jeudi 19 février 2009

Je suis assez soulagé de constater que personne ne vient sur mon blog. C'est drôle, cette idée que j'ai eue de faire ça, comme des millions de personnes, m'exposer ainsi, pour voir, mais comme tout le monde s'expose aux yeux de tout le monde, ça ne veut plus rien dire, ça revient même à cultiver l'anonymat, la solitude, dans cette formidable utopie du webl'Être rejoint le Néant ou peut-être l'inverse. Je crois que je continue justement parce que personne ne vient, comme j'écrirais dans un carnet que je laisserais ensuite sur un banc public. Le jour où quelqu'un trouvera le carnet, je ne pourrai peut-être plus écrire dedans, si je ne le retrouve pas là où je l'ai laissé. En attendant, je trouve ça amusant et je viens, de temps en temps, m'asseoir sur mon banc. C'est un banc très en retrait du chemin. Il faut savoir qu'il existe pour pouvoir venir s'y asseoir. Ou bien alors en flânant, peut-être, on peut tomber dessus, même si le panorama, de mon banc, n'est peut-être pas extraordinaire. C'est mon banc, j'y ai mes habitudes, voilà tout. Il y en a plein d'autres, plus ou moins visibles du chemin. J'avoue qu'ils ne m'intéressent pas du tout, les autres bancs. A chacun son banc. Je n'ai pas le sentiment, ici, de faire partie d'une communauté. Ça me rappelle quand j'étais gamin, à l'internat, chez les curés. On avait tous un petit placard, à côté du lit en fer. On le fermait avec un cadenas, on y mettait des choses précieuses, des gâteaux, des bonbons, des illustrés, un Play-Boy ou un Lui, quelques sous. Certains même le personnalisaient, installaient une petite ampoule qui s'allumait quand on ouvrait la porte. C'était un petit coin à soi, intime, dans ce monde uniformisé, fermé, suffocant. On ne le faisait pas pour que les autres le voient, c'était caché, même si on aimait bien quand même que les autres le voient un peu et trouvent ça bien. Moi, je me suis vite lassé, de mon placard, car il m'a vite foutu le cafard, ce placard. L'odeur des chamonix orange que me donnait ma mère y régnait, mêlée à celle des vieilles chaussettes, et c'était l'odeur de la solitude, de l'abandon. Le soir, des nonnes jouaient de lugubres airs sur le carillon de la cathédrale de la visitation qui surplombait l'école. Je me sentais orphelin. J'avais dix ans, je sanglotais dans mon lit, la nuit, sous le drap, en grignotant mes gâteaux écœurants, en guise de réconfort, en cachette, honteusement, perdu dans ce long dortoir obscur d'une quarantaine de lits. (Puis sont venues les caries, les rages de dents...) Aujourd'hui encore, l'odeur de ces gâteaux me noue la gorge et juste apercevoir l'emballage dans un rayon de supermarché me fait légèrement grimacer. Dans les prisons, ils font la même chose, avec leurs placards. Et sur internet, on peut créer son blog, son placard et internet alors est une sorte de grand dortoir plein d'enfants abandonnés, chacun caché sous son drap à se réconforter honteusement comme il peut. Il y a quelques mois, j'ai vu un film magnifique de Richard Fleischer, son premier il me semble : Child of divorce. A la fin, les deux petites filles, à l'internat, sont devant la fenêtre et le clocher tout proche se met à carillonner. Alors, sur mon canapé, tout m'est remonté et je me suis mis à sangloter.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

je suis venue, j'ai trouvé votre banc par hasard, j'y trouve un peu de paix. Ne partez pas surtout...

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