mercredi 18 avril 2012

Prisonnier de la mer. Celle de Kellermann, Bernhardt, 1910. Ça fait un moment. J'arrive plus à en sortir. Je le finis, je le reprends, boucle vicieuse, venteuse, qui me ramène au point de départ inexorablement, moi, âme si légère, si finement nervurée, feuille morte tournoyant, jouet du Vent. Nous avions tout ce que le cœur peut désirer. Nous avions des femmes à foison, nous avions à boire, nous avions des tempêtes qui tourbillonnaient à une vitesse de quatre-vingt nœuds. Nous n'avions besoin de rien : merci, passez votre chemin... Ça commence comme ça. Adieu, mes amours, dis-je, l'oreille tendue aux voix, adieu, je reviendrai! Ça finit comme ça. Et alors, je reviens, au début, pas le temps de dire adieu ni ouf! que je suis déjà de retour. Ça ne finit pas. Il est toujours sur la chaise en paille près de mon lit. J'arrive pas à le ranger dans la bibliothèque. C'est un chant. Comme on disait avant. Dante, ses chants... Ça chante... Mais attention, là c'est pas l'sirop à Voulzy avec guitares hawaïennes et dents du bonheur... Là, c'est l'Ouessant mugissant, terrible et magnifique, mythologique!... Alors Ouessant, je connais bien, maintenant, et même intimement, j'y ai glissé au moins un doigt, comme on dit, même si je n'y ai jamais foutu les pieds... Ça souffle, ça tempête même énormément, là-bas, sur l'île... Et puis Roseher... Ah... Roseher... Et le phare... Ouessant, j'irai, un jour, mais peut-être pas car je connais tellement déjà intimement... J'y suis, à Ouessant, en boucle, dans la mer, depuis un bon moment, alors... qu'y trouverais-je si je m'y rendais chair et os?... J'ai vu un téléfilm, il n'y a pas longtemps, qui se passait à Ouessant... c'était quand même bien moins surprenant, stupéfiant, sauvage et décoiffant... Joli, c'était, à peine ça remuait un ou deux cheveux sur le front... Quand même bien moins remuant... Mais j'irai, quand même, un jour, à Ouessant, voir au moins s'il y a encore Roseher... et Creac'h, le phare, s'il est toujours debout... en espérant qu'il y aura une tempête monstrueuse et que j'entendrai aussi l'homme que la mer rejette... En attendant, je suis prisonnier de la mer, du Chant... J'apprends aussi qu'à l'automne des films bretons de Jean Epstein seront enfin de nouveau visibles... Vivement!... En attendant, je lis la mer... Parce que je suis marin, moi, au fond, même si ça ne se voit pas... Et pas qu'un peu...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire