vendredi 31 décembre 2010

J'étais tellement content, il y a quelques semaines, on ressortait à bout portant, dans mon cinéma, the killers, de Don Siegel, j'allais enfin le voir sur grand écran. Quelle déception quand j'ai compris qu'il ne s'agissait là que d'un petit thriller français, dont paraît-il on avait beaucoup parlé à la télé, mais je ne regarde pas beaucoup la télé. Je suis quand même allé le voir, comme ça, par curiosité, savait-on jamais : sans commentaire. Ils auraient pu choisir un autre titre que la traduction du the killers de Don Siegel. En même temps, j'avais trouvé ça bizarre, qu'ils ressortent à bout portant, dans mon cinéma, ce n'était pas trop le genre de la maison, mais comme je suis foncièrement optimiste je m'étais dit qu'ils faisaient des essais, maintenant qu'on passait de la vo et qu'on participait au festival Lumière et puis Don Siegel était au programme d'il y a deux ans, alors... en fin d'année, un petit classique, sur grand écran, quelle bonne idée, quel chouette cadeau, et puis ça a de la gueule, quand même, the killers... Je suis bien naïf, parfois... Du coup, pour me consoler, je l'ai revu chez moi, sur petit écran... Je préfère toujours la version de Siodmak, pour sa grande beauté formelle, mais j'aime beaucoup aussi celle-ci, plus nihiliste, carrément plus violente, on ne craint pas de brutaliser les aveugles et de tabasser les femmes, qui laisse une plus grande place aux tueurs, car ce sont eux qui mènent l'enquête... C'est dommage que d'autres cinéastes n'aient pas eu envie de refaire the killers... (Il y a bien eu le petit film d'étude de Tarkovsky, mais c'est tout juste une curiosité, un court-métrage un peu mal fagoté d'un génie qui ne s'était pas encore trouvé...) Les variations pourraient être infinies... Peut-être que Tarantino y a un peu pensé en brossant les personnages des deux tueurs de Pulp fiction... Michael Mann, par exemple, il pourrait nous en faire une autre version, de the killers... Il suffit de prendre la très courte nouvelle d'Hemingway et d'en faire ce qu'on veut... Ce ne serait pas pour effacer les deux versions précédentes... Ce serait plutôt comme jouer un thème de jazz, improviser, the killers... Que chaque époque ait sa version...

jeudi 30 décembre 2010

Mis à part quelques films, je n'aime pas tellement Nicholas Ray. C'est un peu comme James Dean, on en a fait une icône. Le cinéaste rebelle, ça va bien quand on a 17 ans... Nicholas Ray, un nom de code, juste le prononcer est censé nous transporter dans les contrées sauvages du cinéma américain... Mais je trouve ses films parfois tellement... quelconques, parfois même mous, sans style, parfois même carrément fades, le brigand bien aimé par exemple. Rebel without cause est tellement surestimé... Même si j'aime beaucoup son premier film, plein de grâce, les amants de la nuit (they live by night), ainsi que la maison dans l'ombre (on dangerous ground)... Johnny Guitar évidemment... Le violent (in a lonely place), j'aime bien aussi... C'est qu'il y a Bogart... Et puis aussi Gloria Grahame... Mais je suis sûr que ç'aurait été beaucoup mieux, avec les mêmes acteurs, le même scénario, tourné par un autre, un Raoul Walsh par exemple, vous imaginez? ou un Robert Siodmak, un Jules Dassin... Même un Lewis Milestone j'aurais préféré, ou un Joseph H. Lewis... Et qu'en aurait fait Mankiewicz?... Voilà, on lui a donné un scénario pas trop mal, au Nicholas, des acteurs habités et il nous a cuisiné ce bon petit film, sans plus, service minimum... On vous donne des bons produits, même si vous n'êtes pas grand cuisinier, vous réussirez toujours à faire quelque chose de mangeable... Fallait le donner à Otto Preminger, ce film... Ou à Samuel Fuller... Et Hitchcock?... Il aurait été tenté de faire une variation de Soupçons... Bernard Herrmann à la baguette, même si, en 1950, ils ne travaillaient pas encore ensemble... Vachement plus captivant ç'aurait été, dans tous les cas...

mercredi 29 décembre 2010

La nuit dernière, une petite chienne sophistiquée, c'était je crois une chihuahua, m'a fait des avances que j'ai bêtement repoussées. Elle était très gracieuse, de grands yeux vicieux et songeurs, un élégant nœud jaune sur la tête. Mourant de regret, brûlant de désir, je suis parti à sa recherche, échouant finalement dans une petite épicerie, où la caissière, sans charme, obèse mais bigrement sensuelle, s'est penchée vers moi par dessus le comptoir, s'est mise à me dévorer la bouche tout en me branlant lentement.

lundi 27 décembre 2010













Je ne vois pas ce que je vois.

dimanche 26 décembre 2010













à la croisée des chemins












Je vois ce que je ne vois pas.












au bord de la forêt












au cœur de la forêt












créatures de la forêt












La forêt pense.












