irréductibles... Lee Remick y est tellement belle... Ah... Lee Remick... la grâce absolue... Il faut la voir dans le fleuve sauvage... dans le jour du vin et des roses... autopsie d'un meurtre...) Newman réussissait à capter quelque chose d'indéfinissable, de tellement infime, qui a peut-être à voir avec l'âme... Sans jamais juger, ni se moquer, ni donner en spectacle... On a le privilège d'être là, de pouvoir assister à ça, on se fait tout petit... C'est de l'émotion... Ce n'est pas du tout glamour, c'est juste humain... Tout est tellement juste... Sans effets de style, même s'il y a du style, ou plutôt peut-être : parce qu'il y a du style... (Il suffit de voir comment, en à peine une minute, au début du film, en quelques plans vides, le décor est planté...) Elle est bien seule, Rachel... dans son lit de petite fille... (Moi aussi, j'ai vécu longtemps avec ma mère...) La vie est tellement pesante... On étouffe... jour après jour... tout est toujours pareil... On dirait qu'il n'y a pas d'issue... Et pourtant... Mais non... Il voulait juste passer un moment, Rachel... Ce n'est pas si grave... Si?... C'est déjà bien, juste un moment, non?... Mais... alors...

dimanche 8 novembre 2009

J'aime beaucoup the gunfighter. Il me semble qu'on a toujours un peu négligé Henry king. Tous les films de lui que j'ai vus sont formidables. Son Jessie James, par exemple, est bien supérieur à celui de Nicholas Ray. Le cygne noir est l'un des plus beaux films de pirates que j'aie pu voir. Henry King était un esthète. Trop classique? Le duel au début de the gunfighter préfigure celui entre Randolph Scott et Lee Marvin à la fin de 7 hommes à abattre, de Budd Boetticher. C'est du grand style. Pas besoin d'en faire des tonnes... La photographie d'Arthur Miller est magnifique, ses cadrages et ses mouvements d'appareil toujours justes... (On devrait plus parler des directeurs de la photographie... Que seraient les chaussons rouges ou le narcisse noir sans Jack Cardiff?... Les plus beaux films de Douglas Sirk seraient-ils aussi beaux sans l'œil de Russell Metty?...) C'est en outre un film plein d'émotion retenue, de mélancolie, tout en sobriété. Le héros est fatigué. Il aimerait bien pouvoir se poser, tranquillement, sans qu'un abruti, toujours un peu le même, ait envie de lui tirer dessus. Gregory Peck est impeckable, comme il l'était dans yellow sky, de William Wellman. Lui aussi, Peck, il me semble qu'on l'a un peu vite rangé dans la catégorie bellâtre un peu fadasse, alors qu'il a joué dans tellement de films mémorables, je pense évidemment à duel au soleil, mais aussi à purple plain, le monde lui appartient...

vendredi 6 novembre 2009

Parlons un peu d'age of consent. Je l'ai vu pour la première fois il y a quelques jours et ai déjà envie de le revoir. Un bain de jouvence, ce film, l'avant-dernier de l'immense Michael Powell qu'auparavant j'appréciais surtout quand il était en tandem pour ne pas dire en couple avec Emeric Pressburger. (J'ai un voisin hystérique, grossier et très antipathique qui s'est mis à faire un boucan incroyable qui a coupé le fil de ma pensée, si pensée il y avait... Si son amie, suite à ce qui ressemble à une scène de ménage, pouvait enfin le foutre à la porte, j'en serais ravi...) Où en étais-je... Oui, un bain de jouvence, c'est ça... On dirait un premier film... On est très loin des joyaux fantastiques de ses années Pressburger... La forme est plus libre, la structure moins implacable, on est plus du côté d'Ar... de Jacques Rozier... (Si c'était un film de Jacques Rozier, ce serait peut-être bien son meilleur, avec Maine Océan peut-être quand même... En même temps, ce serait peut-être déjà un peu trop rigoureux, ou maîtrisé, retenu, pour être un film de Jacques Rozier... Oui, c'est confus, tout ça...) James Mason est monstrueux, comme bien souvent et même comme toujours... Ce film est peut-être l'anti-thèse de Lolita... Il n'y a rien de pervers... C'est juste la nature... La sève qui monte, l'envie de peindre (ou faire l'amour?) qui revient , tout est lié... Il faut qu'elle soit toute nue... Là, il est heureux... Le bonheur entre par les yeux... (Les fenêtres de l'âme?) Comme il est peintre, il la peint... Elle est la jeunesse, la pureté, elle a la peau dorée par le soleil, les jambes et les aisselles duveteuses, les hanches larges, les seins lourds comme des fruits gorgés de vie, elle est sauvage, elle est la nature, la Vie... Il renaît... Ce n'est pas que physique, c'est spirituel... Enfin, c'est la même chose, le physique, le spirituel... Il la sculpte dans le sable, au début... Oui, le temps finira par tout balayer, mais on s'en fiche, comme un moine tibétain qui fait son mandala... L'important, c'est l'instant, c'est maintenant, c'est l'impermanence... Il est bien trop vieux pour elle? Il pourrait être son grand-père?... Elle finira par lui faire comprendre, de la plus candide des façons, que ça n'a aucune importance... En fait, il n'est pas vieux du tout... Il est, c'est tout...

lundi 2 novembre 2009

Parfois, il n'y a pas grand chose à dire. C'est beau, c'est tout. C'est un modèle d'équilibre. C'est comme quand on boit un très bon vin. Laissons à d'autres les analyses. Moi, souvent, ça m'ennuie. Mais quand même, il faut le dire, il est légèrement tannique, belle robe foncée, un soupçon de fruits des bois... Il n'y a pas longtemps, j'ai vu soldier blue, en compagnie d'un critique de cinéma. On est allés boire un verre, après, on était à peine sortis qu'il avait déjà tout analysé, un film évidemment qui était une critique de la guerre du Viet Nam, avec un lien évident avec le lauréat... Je me suis dit qu'il avait sans doute analysé le film tout en le regardant... Mais l'avait-il bien vu?... De fil en aiguille, on parle film noir... Il m'envoie encore que Double Indemnity est le prototype du film noir... (Et Fritz Lang, alors, c'est pour les chiens?... n'ai-je pas eu la présence d'esprit de lui envoyer...) Il me parle aussi de pursued, de Raoul Walsh, un grand western psychanalytique, il me dit, que sa prof d'histoire du cinéma adorait... Bon... Ce que j'ai envie de dire : Moi aussi, j'ai joué ma vie à pile ou face... Moi aussi, j'ai tendu un revolver à la femme que j'aimais... Sauf qu'elle ne m'a pas raté...