J'ai toujours beaucoup aimé les westerns. Mes préférés, déjà tout petit, étaient ceux de John Ford, sans savoir qu'ils étaient de John Ford. (Juste après, venaient ceux d'Anthony Mann, sans non plus savoir qu'ils étaient de lui.) Il y avait comme une signature invisible, qui authentifiait certains westerns. Ceux-là, je les aimais plus que tout. Il y avait souvent John Wayne. J'aimais donc forcément John Wayne. J'aimais sa démarche de gros félin, surtout de dos. J'aimais la mélancolie qui se dégageait de ces films. L'importance donnée aux paysages, les grands espaces filmés non pas comme de simples décors, mais comme un Tout englobant, vivant, vibrant. La solitude, même au sein de la communauté. Je ne savais pas trop l'expliquer. Je ne cherchais d'ailleurs pas à l'expliquer. Ça me touchait. Comme me touchait, à un degré un peu moindre, la colère qui couvait en James Stewart, dans les westerns d'Anthony Mann. Aujourd'hui encore, ce sont mes deux cinéastes de western préférés, pour les mêmes raisons qu'autrefois. (Les autres, j'ai souvent du mal à les cerner. Raoul Walsh, par exemple, passait, d'un film l'autre, du grandiose à l'insignifiant ou presque... comme s'il avait expédié certains de ses films... Il m'est difficile de lier ses films dans une œuvre homogène, d'y lire une signature invisible, comme si tout était fait au coup par coup, au jour le jour... Mais ça a son charme aussi, comme s'il se réinventait à chaque fois...) John Ford et Anthony Mann sont les deux seuls que je reconnais aussitôt, comme je reconnais aussitôt le son du saxophone de john coltrane. Question de style, mais aussi de timbre. Parce qu'on peut aussi parler de timbre, pour l'image, si on veut. Je les vois du même œil que quand j'étais petit garçon, ces films-là. Les émotions sont toujours là. C'est quelque chose de primitif. Aucune ironie ne vient jamais interférer. Ce n'est pas un cinéma d'idées. C'est un cinéma d'émotions. Je me souviens quand John Wayne est mort, en 79, j'avais 13 ans, ils ont repassé à la télé plein de films de John Ford, la prisonnière du désert notamment, c'est à partir de ce moment que j'ai compris que mes westerns préférés étaient ceux de John ford, que j'ai pu mettre un nom sur tous ces films qui avaient depuis toujours une signature invisible. Ça a peut-être été alors la fin de l'innocence.
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