fragment de pensée instantanée

mercredi 22 décembre 2010

Je ne me lasse pas de la splendeur de La Splendeur des Amberson. C'est toujours mon Welles préféré. Il aurait pu se contenter de Citizen Kane et de La Splendeur des Amberson. Après, il n'aura plus ce style flamboyant et retenu, cette justesse, cette vitalité, cette poésie. C'était quand même quelque chose, le cinéma... La Splendeur du Cinéma... C'est ce que je me dis... L'âge d'or est terminé depuis longtemps ou plutôt les âges d'or sont terminés... La décadence a duré... dure encore un peu... Il bouge encore un peu, le cinéma, à peine... En périphérie, il bouge encore un peu... Peut-être qu'on s'est trop gavés d'images et qu'elles ont perdu toute puissance esthétique, émotionnelle, onirique... On ne sait plus raconter d'histoires... On régurgite, réingurgite... On ne sait plus rêver, comme si tout avait été déjà rêvé... Alors je n'ai plus envie d'aller au cinéma... J'y suis trop allé... M'y suis trop ennuyé... Je préfère revoir La Splendeur des Amberson, chez moi, tout seul, emmitouflé dans ma vieille couverture, un après-midi d'hiver tout gris... Au cinéma, même si j'y travaille, je n'y vais presque plus... Je projette des films qui ne sont guère plus que des numéros de salle... On vient pour consommer, dans mon cinéma... On bouffe... (Et parfois aussi on vomit...) Bientôt, il n'y aura même plus de projectionnistes, dans les cinémas, c'est le Progrès... On va foutre à la poubelle une technologie vieille comme le cinéma, remplacée par une autre sans âme, plate, froide, que n'importe quel couillon pourra gérer à distance sur son ordinateur... Et mon métier va disparaître... Je ne tendrai plus l'oreille à côté d'un projecteur pour m'assurer que sa musique est juste, comme un mécano au dessus d'un moteur... Ça avait un certain charme, la mécanique, la pellicule... J'en parle déjà au passé, me suis mis à charger les projecteurs comme si c'étaient les derniers... Les petits soins apportés (ou non) à chaque projection... Mais je le savais, depuis le début, c'est même pour ça, entre autres, que j'ai choisi ce métier moribond... C'est la fin d'une époque... Ça ne me fait pas si mal que ça, quand je considère l'écrasante majorité de la production cinématographique actuelle : quel gâchis de filmer ça sur pellicule... Le cinéma est mort depuis longtemps, de toutes façons, il suffit de se plonger dans son histoire... Il a eu une aube et un crépuscule... C'était un truc du XXème siècle et plutôt de la première moitié, comme le jazz... (Aujourd'hui, il n'y a guère plus que les séries télé qui sont vivantes, excitantes, même si on sent déjà l'essoufflement du phénomène...) Alors, on a sa petite cinémathèque individuelle à la maison, qu'on regarde à la télé... On préfère explorer le passé plutôt que consommer le présent... Et puis c'est bien, la télé... Moi, c'est à la télé que j'ai découvert le cinéma... et que je continue à le découvrir... Ce qui était un spectacle populaire, collectif, est devenu un plaisir solitaire...

vendredi 17 décembre 2010

Elle est drôlement jolie, Constance Towers, dans les cavaliers, de John Ford. On est bien, dans ce western. On se promène. Ils se battent contre des réservistes éclopés. Un régiment d'enfants les met en fuite. Ils s'embourbent. Ils se font finalement rétamer par les confédérés. Mais on est bien. En somme, c'est une belle galère, cette chevauchée. Mais comme elle est jolie, Constance Towers, de plus en plus jolie, semant ses oripeaux le long du chemin... Alors ça change tout, ce n'est plus une déroute ordinaire... Et John Wayne n'est jamais aussi bien que quand il est fatigué, blessé... Il le porte sur sa figure... Ce n'est pas une balle dans la jambe qui va changer quelque chose... La balle, on la retire, ça fait mal sur le coup, un petit bobo de rien du tout... C'est son cœur, qui est blessé... Il se traîne, depuis toutes ces années... Aura-t-il une autre chance?... Le vieil animal a tendance à vouloir lécher ses blessures tout seul dans son coin... Mais certaines blessures ne guérissent pas comme ça... A la fin, il s'en va, à bride abattue, faisant sauter le pont derrière lui, pour retarder les poursuivants, mais alors on se dit qu'il la laisse derrière lui, aussi, qu'il coupe les ponts... avec elle?... Alors qu'il vient juste de la serrer dans ses bras pour la première fois?... Ou alors avec son passé... On ne sait pas trop... Ça se termine là... On est partagé entre un certain optimisme et une profonde tristesse...

lundi 13 décembre 2010

J'ai une tendresse particulière pour Will Rogers, dans les 3 films qu'il a faits avec John Ford : Judge Priest, Doctor Bull, steamboat 'round the bend... Je les vois plus comme des films avec Will Rogers que comme des films de John Ford. Pourtant, ce sont bien des films de John Ford. Lequel regrettait tellement de ne pas avoir pu faire d'autres films avec Will Rogers. C'était le Sud, Will, le Sud que John aimait tant... S'il n'était pas mort en 1935... Je me demande si John Wayne aurait été John Wayne, si Will Rogers n'était pas mort en 1935... Y aurait-il eu Stagecoach, en 1939?... John Ford aurait-il été John Ford?... Bien sûr, qu'il aurait été John Ford, mais sans doute qu'il aurait fait d'autres films avec Will Rogers, parce qu'il aimait beaucoup Will Rogers, ils devaient boire de sacrés coups ensemble... Aurait-il eu envie de boire autant de coups avec John Wayne?... Ou tout simplement de l'inventer?... Car on peut se demander si John Ford n'a pas inventé John Wayne... Peut-être pour se consoler de la perte de Will Rogers... Pourtant, il n'y a pas grand chose de commun entre John Wayne et Will Rogers... John Ford n'a pas inventé Will Rogers... Will Rogers, c'était Will Rogers, un point c'est tout... Certes on avait vu John Wayne, avant 1939, il apparaissait même, simple figurant, dans des films muets de John Ford, puis il crevait l'écran dans The Big Trail, de Raoul Walsh, en 1930... Avant de retomber dans des westerns B, où certes il avait de l'allure, mais que fort peu d'aura... Jusqu'à Stagecoach... où il devient vraiment John Wayne... L' Icône du western... Et celui qui a peint l'Icône, c'est John Ford... Il n'aurait jamais pu faire de Will Rogers une icône... L'idée ne l'a sans doute même jamais effleuré... Parce que Will Rogers était Will Rogers et ce qu'attendait John Ford de Will Rogers, c'était qu'il fût Will Rogers... John Wayne, si ça n'avait tenu qu'à lui, il aurait fait cascadeur, un point c'est tout, c'est ce qui lui plaisait... John Ford ne filmera pas John Wayne comme il avait filmé Will Rogers... John Wayne était son invention, sa chose, son golem... Ces films-là sont plus des films de John Ford que des films avec John Wayne... John Wayne, c'est la Créature... En inventant John Wayne, John Ford s'est réinventé lui-même... John Wayne, c'est John Ford... Alors que Will Rogers, c'était Will Rogers... Suis-je bien clair?... John Ford, c'est John Wayne... Finalement, il fallait peut-être qu'il meure, Will Rogers, pour que John Ford renaisse... S'il n'était pas mort si tôt, Will Rogers, alors peut-être que John Ford n'aurait pas ressenti le besoin d'inventer John Wayne, ou de se réinventer lui-même je ne sais plus très bien... Parce qu'il était bien, en compagnie de Will, John, peut-être que ça lui aurait suffit, de rester avec Will, à boire des coups, dans le Sud profond, en remontant le Mississipi, un peu saoul, à moitié sommeillant... Le désert, les cow-boys et les indiens, ça ne l'intéressait pas tellement, à l'époque... Quelque part, on peut donc se réjouir qu'il soit mort si tôt, Will, même si on l'aimait bien... Parce que quand même, John Wayne, c'est une sacrée invention...

