L'Aurore. C'est tout, il n'y a rien à dire de plus. Ça suffit amplement. Sunrise, a song of two humans. Un chant. Voilà. Alors, pourquoi les faire parler, puisque ça chante déjà? Ne risque-t-on pas de ne plus rien entendre? Non, il ne faut pas se fier à la photo, à ce que l'on voit. Ce n'est pas elle, le deuxième être humain du chant en question. Elle, elle n'est pas vraiment humaine, c'est la vamp, c'est la créature de la nuit, Nosferatu en femme. Là, il est en son pouvoir. Elle l'a envoûté. Murnau, pour moi, c'est l'héritier du romantisme allemand, Hoffmann, Chamisso et les autres. Autant chez Fritz Lang les contrastes entre le noir et le blanc me semblent très marqués, francs, les frontières entre le bien et le mal très tranchées, au scalpel, autant chez Murnau tout me semble incertain, inquiétant, mouvant, comme l'effet d'une respiration, d'une palpitation, d'un flux et reflux permanent. La lumière semble battre comme un cœur fragile dans l'eau épaisse et noire. Ce qui est blanc ne l'est jamais pour toujours. Les rivages sont sans arrêt recouverts et découverts par le flux et le reflux d'un épais, sombre océan. C'est une lutte permanente. Parfois, la lumière est à l'agonie. (Pendant des années, jusqu'à récemment, j'ai lutté, dans mes rêves, contre l'obscurité. Je me sentais comme agonisant. Mes rêves semblaient s'éteindre. C'était très angoissant. La lumière baissait, baissait, j'avais beau écarquiller les yeux... Fondu au noir... Dès le début du rêve, ça commençait, d'abord lentement, inéluctablement, le temps m'était compté... Plus j'en prenais conscience et luttais, plus ça s'accélérait... Puis, peut-être épuisé, j'ai accepté le néant, de disparaître dedans, de m'y abandonner... Peut-être même l'ai-je absorbé tandis qu'il m'absorbait, peut-être même suis-je devenu le néant... Un gouffre, sans fond, sans bords, une chute sans chute... Puis la lumière est revenue... Peut-être de la même façon, une fois, dans un torrent, j'ai été à un instant de me noyer, plaqué au fond comme une simple brindille, quand j'ai accepté la force du courant, de ne plus lutter, de m'y mêler, d'être lui...) Les étoiles finissent toutes, à un moment ou à un autre, par disparaître. L'image est vivante, vraiment vivante, elle respire, parfois difficilement, douloureusement, mais elle respire. Peut-être le plus grand poète du cinéma est mort au crépuscule du cinéma muet, à l'aurore d'autre chose. (Je pense aussi à Lon Chaney qui, en 1930, ironie cruelle, est mort des suites d'un cancer des cordes vocales.) Aurait-il survécu au parlant, Murnau, s'il ne s'était pas tué en voiture, en 1931, à 42 ans, une semaine avant la première de Tabu? Qu'aurait-il eu à dire? Je n'en sais rien. Personne n'en sait rien.
