lundi 16 avril 2012

Il faut remonter loin pour être de nouveau subjugué. Pour voir quelque chose de vraiment neuf. Cœur fidèle, par exemple, Jean Epstein, 1923. Un film d'avant-garde? Il me semble qu'aucune troupe n'a suivi l'éclaireur. Dommage. Ou pas dommage, car finalement tout était accompli et l'éclaireur n'a illuminé que son propre chemin. Et comment!... L'histoire est très banale : Marie aime Jean et Jean aime Marie. Mais le tuteur de Marie la force à épouser Petit Paul, un vrai lascar qui picole et la bat. Il y a aussi une jolie infirme avec un pied-bot. D'ailleurs, elle est bien plus jolie que Marie. Elle est la messagère puis même à la fin la main de la Justice. C'est le fil. Suivi par un autre qu'Epstein, ç'aurait sans doute été très ennuyeux. Il a aussi écrit le scénario, Epstein. Il ne s'est pas trop foulé. Il lui fallait un prétexte, une toile blanche. Le scénario, c'est la toile blanche. Celle-ci plutôt qu'une autre finalement quelle importance... Quand à la fin Jean et Marie sont enfin réunis, Jean continue de tirer la gueule comme pendant tout le film. Il tient enfin pour de bon et pour toujours sa Marie dans ses bras mais il regarde ailleurs, loin, on ne sait pas trop où, gravement, juste peut-être dans le vague. On ne l'aura jamais vu rire, ni même sourire. L'Amour, c'est pas la joie. Il y a même une sorte de vague et immense tristesse, dans son accomplissement, malgré les feux d'artifice. Ils se retrouvent sagement enlacés sur le manège qui tournoie, le même manège où le vulgaire, visqueux, méchant Petit Paul avait emmené Marie pour la tripoter de ses mains ignobles aux ongles sales, lui soufflant son haleine vinasseuse dans le cou... Toujours le même manège...

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