dimanche 12 décembre 2010

Après les misérables de Raymond Bernard, je ne peux imaginer d'autre Jean Valjean que Harry Baur. Plus tard, Gabin ou Ventura n'auront jamais cette force et cette délicatesse mêlées. Il faut dire aussi qu'avant Gabin, il y avait Baur, Harry de son prénom. Un acteur bien français, né et mort à Paris, premier rôle au cinéma en 1908, Beethoven, de Victorin-hyppolyte Jasset, évidemment introuvable. (Bien plus tard, en 36, il sera Beethoven dans le très beau un amour de Beethoven, d'Abel Gance.) C'est dans Mollenard, que j'ai découvert Harry Baur, il y a bien longtemps, plus de vingt ans. Robert Siodmak, avant de partir à Hollywood, nous a fait là un cadeau magnifique, que j'aimerais tellement revoir, une perle noire du cinéma français des années 30. Harry Baur, il était massif et fragile à la fois. Dans certains plans des misérables, il a parfois des airs de Brando. Ou plutôt, c'est Marlon Brando, qui plus tard aura des airs de Harry Baur. Les acteurs, souvent, au début du parlant, venant du théâtre, étaient très grandiloquents. Pierre Blanchar, par exemple, était peut-être très bon acteur de théâtre, mais plombait quelque peu les films dans lesquels il jouait, tellement il était théâtral, dans les croix de bois par exemple, où son jeu sonne tellement faux comparé à celui de Charles Vanel, il n'y a guère que dans l'homme de nulle part, magnifique, de Pierre Chenal, que j'aimerais tant revoir aussi, que je l'ai trouvé supportable, car il ne parlait pas trop, si ma mémoire est bonne. Harry Baur, lui, même s'il était également acteur de théâtre, venait du cinéma muet. (Charles Vanel aussi...) On croit souvent que les acteurs venant du Muet avait un jeu archaïque. (Comme le jeune Jean Servais sonne faux, lui aussi, dans les misérables, à côté de Baur et Vanel, il ne sait pas quoi faire de son corps, de ses yeux, de sa voix.) C'est tout le contraire. Ce sont eux, les vieux, les plus modernes. Ils ne sont pas sur les planches. Ils sont devant une caméra. Il s'agit de prendre la lumière, d'impressionner la pellicule, mystérieuse (al)chimie, de parler avec les yeux, qu'ils aient ces lueurs, de s'exprimer avec son corps tout entier, plutôt issu de la pantomime que du théâtre, d'être là, non pas sur une scène pour une foule de spectateurs complices un soir donné, mais pour un Œil unique, ultime, ne cillant pas, monstrueux, ou plutôt monstruant, pour l'éternité, si ça se peut : le metteur en scène est Dieu, ou il n'est pas, c'est un athée qui vous le dit. Ce que réapprendront bien plus tard les Marlon Brando, James Dean... Ce que savait depuis longtemps aussi Michel Simon, le plus grand acteur français de cinéma de tous les temps. (J'ai revu il y a peu L'Atalante, qui serait bien pâlichonne, sans Michel Simon.) Mais revenons à Harry Baur. Pourquoi s'en souvient-on si peu? Alors qu'au début, bien avant Gabin, il y avait Harry Baur. Le premier Maigret, c'est lui. Jean Valjean, c'est lui et personne d'autre. Dès la première image, quand il redresse la statue de granit, lui-même de granit, il est le seul Jean Valjean possible. Et Mollenard, il faut absolument le voir en Mollenard, colosse au long cours brisé, châtré par sa mégère... Hommes libres, marins, poètes, aventuriers, surtout ne vous mariez jamais... Plutôt encore crever tout seul dans son trou...

dimanche 5 décembre 2010

Comme c'est bien, Red River... (Bien mieux que Rio Bravo... Presque aussi beau que The Big Sky...) Howard Hawks rêvait de filmer une histoire d'amour entre deux hommes, avec une femme entre les deux. En fait, c'est ce qu'il a toujours fait. Il a dû bien s'amuser. A la fin, John Wayne n'a plus rien de la brute épaisse assoiffée de vengeance : tout dépenaillé, cheveux ébouriffés, on dirait une folle. C'est la femme, qui leur révèle qu'ils... s'aiment, Clift et lui. Je ris toujours, à la fin. Même si je trouve un peu injuste le sors réservé à Cherry Valance, joué par le formidable John Ireland, une des plus belles gueules de crapules du cinéma américain avec Lee Marvin et Dan Duryea. Là, pour une fois, il est réglo, John Ireland. Mais il se fait plomber quand même. On le sent venir. C'est injuste. C'est son destin. Avec une gueule de salaud comme la sienne... (Un an plus tard, il tuera Jessie James dans I shot Jessie James de Fuller...) Au début, il cherche un peu des noises, Cherry, on se dit que ça finira mal, qu'il trahira, ça se lit sur son visage, que c'est un salaud, c'est pour ça qu'on l'aime autant il faut dire, puis on se rend compte qu'il est cool, et même très cool... Mais il se fait plomber par un John Wayne qui fonce tête baissée comme un taureau, furieux comme rarement on l'a vu, peut-être seulement dans la prisonnière du désert, aveuglé par la passion... Ce qui est vraiment dégueulasse, c'est qu'on s'en fout, qu'il se fasse plomber, on ne sait même pas s'il est mort ou blessé, on passe à autre chose, on ne s'intéresse plus du tout à lui, alors qu'il était drôlement bien, Cherry Valance, noble et tout, pas une once de scélératesse, pour une fois... C'est peut-être qu'il était jaloux, John Wayne... En fait, entre Wayne et Montgomery Clift, ce n'était peut-être pas une femme, l'élément perturbateur, mais Cherry... Drôle de prénom pour un cow-boy, non?... Cerise... Parce que les deux, là, ils s'étaient bien touchés les pistolets, quand même : Tu veux le prendre?... Ok... mais alors tu prends le mien... Ok... Hum... nice gun... Il tire bien... Le tien n'est pas mal non plus, tu sais... (Et Walter Brennan, en Chœur de l'antique tragédie, de nous annoncer que ça finira mal, entre ces deux-là...) Normal qu'il ait pété les plombs, John Wayne... En même temps, Cherry, il n'avait qu'à pas rester sur le passage du Duke et dégainer on se dit, peut-être bien qu'il voulait Monty pour lui tout seul... Dans les histoires d'amour, il y en a souvent un qui reste sur le carreau... Ce qui est dégueulasse, c'est qu'on s'en fout... Il peut bien crever... On n'aura même plus la plus petite pensée pour lui... Il a rejoint le Néant... Alors que finalement c'était peut-être bien lui le plus noble, derrière ses airs de crapule, le plus digne d'intérêt et d'amour... Se souvient-on seulement qu'il a existé?... Elle est peut-être bien là, la tragédie annoncée, même si on l'a oubliée, balayée impitoyablement par un immense éclat de rire terminal...

lundi 29 novembre 2010












 

On s'entend bien.











 

une si jolie petite fleur...

vendredi 26 novembre 2010

C'est à croire parfois qu'il n'y a plus rien à espérer, de rien. On a tout vu, tout entendu, tout vécu. Ou alors rien. Les rêves ne surprennent plus, comme si on les avait rêvés déjà mille fois, tout comme les jours qui sont toujours les mêmes, tout comme les nuits, toujours ce même coup d'œil par la fenêtre avant d'aller se coucher, pour voir où est la lune, comme un réflexe, en se brossant les dents. Car on se brosse les dents, avant d'aller se coucher. la vie est faite de petites choses qui se succèdent. Il y a un ordre. On ne se torche pas le cul avant d'avoir chié. Ce genre de chose. On est esclave de cet ordre. On est là, c'est tout. Il n'y a rien de glorieux. Quand on se regarde dans le miroir, on se trouve une figure triste, encore plus quand on esquisse un sourire. Le temps a passé. Il n'y a pas si longtemps, on était encore un enfant, on jouait dans la cour, les rêves étaient encore neufs, le merveilleux, courir était une joie dans l'espace des possibles, l'air vibrait des rumeurs infinies de l'instant. Maintenant, on est presque un vieillard. Déjà. Que s'est-il passé entre temps? Ne restent que des mondes perdus dans la brume. Pas toujours beaux. Et ceux qui sont beaux, si rares, il ne faut plus trop les évoquer, car c'est tellement douloureux de les savoir disparus. On a mal aux dents. Elles sont un peu branlantes. On a un creux dans le ventre, un vide, même après avoir mangé. La peau flasque. Et depuis quand porte-t-on cette moustache? Existerait-on encore sans cette moustache? Non, l'aube ne sera pas radieuse... Les lendemains ne chanteront pas... Mais prendre quand même tout ça, là, maintenant, ce fardeau de néant et le laisser s'échapper dans un souffle... Il n'y a plus que le son, avec cet énorme vibrato, cette tendresse infinie... Le son, c'est tout... Tout est dans le son... Il fait comme des volutes... Et le son console, le son emporte loin de tout ça, d'un coup il s'élève et ça nous serre la gorge on ne sait pas trop pourquoi... Ça s'adresse à une part de nous-mêmes que l'on ne contrôle pas, que l'on ne connaît pas... On se sent autre, plus léger, peut-être seulement enfin soi-même... Quand ça s'arrête, le silence, pour un temps, n'est plus le même...

mardi 23 novembre 2010

Rien que ce côté de toi qui va s'effaçant, suffit à exalter ma vie. (Poème de Wan Xia) Ainsi se clôt 24 city (Film de Jia Zhang Ke), même s'il ne se clôt pas. Il s'est mis à faire froid. J'ai eu envie de thé noir, ai hésité longtemps entre Jin Zhen et Qimen Mao Feng, ai finalement choisi Jin Zhen, que je ne connaissais pas. Plaisirs inconnus. Le monde change. Et pourtant il ne change pas. Still Life m'avait sidéré. 24 city m'a profondément ému. L'esprit vagabonde. C'est ce qui me plaît tellement, dans les films de Jia Zhang Ke. On pose son regard, ici, ou là. Rien n'est imposé. L'antithèse d'une autre modernité, celle d'Avatar, totalitaire, où le regard est dirigé, cloisonné, fasciné, n'a finalement plus grand chose à regarder. En outre, les films de Jia Zhang Ke sont je crois les premiers films tournés en numérique que je trouve plastiquement magnifiques. Une esthétique nouvelle. Ils ne cherchent pas à ressembler à autre chose. Que ce soit un documentaire, ou une fiction, ça n'a plus beaucoup d'importance. Le monde change. (Et pourtant, il ne change pas.) Le regard vagabonde. C'est beau, une usine d'armement. Et toutes ces existences dedans. C'est beau, un bâtiment d'usine d'armement qui s'effondre. Et toutes ces existences dedans. C'est beau, un être humain, je l'avais oublié. Il filme le moment. Le moment où. Le moment quand. Il se permet de citer Yeats. Finalement, il n'y a que la poésie, qui importe vraiment, l'infinitésimal, l'infini. L'esprit vagabonde. Là est la seule vraie liberté. Ce qui pourrait sembler trivial atteint le sublime. Comme elle est triste, l'histoire de petite fleur... Et belle aussi... La plus belle fille de l'usine d'armement, celle dont tout le monde rêvait, s'est finalement retrouvée toute seule... Elle est toujours la plus belle, petite fleur... Mais sa beauté, inaccessible, est une sorte de malédiction... Il y a tellement d'histoires... Chacun à la sienne, simple, belle, édifiante... On n'en veut même pas à Nana d'avoir choisi de faire de l'argent, le plus possible, plutôt que d'être un personnage de Zola... A la fin, on pleure même un petit peu avec elle...