samedi 24 avril 2010
jeudi 22 avril 2010
Ah... Fritz Lang... La femme sur la lune... Quel spectacle ça a dû être, pour ceux qui l'ont vu(e) à sa sortie, en 1929... 2 heures 40... La superproduction de la UFA... Fritz s'est bagarré âprement pour que le film ne soit pas sonorisé... Quelle idée, de mettre du son, quand les images, en elles-mêmes, sont tellement sonores... Et puis il y avait l'orchestre, dans la fosse, c'était quand même autre chose... Plus tard, quand arriva le cinémascope, ça ne l'enchanta pas non plus, c'est tout juste bon pour filmer les serpents, qu'il a dit... Alors, il était contre le progrès, Fritz?... Je ne crois pas... D'ailleurs, sans la femme sur la lune, les Américains y seraient-ils allés de la même façon, sur la lune, 40 ans après?... Le compte-à-rebours, quand même, c'est Fritz qui l'a inventé... Et puis les fusées, hein, c'est pas les Américains qui les ont inventées... Tiens, celle-là de fusée, celle de la femme sur la lune, le type qui l'a créée, c'est le même qui a créé les V2... Alors, le progrès, la science, les nouvelles technologies, ça l'intéressait bigrement, l'ami Fritz... Mais le cinéma parlant, pour quoi faire, franchement, pour dire quoi?... Ah s'il n'y avait pas eu la crise de 29... les Américains qui ont voulu récupérer leur or en Allemagne... puis l'Adolph... c'est sûr que le cinéma allemand aurait eu une toute autre histoire... Et puis le premier homme sur la lune aurait peut-être été une femme, une Allemande... L'or, c'est la cause de tout... Les spéculateurs, qui en veulent encore plus... Ils ont mis l'Allemagne à genoux... Puis il y a eu l'Adolph... Deuxième Apocalypse, encore plus saignante, hurlante que la première... On n'imagine pas, aujourd'hui, ce que ça a dû être... Alors le cinéma s'est mis à parler, tout comme l'Adolph... Est-ce que ça en valait la peine?... Sans le son, il n'aurait pas fait le même effet, l'Adolph, il aurait même plutôt fait rigoler... (Au temps du cinéma muet, il n'était que caporal...) Mais c'est à cause de l'or, tout ça... comme toujours... D'ailleurs, Fritz, il le savait bien... C'est à cause de l'or, que ça vire à la tuerie, sur la lune... Ben oui... Parce qu'il y a de l'or, sur la lune, c'est à dire qu'il n'y a rien, sur la lune, c'est un désert... De l'or, pour quoi faire?... Hélius, lui, il s'en fout, de l'or... Il aime Frieda, c'est tout de même bien plus précieux que tout l'or de la lune... Mais elle semble en aimer un autre, à savoir son mari, un autre qui ne se soucie que de lui-même... (Sa face cachée est révélée, sur la lune...) Comme c'était bien, le cinéma muet, ce silence entre deux fins du monde... C'est drôle, comme le son est filmé, surtout au début du film, en gros plans... C'est vrai, à quoi bon mettre du son là où il y a déjà du son?... Plus de réalisme, mais pourquoi donc?... C'est du rêve, qu'on veut, nous!... Ah... Fritz Lang... Les films de science-fiction... C'était quand même vachement plus onirique, avant... Fritz Lang, c'est celui qui m'a le mieux emmené sur la lune, incontestablement... Et puis regardez-moi cette mise en scène, ce rythme, comme les images sont parlantes, les cadrages, les mouvements d'appareil, les compositions, le montage, l'expression des visages... Tout le vocabulaire du cinéma est là, toute la grammaire, le style, on n'a rien inventé de plus, après... Et puis il y a Frieda...
mercredi 21 avril 2010
