mardi 12 janvier 2010

Kinuyo Tanaka est... la dame de Musashino... annoncerait-on aujourd'hui ce petit Mizoguchi... Et ça sonnerait tellement faux... Petit?... Ce serait l'œuvre la plus sublime d'à peu près n'importe quel autre cinéaste... Il y a ce plan magnifique... L'orage gronde, ils sont perdus, tout petits dans le décor, au bout d'un bras de terre, au bord de la rivière... De grands arbres, majestueux, s'y miroitent... Même s'ils sont amoureux l'un de l'autre, même si rien n'a vraiment commencé, ils sont déjà au bout du chemin... Au delà, il n'y a plus que l'eau... Le sublime annonce toujours le pire... (Je me souviens du travelling somptueux dans l'intendant Sanshô... en plongée... on les suit dans une sorte de champ de joncs en fleur... Quelle laideur, dit alors un personnage, je ne me souviens plus qui...) L'eau... Au début, ce n'est qu'un charmant ruisselet qui murmure et scintille dans les herbes, tellement porteur de joie et de promesses de bonheur... Mais l'eau, souvent, c'est la mort... On croit que c'est la vie, mais en fait c'est le contraire... On a vite fait de s'y noyer... On doit se souvenir des crues dévastatrices, au Japon... Ou alors, c'est la même chose, la vie et la mort... Leurs ancêtres se sont installés là, parce qu'il y avait de l'eau... En fouillant la terre, ils découvrent avec effroi un crâne... Et puis il y a Kinuyo Tanaka... Comme elle était belle, dans les films de Mizoguchi... Elle était sans âge... pouvait être une jeune femme, une femme mûre, une vieille femme, d'un plan à l'autre, sans aucun maquillage, juste dans son maintien, sa démarche, ses regards... Je pense toujours à la vie d'O'Haru, femme galante, mon préféré, que Kenji Muzoguchi fera juste après la dame de Musashino... Quelle actrice... Quel film... Elle est sans âge... Les films de Mizoguchi aussi sont sans âge... J'ai parfois l'impression de rêver, quand je suis dedans... Dans mes rêves, souvent, comme dans les films de Mizoguchi, le sublime annonce le pire... Ça me rappelle Rilke... Il a dit quelque chose d'analogue, il me semble, dans les élégies de Duino... ça m'avait marqué, à l'époque... Car le beau n'est rien autre que le commencement de terrible, qu'à peine à ce degré nous pouvons supporter encore; et si nous l'admirons, et tant, c'est qu'il dédaigne et laisse de nous anéantir. (Presque 15 ans, que je n'avais pas ouvert le livre... Traduction pas très heureuse, un peu lourde peut-être...)

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