lundi 22 novembre 2010

J'ai revu avec grand plaisir la vie d'un tatoué, de Seijun Suzuki. A une époque, fasciné par la marque du tueur, le premier film de Suzuki que je voyais, je m'étais rué sur tout ce que je trouvais du cinéaste, frôlant l'indigestion. Des années plus tard, j'y reviens, doucement, c'est bien meilleur. J'ai acheté une bonne bouteille de Whisky, subtly sweet yet smoky... En apprécierais-je encore la saveur après cinq verres d'affilée? Étonnant, ce Seijun Suzuki...

lundi 15 novembre 2010







Après Lady Snowblood et l'apprentie geisha, j'ai dévoré le fleuve Shinano, du grand Kazuo Kamimura. Comme c'était fin. Comme c'était beau. Parfois, je suis resté captif d'une planche, comme d'un tableau.

vendredi 12 novembre 2010

Certains films gagnent tellement à être revus. C'est comme pour tout, la première fois n'est pas forcément la meilleure. On peut rater le moment, passer à côté, être déçu dans ses attentes, quand on en a. On se met alors à cogiter, à ne voir que des effets, grandement soulagé d'arriver à la fin de ce moment pénible. Bien des années plus tard, avec un peu de réticence, mais tiraillé par un je-ne-sais-quoi, une vague réminiscence, quelque chose que j'avais capté peut-être malgré moi : Tiens, si je revoyais l'homme sans frontières... Et là, ce n'est plus la même chose. Le moment est parfait. La lenteur, qui m'avait autrefois exaspéré, m'a aujourd'hui envoûté. Un film extraordinaire. (Ça m'avait fait à peu près le même effet avec McCabe & Mrs Miller, de Robert Altman.) Inversement, la première fois, on peut être ébloui par un film, ou autre chose, ou quelqu'un d'autre, pour plus tard et cette fois durablement n'y voir que des effets. (Le pire, c'est de persister à vouloir voir du sublime tout en sachant parfaitement que c'est de la merde. Mais c'est tellement humain, de s'agripper à ses rêves...) Dans la foulée, j'ai envie de me faire une rétrospective Warren Oates. Comme il était bien, dans cockfighter, two-lane blacktop, de Monte Hellman, dans apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia, le plus beau Peckinpah. J'adore Warren Oates.

mercredi 10 novembre 2010

Mon cul. C'est la première fois que je photographie mon cul. (A l'aveuglette, le bras tendu.) Ça pourrait être celui d'un autre, ou même d'une autre, en plissant les yeux, qui serait très poilue, une Allemande peut-être. Mais c'est le mien. Mon cul. Je n'ai pas l'habitude de le voir. (Je n'ai aucun miroir chez moi à hauteur de cul.) C'est intéressant. Une facette de moi-même que j'ai un peu ignorée jusqu'à présent. Connais-toi toi-même. Si tu ne connais pas ton propre cul, comment pourrais-tu te connaître? C'est un peu comme un visage, un cul, ça exprime quelque chose. Non, je ne suis pas du tout exhibitionniste. Je ne suis pas particulièrement fier de mon cul, ni d'aucun autre morceau de ma personne. C'est juste que ça m'intrigue. Mon cul m'est à la fois familier et étranger. Si je ne savais pas que c'est le mien, le reconnaitrais-je? Que ressentirais-je alors en découvrant ce cul? Sympathique? Antipathique? Dur? Mou? Rugueux? Soyeux? Actif? Passif? Triste? Joyeux? Banal? Distingué? Érotique? Repoussant?... Je me souviens alors d'autres culs... D'un cul l'autre... Un que j'ai à peine aperçu et qui m'a hanté pendant des années, des années, un cul à rendre fou, vraiment, à se damner... Un autre que j'ai plus eu le temps de regarder et alors, comme Brigitte Bardot dans le mépris, couchée sur le ventre, elle m'a demandé : Et mon cul, tu l'trouves comment mon cul?... Bien, bien... Pas trop gros?... Mais non, tu plaisantes, on dirait un cul de jeune garçon... (J'aurais mieux fait de me taire, comme bien souvent... Elle est partie, avec un Américain vulgaire en Alpha-Roméo... Je te méprise, qu'elle m'a même dit...) Je m'égare. Le cul des autres, c'est une toute autre histoire. Il faudrait pouvoir se faire un album, où il n'y aurait que des culs, les culs de tous ceux que l'on a connus, jeunes ou vieux, famille, amis, amours, collègues, simples connaissances, commerçants du quartier, la piquante marchande de saucissons du marché place Carnot, la douce boulangère rue de la Charité... Et puis aussi le gros boucher bien rouge, le buraliste tout gris et sec comme une momie...

