mercredi 14 janvier 2009

Ran n'est pas mon Kurosawa préféré. Mais c'est par ce film que j'ai vraiment réalisé à quel point Kurosawa était grand. Des cavaliers, immobiles, perdus dans le paysage. Des nuages, pas n'importe quels nuages, passent. On en oublie la tragédie qui se trame. Ça n'a même plus aucune importance. Les nuages comptent bien plus, les éléments. Les cavaliers ne sont guère plus que des fourmis. Ils sont disposés là , comme une rose des vents, chacun dans la direction d'un point cardinal. J'ai senti que Kurosawa avait attendu ces nuages-là, pour tourner la scène, pas seulement des nuages, mais précisément ceux-là. J'imagine... des heures et des heures, peut-être des jours d'attente, pour avoir ça, que tous les éléments soient réunis, une seule prise je présume, car le nuage n'est pas un acteur qui accepte facilement de rejouer la scène. C'est pour ça aussi que les cavaliers sont statiques. Les vrais acteurs, à ce moment, sont les nuages. Tout ce qui a lieu sous ce ciel, finalement, est dérisoire, c'est ce que j'ai ressenti à ce moment-là. Regarder passer les nuages est bien plus intéressant. Bientôt il y aura beaucoup d'agitation, trahisons, guerre, folie, mais je n'oublierai jamais que tout est dérisoire, que rien ne sera changé fondamentalement. Alors pourquoi une tragédie? Parce qu'il faut bien s'occuper, arriver à croire et à faire croire que ces occupations, quelles qu'elles soient, ont de l'importance. Quoi de mieux alors qu'une tragédie pour nous redonner un rôle capable de nous faire oublier qu'on n'est pas grand chose, sous ces nuages, se prouver qu'on n'est pas seulement vivant mais qu'on existe et même intensément? Sinon, on ne ferait rien, on resterait couché dans l'herbe à contempler le ciel, on en deviendrait peut-être soi-même brin d'herbe, ou bien nuage, ou mieux encore rien du tout, ce qui n'est peut-être pas à la portée de tout le monde.

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