jeudi 27 novembre 2008

Quand Ozu est mort, Setsuko Hara a arrêté le cinéma, sans faire de bruit, on ne l'a plus jamais revue. Ça me met toujours les larmes aux yeux. Qu'est-elle devenue? Elle était l'actrice fétiche d'Ozu, presque depuis toujours, comme Chishu Ryu. Elle avait joué pour Kurosawa, je me souviens d'elle dans l'idiot, dans scandale, pour Naruse dans le repas, et tant d'autres que je n'ai pas vus. Elle était la grande star féminine du cinéma japonais des années 40 et 50, l'égale de Toshiro Mifune. Ozu est mort, elle a tout arrêté. Ils n'étaient sans doute pas amants, quoiqu'on ne sache pas vraiment, même si on n'a vraiment pas envie de savoir. Ce qui les liait était peut-être plus fort que ça. Elle a été la fille, elle a été la mère, la nièce, la tante... Pour Ozu, elle était LA femme, sans jamais être un objet de désir... C'est d'ailleurs difficile de dénicher quoi que ce soit de sexuel dans un film d'Ozu... Les femmes ne sont jamais amantes, c'est très étrange... Le monde est débarrassé de toute pulsion sexuelle... Le regard d'un enfant (pas du tout pervers polymorphe) à hauteur de tatami... Elle n'a pas joué dans le goût du saké, le dernier film d'Ozu... Dans Fin d'automne, antépénultième opus du maître, elle joue grosso modo le même rôle que Chishu Ryu dans le goût du saké... (Entre les deux, il y eut dernier caprice, film un peu décalé dans la filmographie d'Ozu, puisque tout tourne autour d'un vieil homme, libertin, encore très vert, mourant dans le lit de sa maîtresse, comme si Ozu avait voulu brouiller un peu les pistes, vers la fin, ou se jouer un peu de nous... C'est drôle comme on a tendance à oublier ce film, quand on pérore sur Ozu, ou quand on s'en souvient à dire que c'est un film mineur, tellement ça dérange nos théories et quasiment notre vision du monde selon Ozu... Comment Ozu est-il mort, au fait?) J'imagine souvent le jour où Setsuko Hara a arrêté son cinéma... Etait-ce prémédité? Je ne crois pas. Je crois qu'elle n'avait plus aucune raison de continuer, que pour elle, brusquement, le cinéma (et peut-être autre chose) était mort. J'imagine qu'elle a toujours gardé ce sourire, même après. Dans la joie, comme dans la peine, elle avait ce sourire. Et ça me met les larmes aux yeux.

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