mercredi 25 avril 2012

Pas peu fier de moi, quand, il n'y a pas une heure, faisant mon marché, ayant doublé prestement une jeune femme poussant landau, j'ai glissé sur une feuille de salade, me suis alors envolé et même très haut... Pas la moindre surprise, comme sur le tatami, j'ai atterri sur le bout de l'autre pied et sur une main, mon sac plein de courses dans l'autre, me suis relevé en souriant, le cœur calme, la clope au bec, pas même eu besoin de m'épousseter le bas du pantalon ni de ramasser une pomme qui aurait bondi de mon sac car, dans les airs, j'avais aussi un œil sur mon sac ainsi que sur tout ce qui m'entourait... La fille, derrière, avec le landau, était estomaquée... Moi, tranquille... Dix ans d'aïkido, grosso modo... Tomber, je sais, grosso modo, mon corps a mémorisé, c'est comme marcher... Je dirais même que c'est ce que je préfère, la chute... Il faut s'envoler... Puis comme un chat, retomber sur ses pattes... La chute, c'est une esquive... pas un échec... C'est pour se sauver... La feuille de salade ne m'a pas eu, en tout cas... C'est bien traître, une feuille de salade, je m'en méfierai plus désormais... En rentrant, j'ai eu envie d'aller voir quelques vidéos de Morihiro Saito... C'était peut-être le disciple le plus humble de Ueshiba, un fils de paysan du village qui avait commencé l'aïkido à 18 ans... Toujours dans son ombre, on le voit, sur les photos, il le suivait, toujours à distance respectable, la tête un peu baissée, les mains sur son ventre, il le regardait faire ce qu'il faisait, d'ailleurs je pense qu'à la fin il ne faisait plus que regarder, c'était l'enseignement : Regarde... C'est lui, à la mort de Ueshiba, qui a repris le dojo d'Iwama, le village de Ueshiba et également le sien... Pas le grand dojo de Tokyo, non... le petit d'Iwama... le plus important donc... C'est Saito que je prends le plus de plaisir à regarder, que je comprends le mieux... Un gros, très gros chat... il bouge à peine... Un artiste du sabre aussi, et du bâton... Il vous prenait la tête et l'envoyait à l'autre bout de la pièce, très simplement, en poussant un cri magnifique... En même temps, il savait doser tout ça parfaitement, s'adapter au partenaire au premier coup d'œil, parce qu'au premier coup d'œil tu vois tout, de qui tu as en face de toi, comment il se tient, comment il bouge, son œil s'il est vif... Moi, il m'aurait pris la tête ainsi, il m'aurait tout simplement tué... Sauf qu'il ne m'aurait jamais pris la tête comme ça... C'est tellement facile, de tuer quelqu'un, que ça n'a vraiment aucun intérêt... Ce qui est intéressant, c'est les limites, les frontières, jusqu'où on peut aller... Alors, une feuille de salade, à côté, c'est quand même bien de la rigolade... En même temps, cette histoire de feuille de salade, je sens qu'elle va me trotter longtemps dans la tête... Être comme une feuille de salade... Être une feuille de salade... Traître?... De mon point de vue, quand j'ai glissé dessus... mais du point de vue de la feuille de salade, just'échouée là, certainement pas... Après, si un idiot qui n'a pas vu marche dessus et se brise les os, tant pis pour lui...

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