Ma mère, à une époque, croyait que je posais pour des photos pornographiques. Je ne sais pas d'où lui venait cette idée saugrenue, penser une telle chose de moi qui suis tellement pudique. (J'ai reconnu tes cuisses! m'avait-elle une fois envoyé en montrant une photo qui était exposée sur mon mur et qui n'avait rien de pornographique, un très beau minotaure à tête d'hélice, dont on ne voyait même pas le vit, qu'un Rimbaud de la photo m'avait offert. Regarde! m'étais-je défendu en lui montrant mes cuisses, je suis bien moins musclé que lui... Et plus velu... Non, ce sont les tiennes, je le sais! je les reconnaîtrais entre mille! avait-elle conclu, c'est moi qui les ai faites!... (Argument irréfutable...) Elle pensait aussi que j'étais gay, que je me droguais...) Bien des années plus tard, j'ai posé, pour la première et seule fois de ma vie. Il fallait avoir le visage rasé de près, être torse nu, laisser couler de sa bouche un liquide visqueux et blanchâtre, j'ai joué le jeu... N'ai-je pas une belle bouche?... Qui aura reconnu mon grain de beauté au dessus de la clavicule droite?... (Et non pas gauche, comme on pourrait le supposer, le cliché à été inversé, je suis donc comme devant un miroir et il n'y a donc pas de regard de l'artiste, comme il n'y a pas de regard du modèle... On peut s'interroger (ou pas) sur la signification de cela... Je serais curieux de savoir si toutes les photos sont inversées... Je parierais que oui... Se prendrait-il pour un miroir?... Dieu?... Ou bien ce n'est qu'un truc?... Un truc pour faire parler de lui peut-être seulement...) Le photographe, dont je tairai le nom, faisait de très belles photos, érotiques surtout, des filles faisant pipi les yeux fermés, des choses comme ça, des photos blanches, très belles, souvent très grands formats. Il m'a beaucoup déçu en ne m'offrant pas un tirage, même si ça ne m'a pas étonné en fin de compte, alors que, tout de même, c'est de moi qu'il s'agit, mon torse, ma bouche, mon grain de beauté, en plus il s'agit de moi comme personne à part moi ne peut me voir, dans un miroir, une image donc très intime... Je croyais qu'il était d'usage d'offrir un tirage au modèle, même si on ne l'aime pas tellement... Je ne l'avais même jamais vue avant aujourd'hui, peut-être 10 ans après, cette photo, avant d'aller sur le site de l'artiste en question... Alors, sur son site, ma photo est très bien mise en valeur, puisque c'est sur elle qu'on clique pour voir toute la série... (Serait-ce, à ses yeux, la plus réussie?) Alors, je découvre que le tirage fait 128x106 cm, en 10 exemplaires plus 2 d'artiste... Ça doit coûter très cher... Je n'aurais sans doute pas les moyens de me l'offrir... Alors je la télécharge, illégalement la mets sur mon petit blog de rien du tout que personne ne lit et si on vient m'emmerder pour des histoires de droits d'auteur, je suis prêt à aller jusqu'au procès, au moins d'intentions... (Par exemple, je n'ai jamais autorisé l'artiste à disposer commercialement de mon image...) Ça s'appelle comment la zone entre la lèvre supérieure et le nez?... Je n'ai jamais su... Ça m'a toujours manqué, de ne pas savoir... Après une recherche rapide : l'arc de Cupidon... Il est quand même vachement bien, mon arc de Cupidon, non?... C'est chouette, l'arc de Cupidon... N'a-t-on pas envie d'y faire glisser la langue?... Je pourrais faire la couverture de Têtu... Ah... si ma mère voyait ça, je ne pourrais plus nier, ça validerait même à posteriori et définitivement toutes ses théories d'autrefois... Mais non maman, ce n'était pas ce que tu crois, j'te jure, c'était une mixture à base d'albumen, si ma mémoire est bonne... Et puis l'idée, tu vois, c'était plutôt... liquide amniotique... la naissance, ce genre de chose... Liquide amniotique, liquide amniotique, mon œil, on ne trompe pas une mère, je vois tout et puis tes mouchoirs tout raides, hein, sous ton lit, tu crois peut-être que je ne savais pas c'que c'était?... En tout cas, l'artiste, il n'a pas été très classe... (On m'a dit qu'il avait beaucoup grossi, qu'il n'était plus tout à fait le tombeur beau gosse d'antan...) Quand je pense que cette image est peut-être exposée dans le salon ou la chambre à coucher d'un bobo gay parisien, ou de Tokyo, car il a même exposé au Japon, l'artiste... Ça me fait bien rigoler... Si je l'aimerais chez moi?... Certainement pas... Même pas dans mes toilettes... Je préférerais une fille toute nue qui fait pipi les yeux fermés, une avec une jolie fente, je la regarderais dans un miroir, pour la remettre à l'endroit...