dimanche 17 octobre 2010

Un après-midi tout gris et froid, quoi de mieux qu'un bon petit Rohmer? Mon copain O, la première fois qu'il a vu un film de Rohmer, s'est exclamé : "Mais... Mais... On a le droit de faire ÇA?!..." Et bien oui, on a le droit. Moi, au début, ça ne me parlait pas beaucoup, les films de Rohmer. Je trouvais que les acteurs jouaient faux, que l'histoire était chiante, l'image moche. J'étais peut-être trop jeune et trop dans l'époque de ces films. Aujourd'hui, je les revois avec gourmandise. Je ris beaucoup. Et je suis ému. Je me souviens de cette époque, de ces couleurs, de ces cafés, de la jeunesse que je n'ai pas vécue. Une fiction tournée dans un documentaire. La comédie sentimentale. J'ai beaucoup aimé la femme de l'aviateur qui m'avait tellement ennuyé il y a vingt ans. C'est peut-être parce que la jeunesse que je ne vivais pas, je me suis mis à la vivre (doucement, à ma façon) à l'époque où elle était déjà censée être sur son déclin, me disant que j'avais encore toute ma vie pour la vivre et je suis donc sans doute bien plus jeune aujourd'hui qu'il y a vingt ans et donc bien plus concerné par ce que raconte Rohmer, ce drôle de type au regard de plus en plus jeune. Qu'est-ce que c'est compliqué, une fille... Qu'est-ce que ça peut être balourd, un garçon...

samedi 16 octobre 2010

Un après-midi tout gris et froid, quoi de mieux qu'un bon et long western? Je n'ai jamais compris que Cimarron soit moins apprécié par nombre de cinéphiles (les cinéphiles se contentent souvent de répéter gravement ce qu'ils ont entendu et d'aimer sans passion ni tendresse ce qu'il est convenable d'aimer, neuf fois sur dix sont les plus sinistres compagnons...) que l'homme de l'ouest, que je considère pour ma part comme raté, erreurs de castings absolues, même si je l'aime bien partiellement, un grand film malade, selon l'expression heureuse de j'ai oublié qui. Cimarron, ce n'est plus un western comme Anthony Mann en faisait du temps de sa formidable association avec James Stewart, the far country et the naked spur en tête. On peut aussi préférer le Mann des films noirs du début. Mais pourquoi bouder d'aussi grands films que le Cid ou Cimarron? Je les revois avec toujours autant de plaisir et même plus d'émotion que ses films antérieurs. Anthony Mann avait bien le droit quand même de faire des superproductions, non? Là, dans le cas Cimarron, c'est tout juste un grand film en bonne santé, selon moi. On peut prendre n'importe quelle scène, c'est magnifique. Et l'ensemble est parfaitement équilibré, harmonieux. Le casting est parfait. L'image très belle. Les personnages complexes et leurs relations passionnées et passionnantes. Les idées sont foisonnantes. Et puis c'est long et bon et j'ai pleuré à la fin, au terme de ce qui a été bien au delà d'une simple distraction : une expérience. (Comparable peut-être à Giant, du passionnant George Stevens, que j'ai heureusement réévalué il y a peu... the talk of the town, formidable, à ranger à côté des meilleures comédies de Hawks, Mc Carey ou Cukor...) Ainsi qu'un retour sur moi. (Entre autres sur ma misérable vie amoureuse que je ne renie pourtant pas.) Le cinéma, comme la littérature, la peinture, la musique ou n'importe quoi d'autre, il faut que ça parle, que ça touche, que ça devienne finalement personnel et même intime. Sinon, quel ennui.

vendredi 15 octobre 2010

Bergman, c'est les visages, les (très) gros plans. S'il ne s'est pas contenté de mettre en scène au théâtre, c'est pour les gros plans, les visages. C'est manifeste dans persona qui alors peut être vu comme son manifeste tardif, 1966 (je nais), le film où il a peut-être eu besoin de capturer l'essence de son propre cinéma, un film (entre autres) purement théorique. (Après ce film, il n'y a plus grand chose d'excitant, chez Bergman, c'est un peu son orgasme... C'est un peu comme Sonny Rollins après 1957...) J'ai revu, cet après-midi, vers la joie, qui date de 16 ans plus tôt. C'était comme si la caméra désirait toujours venir plus près. Je parle de désir et non de volonté. C'est irrépressible. Elle ne pense qu'à ça, la caméra. Elle se retient, jusqu'au moment où, n'en pouvant plus, elle vient. Comme un papillon fasciné par l'ampoule. L'œil approche, sans plan de coupe, du visage, de plus en plus près. D'autres fois, c'est le visage, qui approche, qui est alors le papillon fasciné par l'ampoule, la lumière. Il y a une sorte d'impudeur, parfois, à venir si près, quelque chose dans le regard qui serait du domaine de la pornographie. Comme dans la pornographie, à un moment, on ne peut plus continuer, il y a une limite à la pénétration du regard, au gros plan, on peut en ressentir une sorte de frustration ou d'impuissance, de tristesse finalement. Que découvre-t-on, quand on arrive à la limite du gros plan? Une vérité? Une émotion? La Joie est incompréhensible, dit le chef d'orchestre philosophe de vers la joie, ce n'est pas la joie qui fait rire, c'est celle qui explose, qui emmène au delà de la tristesse la plus douloureuse. Tout est dit. Il n'y a peut-être que ce qu'on y projette, dans le visage. Je ne sais pas. C'est incompréhensible. Il y a un mystère, dans ces visages vus de si près, qui n'est peut-être que le mystère que nous projetons. Peut-être qu'il n'y a que du vide, le vide du visage en soi et (ou) le vide de ce qu'on y projette. On a envie de toucher. De pénétrer. C'est très sexuel, Bergman. Ses actrices n'étaient pas sublimes pour rien. Il m'arrive de ne regarder un film de Bergman que pour me perdre dans la contemplation de ces visages sublimes. Un film de visage, c'est bien plus excitant qu'un film de cul. Finalement, le scénario, les idées, je m'en fous, moi ce que je veux c'est du visage. Alors, je me redresse de mon canapé, je me penche pour le toucher, ce visage immense, je suis redevenu un enfant, innocent, tout nu, devant ma télé, je réalise alors que je bande.

