samedi 29 novembre 2008

J'ai passé des années à ruminer un projet qui aurait dû s'appeler l'histoire du rouge gorge. J'étais prêt à consacrer toute ma vie à ce que je considérais, secrètement, comme mon Petit Œuvre, qui n'aurait pas excédé les 15 ou 20 pages. Pour dire que j'étais ambitieux... J'ai noirci des pages et des pages, en vain, retombant toujours dans mes vieux travers, mes vieilles manies, des digressions à l'infini, des phrases qui se perdaient en elles-mêmes, pour finalement toujours revenir à la même histoire, ma pauvre histoire à moi, perdant de vue l'histoire du rouge-gorge pourtant ô combien plus édifiante et poétique. Le projet était pourtant excitant, ne plus se consacrer qu'à cette petite histoire. Comme je n'arrivais pas à l'écrire, par manque d'humilité, de simplicité, de détachement et de style, je la racontais oralement quand j'en avais l'occasion. J'aimais beaucoup raconter l'histoire du rouge-gorge. Ce n'était jamais tout à fait la même histoire. Je prenais mon temps, pour la raconter, au risque d'ennuyer l'auditoire, ce qui fut souvent le cas je crois. Un jour, lors d'un mariage, je l'ai racontée à une jeune femme rousse, élancée, qui avait un petit air de Sondra Locke. J'étais très en forme, un peu ivre, je maîtrisais chaque intonation, je m'aidais de mes mains, mon visage et même mon corps tout entier au service du récit. A la fin, ses yeux étaient tout embués… J'appris un peu plus tard qu'elle était très sensible, qu'elle pouvait pleurer devant un reportage animalier quand la gazelle se faisait attraper par le lion, des choses comme ça, mais quand même, je n'étais pas peu fier... (D'ailleurs, moi aussi il m'arrive de pleurer, quand la gazelle se fait attraper par le lion...) L'histoire du rouge-gorge avait fait mouche... Alors, estimant que tout était dit, j'ai abandonné mon grand petit projet. Peut-être deux ans plus tard, j'ai peint cette petite aquarelle, pour me souvenir du décor de l'histoire du rouge-gorge.

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