vendredi 30 janvier 2009

Confessions intimes d'une courtisane chinoise, de Chu Yuan, est un film formidable, qui m'avait pourtant fait bâiller, la première fois, un peu écœuré après tout un paquet de sucreries très souvent mineures bien que presque toujours extrêmement rigolotes et colorées de la Shaw Brothers, d'où ne semblaient émerger que les opéras sanglants et torturés de Chang Cheh, j'étais passé à côté. Au début, on s'attend à un film de kung-fu en costumes de plus, même si déjà quelques plans semblent annoncer qu'on va quelque peu s'écarter du cahier des charges habituel. L'héroïne, enlevée et prostituée de force, est un peu fade, au début, tant qu'elle est victime, tandis que la méchante, la maquerelle, est carrément hyper-érotique, étonnamment sensuelle pour un film de la firme où les femmes étaient en général plutôt sages, pour ne pas dire accessoires. Elle est très cruelle, elle tue même à mains nues, avec ses ongles, c'est magnifique, une femme de caractère, enfin. On s'attend alors à un affrontement entre la gentille et la méchante, déclinaison féminine de ce qu'on était habitué à voir en masculin. Mais tout bascule. La gentille, dans sa quête de vengeance, devient elle aussi très belle et peut-être même plus cruelle que la méchante qui, par sa faiblesse sentimentale, devient très attachante. On commence à se dire que si elle est devenue ce qu'elle est devenue, c'était peut-être bien pour survivre, dans ce monde d'hommes veules et lubriques et on n'est pas loin finalement de Mizoguchi et le film prend alors de l'ampleur. Une sorte de lutte, d'abord voilée, s'engage entre les deux femmes, entre haine et amour, fascinées l'une par l'autre, animées et même taraudées par un profond et violent désir tout autant amoureux que meurtrier. Parfois, on en vient à douter de qui est qui, comme si leurs images s'étaient inversées, c'est très troublant. Leurs enlacements et leurs baisers sont torrides, elles se mêlent, leurs jolies petites langues dans leurs affolantes petites bouches. Les hommes ne sont bientôt plus que des pantins. Ils ne savent même pas se battre. Leur épée est bien fragile face à de pareilles furies et, s'ils la dégainent promptement, ils ne la tiennent jamais bien longtemps. Le film se clôt par une scène d'une violence absolue avec juste ce qu'il faut de jets de sang bien rouge comme des virgules dans une phrase, ô combien plus sauvage, dramatique et jouissive que dans Kill Bill, avec une montée quasiment orgasmique au climax stupéfiant : la méchante est littéralement transformée en vénus de Milo : on a très mal car on avait fini par carrément l'adorer, cette petite, c'est poignant, c'est même douloureux car ça atteint dans la chair, c'est tranchant, net, irréversible, on reste bouche bée, la tête faisant non-non... on se sent même d'un coup comme si on avait simultanémént été émasculé... Quand l'autre meurt à son tour, empoisonnée par un dernier baiser baigné de larmes et de sang, on est juste un peu peiné, car on l'aimait bien, quand même, et puis c'est pathétique, voilà où mène la vengeance, voilà où mène la passion, quel gâchis... même si on préférait la méchante... Il n'y a pas de gagnant(e)... Tout le monde a perdu, sauf le spectateur.

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