mercredi 13 octobre 2010

Le hasard a ceci d'extraordinaire, c'est qu'il est naturel, dit Charles Boyer dans Madame de. Si je ne devais garder qu'un film de Max Ophüls, ce serait celui-ci. C'est comme une valse d'une fantastique élégance, d'une incroyable légèreté, dans laquelle la gravité elle-même et le drame s'immiscent avec légèreté. Tout n'est que mouvement, jusqu'à l'ivresse, jusqu'à la mort. Rien n'est gratuit, rien n'est fait seulement pour faire joli. L'étourdissement a du sens. L'œil nous emmène, nous fait voir, nous fait rire, nous émeut, et c'est un œil qui marche, qui virevolte même parfois, qui est toujours au cœur de l'action, qui est peut-être même le véritable cœur de l'action, le moteur, l'œil, comme du cyclone. On se souvient du grand travelling dans le crime de monsieur Lange, on se souvient de celui du début de la soif du mal, on se souvient de Kinuyo Tanaka qui court se tuer dans la forêt à l'annonce de l'exécution de son amant dans la vie d'O'Haru femme galante... On a plus de mal à mettre en avant un travelling d'Ophüls plutôt qu'un autre, tellement il y en a de somptueux, tellement on a même la sensation que le film n'est qu'un unique travelling... Juste dans Madame de... Le long de l'étang... Il les aimait, ceux-là, derrière les feuillages... Celui, hilarant, en va-et-vient, quand le fils du bijoutier revient sans arrêt sur ses pas pour apporter ceci ou cela à son père, qui se finit par un ahurissant cadrage en plongée... Les scènes de bal, éblouissantes, avec tous ces miroirs... (On se surprend, parfois, à être plus dans les miroirs qu'ailleurs...) Quand Danielle Darieux, à la fin, court vers son destin... Il y en a trop... Ou plutôt, il n'y a que ça... Jusqu'à l'ivresse, jusqu'à la mort... On se souvient d'Ophüls comme on se souvient d'Ozu, comme d'un extrémiste... L'un dans le mouvement, l'autre dans l'immobilité... Quelle splendeur, Madame de...

mercredi 6 octobre 2010

J'étais sur le point de revoir battle cry, de Raoul Walsh, un film que j'aime beaucoup, je ne sais pas trop pourquoi, un drôle de film de guerre au ton propagandiste où ils sont toujours ou presque en permission, avec gradés fort sympathiques, sergent instructeur bonne pâte, des vrais copains... Alors, juste avant, je m'interroge... Pourquoi je l'aime autant, ce film?... Eh bien... c'est peut-être entre autres parce que j'adore cet acteur, là... Comment il s'appelle déjà, le sergent instructeur?... Je ne sais pas... C'est l'éternel sergent, le Spencer Tracy de série B... Et dans d'autres films aussi, je ne me souviens que de lui, sans connaître son nom... Il est temps d'y remédier!... Quand je reverrai Bastogne, ou encore asphalt jungle, sans oublier le formidable them! et tant d'autres films où il figure toujours indélébilement, je saurai dorénavant qu'il s'agit de James whitmore... J'adore James whitmore, voilà, quand il a les pieds gelés dans Bastogne, en simple flic en uniforme (de sergent) qui combat les bestioles dans des monstres attaquent la ville(them!), il déchire l'écran, il est magnifique... Je suis étonné, en consultant sa filmographie, qu'il ne figure dans aucun film de guerre de Samuel Fuller... Parce qu'il a vraiment une gueule à avoir joué dans un film de guerre de Samuel Fuller... Il aurait pu être dans baïonnette au canon, ou dans the steel helmet (j'adore ce film, qui me rappelle un peu la patrouille perdue de John Ford...) ou les maraudeurs attaquent... Oui, James Whitmore, une sacrée trogne... Je l'ai vu plein de fois, le James, il n'était peut-être pas toujours au générique... C'est lui qui faisait l'éducateur, dans crime in the streets... Il était bien... Ce n'était pas un chef-d'œuvre, mais ça faisait bien plaisir d'y voir James Whitmore en face du jeunot Cassavetes... C'est bien de pouvoir enfin mettre un nom sur un visage qui m'était tellement familier depuis toujours... J'ai dû aussi le voir dans une tripotée de westerns, je le vois, sur son cheval, la clope au bec, un peu de traviole, démarche toujours un peu bancale, l'œil un peu torve, le chapeau plutôt en arrière, les deux mains sur le pommeau de la selle, la chique dans la joue... Tout comme c'est bien de se souvenir que Dolores Dorn était sublime dans underworld USA, même si elle n'a fait que ça de mémorable, hélas pour le cinéma... Se faire son petit Panthéon B à soi... Il n'y a pas que Gary Cooper et Greta Garbo... Moi, si j'avais été cinéaste américain dans les années 40 et 50, j'en aurais fait ma vedette, de James Whitmore... Oui, parfaitement...

