mercredi 15 février 2012

Il y a eu alors un grand flash aveuglant en même temps qu'un genre de bruit — pop! — comme le filament d'une lampe gigantesque qui claque en même temps qu'un genre de souffle gigantesque qui a semblé me vider les poumons ou alors une aspiration gigantesque je n'ai pas bien su, les deux à la fois peut-être et j'ai cru alors que l'immeuble allait s'envoler, ou imploser. Une ou deux secondes, pas plus, ça a duré. Heureusement, j'avais tiré les rideaux. Puis, un grand silence immobile, enfin, s'est installé. Je faisais la sieste sur ma méridienne, emmitouflé dans la couverture en patchwork pleine de trous dans laquelle on m'enroulait déjà quand j'étais tout petit. Sur le coup mes yeux se sont écarquillés à la limite de gicler des orbites et mes doigts se sont tendus au point que j'ai cru qu'ils allaient décoller de mes mains comme des fusées ainsi que d'autres bouts de ma personne. Puis c'est retombé. Bizarre. Je me suis pincé le nez et ai soufflé pour me déboucher les oreilles. Encore un peu vaseux de ma sieste je suis allé à la fenêtre. Dehors, tout n'était plus que cendre. Toute la ville semblait être tombée en cendres grises, à perte de vue, je n'avais jamais eu de ma fenêtre un si vaste et dégagé horizon. Le ciel était tout gris aussi, du même gris sale et l'air aussi était tout gris, comme neigeux de débris de peaux mortes. Seule mon aile d'immeuble semblait être restée debout, solitaire et branlante comme l'unique dent jaune dans la gencive d'un vieux. C'est justement parce qu'elle n'était pas très solide, un peu branlante, qu'elle avait si bien tenu, je me suis dit. Moins bien plantée que les autres, mais bien plus souple. Je me suis allumé une cigarette et l'ai fumée en contemplant le désastre que je trouvais en même temps très reposant. Plus rien, dehors, que de la cendre. Ça a l'air tellement solide, une ville, comme plantée pour toujours, et pourtant un seul grand flash aveuglant et tout n'est plus que cendre. Ça laisse songeur. Je me suis félicité d'avoir jointé les fenêtres qui sinon prenaient l'eau sans même parler de l'air. Je me suis félicité d'avoir fait un bon stock de boîtes de sardines, de thé, de café et de tabac. Il y avait encore de l'eau au robinet. Pas pour longtemps je me suis dit et j'en ai tiré le plus possible, plus les cent litres du ballon d'eau chaude, je me suis dit... Me suis fait du thé, l'eau ébullie à la bougie chauffe-plat. Suis retourné me vautrer sur ma méridienne dans ma couverture pleine de trous. On réfléchit mieux, allongé. Mais c'est qu'il est bon ce thé... Tiens, si j'appelais ma mère... Coucou, m'man... Ça va?... Oui oui, moi aussi, impeccable... sauf que tu vois, pendant que je faisais ma sieste... Sauf que le téléphone était coupé... C'est con, elle a l'esprit pratique, m'aurait donné des bonnes idées... A peu près sûr que dans sa ville, ce trou, il n'y a pas eu de grand flash aveuglant... Quelle idée d'aller vivre dans ce trou... En même temps, moi, j'ai l'air malin, maintenant, dans ma grande ville de cendres... [pop! (à suivre... peut-être... peut-être pas...)]

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