samedi 2 octobre 2010

(De fil en aiguille, après Guy Green...) J'ai envie de relire Alexandre Grine. Il y a bien longtemps, j'avais prêté les aventures de Ginch à une jeune femme pour la consoler d'un gros chagrin d'amour. (A une époque, des jeunes femmes venaient me voir, quand elles avaient des gros chagrins d'amour, comme si j'étais le consolateur évident...) Je ne l'ai jamais revue, pas plus que le livre. J'en garde un souvenir à la fois magique et brumeux (du livre). Un vieil ami m'a dit récemment avoir enfin lu et avec grand plaisir l'attrapeur de rats, que je lui avais offert il y a peut-être douze ans. Le petit livre s'était presque fait oublier, dans un rayon de sa bibliothèque... (Cet ami s'est toujours méfié de mes enthousiasmes littéraires... Je n'ai pu m'empêcher de lui offrir alors les belles endormies... Il m'en remerciera peut-être dans douze ans...) C'était un drôle de bonhomme, ce Grine, un Russe du début du siècle, un peu aventurier et révolutionnaire si ma mémoire est bonne. Ses livres sont des sortes d'aventures féeriques ou de féeries d'aventure. Il y avait quelque chose de sombre, sans être du tout désespéré. On avait constamment l'impression de rêver. Il ne m'en reste plus qu'une vague impression, peut-être la substance infime, le style, la voix, quelque chose de toujours très familier, intime, même si j'en ai oublié les détails, les contours, comme s'il s'agissait d'un autre moi que je connais parfaitement et m'est tout à la fois totalement étranger. Ses livres, j'ai eu quelque part l'impression de les avoir moi-même écrits ou rêvés. Ah... les voiles écarlates... le monde étincelant...
On a parfois des bonnes surprises. Et même des très bonnes. Guy Green, je ne le connaissais pas, tout en le connaissant puisqu'il a fait la photo de nombreux films magnifiques de David Lean, entre autres great expectations... Quand je disais qu'on ne s'intéressait pas assez aux directeurs de la photo... Le cinéma, quand même, c'est des images... Dans a patch of blue, Guy Green a confié la photo à Robert Burks, pas n'importe qui puisque c'est lui qui est responsable de la splendeur des Hitchcock période Vistavision et de quelques King Vidor... Du coup, plastiquement, c'est magnifique, en scope noir et blanc... Bon, Jerry Goldsmith a fait la musique... Une tripotée de seconds rôles formidables, Wallace Ford et Shelley Winters en tête... Un sujet casse-gueule mais on reste toujours sur le fil... Funambulique donc, quand on aurait pu si facilement tomber dans le sordide, le vulgaire, ou le sirupeux... Une fin ouverte... Comme c'est beau, le cinéma, quand ça se passe comme ça, c'est comme un petit miracle... (C'est peut-être son chef-d'œuvre, à Guy Green, puisqu'il l'a écrit, dirigé et produit...) Qu'est-ce que c'est beau, émouvant... J'aime bien verser ma petite larme... C'est souvent au cinéma que je pleure le mieux... Là, j'estime que j'en ai pour mon argent, comme on dit...

samedi 25 septembre 2010

Là, on n'est plus dans le lancer de chat ordinaire de série B. (Qui peut avoir son charme...) Dans Bell, book and candle, on assiste à parmi les plus belles scènes de chat jamais tournées. Quand le matou s'enfuit dans la rue, c'est absolument magnifique. Au générique je constate que Blake Edwards a participé au scénario et je me souviens de la très belle scène à la fin de diamants sur canapé, sous la pluie, à la recherche du chat, comme c'était beau... Que dire alors de Kim Novak, tellement evoûtante, ensorcelante, derrière sa douceur un peu candide, un peu sucrée, soporifique. C'est un bijou, l'adorable voisine, bell, book and candle... J'étais toujours passé un peu dédaigneusement à côté de Richard Quine, tellement je n'avais pas aimé deux têtes folles, il y a longtemps... Quelle erreur... Je me rattrape... L'inquiétante dame en noir est également formidable... Toujours avec Kim Novak... On peut dire qu'il la filmait avec amour... Quand elle est partie, à la fois de sa vie et de ses films, il y a eu un grand vide, Quine n'a plus fait grand chose de fameux, à ce qu'il paraît...

vendredi 3 septembre 2010

Don't let's ask the moon... We have the stars... Bette Davis me fait pleurer comme une madeleine... Ah... les yeux de Bette Davis... (comme chantait Bowie...) Elle est sacrément belle, émouvante, dans now, voyager, de Irving Rapper. Elle fait le trajet inverse à celui qu'elle faisait dans Mr Skeffington. Cette fois, elle ne vieillit pas pathétiquement, elle ressuscite. Les mères tyranniques ne sont pas à la fête. Ah... les mères tyranniques... On leur doit tout... On est toujours ingrats vis à vis d'elles... Elle ne vous disent jamais rien qui puissent améliorer votre propre image de vous-mêmes, votre propre estime de vous-mêmes... Elles disent même parfois tout le contraire... Elles sont les éternelles incomprises et martyrs... C'est tellement dur de s'en détacher, de ces mères-là... Surtout quand elles ont certains bons côtés... (La mienne, j'ai failli l'étrangler... il y a bien longtemps... Il n'y a pas très longtemps, elle m'a dit, au téléphone, très sérieusement et ça semblait être le fruit très mûri, pour ne pas dire pourri, d'une longue réflexion, que je n'avais pas de souci à me faire pour mon avenir, qu'elle se débrouillerait pour que je puisse aller dans une maison (de vieux), cela semblant être pour elle la conclusion logique et réussie d'une vie qui ne l'est pas forcément... Je n'ai pu m'empêcher d'exploser de rire, sans la moindre méchanceté... C'est vrai que je n'aurai sans doute pas une retraite bien épaisse, si j'en ai une, ni beaucoup d'économies, quand je s'rai vieux, si je le deviens, mais j'ai la chance d'avoir une mère très prévoyante... Merci m'man, c'est gentil, mais tu vois, je préfère de loin aller crever indigent sous un pont, à la belle étoile... Tu ferais mieux de te payer un voyage... que j'y ai dit, et c'était très sincère...) J'ai toujours trouvé suspect le dogme freudien du parricide... Tuer la mère, ça peut être nécessaire également et peut-être même davantage... Elles sont souvent incurables, ces mères-là, c'est ce qui est bien triste, elles n'apprennent rien de la vie, de leurs enfants... Elles ne les écoutent pas vraiment, ne s'intéressent pas vraiment à eux, à ce qui les intéresse, à leur vie, leurs envies, leurs goûts, leurs rêves, leurs amours, ne voulant partager ni leurs joies ni leurs peines, se plaignant ensuite d'en être exclues... Avec tout le lait qu'elles ont donné et continuent de donner sous une autre forme... Les enfants sont tellement égoïstes... Mais ils peuvent se soigner, heureusement... Il n'est jamais trop tard, pour vivre...