mardi 20 avril 2010
J'ai bien connu Ana Tot. Je la connais d'ailleurs toujours un peu. Il y a quelques jours, elle était à Lyon. On a dîné ensemble, deux fois. Ça faisait au moins cinq ans qu'on ne s'était pas vus. Elle n'a pas tellement changé. Elle m'a dit que moi non plus je n'avais pas tellement changé. Hier soir, j'ai revu les anges aux figures sales (James Cagney, c'était quand même la classe...) et je me suis souvenu que c'était avec elle que je l'avais vu la première fois. C'était du temps des tout premiers magnétoscopes, il y en avait un chez elle, on prenait des films à la bibliothèque... Ça ne nous rajeunit pas... C'était bien avant le Tournevisme... Alors, elle m'a offert son livre, plus un autre... On était à l'école ensemble, dès l'âge de 10 ans... On ne s'aimait pas tellement, au début... Une fois, elle a craché sur mon cahier... Je l'ai alors giflée... Devant tout l'monde... Voilà comment on s'est connus... Il est beau ce papier, je lui ai dit, en ouvrant le livre, en caressant les pages, broché?... Cousu! m'a-t-elle répondu. Plus tard, seul, je l'ai un peu lu, en picorant... Ça m'a rappelé des moments... Certaines choses étaient dans hélice... jadis... On se marrait bien, quand même, en ce temps-là... Même si on se bagarrait toujours un peu... (Elle avait une forte personnalité, j'avais parfois du mal à exister...) Sinon, on se serait peut-être bien ennuyés... Ce qui me fait penser qu'on s'est parfois beaucoup ennuyés, ensemble, quand on traînait, je me souviens... C'est peut-être bien l'ennui, qui est le point de départ de tout... En tout cas, il est bien, son livre, bien cousu... J'ai parfois ri bien fort... La poésie, il faut que ça soit drôle, sinon c'est bien trop triste...
samedi 17 avril 2010
(Après Street Angel, m'étirant comme un chat après la sieste.) Le cinéma, c'était un truc du XXème siècle peut-être seulement, je me dis. C'est comme le jazz, c'est fini, c'est le passé, le de plus en plus lointain et nébuleux passé. Les brumes du rêve se sont peu à peu dissipées. Il n'en reste plus grand chose, de ce mystère des origines. On s'est mis ensuite à faire parler les acteurs. Puis la couleur est venue. Maintenant, il y a la 3D, Avatar, on en prend plein les yeux, fascinés de bout en bout, c'est du très grand spectacle. Mais qu'en reste-t-il? Un film assez banal et même un peu simplet, finalement, dont le seul vrai intérêt est la technologie développée pour le réaliser. (Mais on ira voir Avatar 2, évidemment, on a même hâte qu'il existe, parce qu'on en veut encore, on est même toute langue pendante, baveuse, toute cervelle avide de vide en attendant la chose, même si on connaît la suite que n'importe qui pourrait écrire en un quart d'heure sur un coin de table de fast food, on est bien de son époque... Grosso-modo, ce sera l'empire contre-attaque... Vivement... Le THX est mort!... Vive le Real3D!... (Aucune ironie là-dedans, je suis vraiment client...) Comme si on croyait que le rêve pouvait renaître avec des béquilles, des trucs pour donner du relief à ce qui a perdu toute profondeur...) Qui se souvient encore de Janet Gaynor et de Charles Farrell? Qui se souvient de Frank Borzage? C'était du rêve. De l'émotion. On n'avait pas encore appris à parler et donc on ne disait pas encore trop de conneries. L'histoire qui nous est contée est très banale, bien plus banale par exemple que celle d'Avatar. On la connaît même par cœur, cette histoire, c'est un peu comme ces bluettes que chantait Billie Holiday, sauf que là ça finit plutôt bien. Elle aurait pu chanter n'importe quoi, Billie, de toutes façons... Là, c'est un peu pareil, Borzage, avec Janet Gaynor et Charles Farrell, ils auraient pu prendre n'importe quelle histoire... Leur association tenait de l'alchimie, ils auraient transformé n'importe quoi en rêve... C'est une histoire d'amour, voilà, il n'y a rien à dire de plus, à un moment, il est à deux doigts de l'étrangler, comme dans toute histoire d'amour qui se respecte, il faut dire qu'il a tellement souffert, quand elle a disparu, tellement d'amertume en a résulté, il a même perdu foi en son art... (Dans l'Aurore également le meurtre n'était pas très loin...) Parce que dans l'ombre, tapie, attendant son heure, il y a toujours une menace et même et surtout l'amour le plus tendre, le plus pur peut y sombrer, dans l'ombre... Et puis il y a la lumière... On peut la retrouver, parfois, même si on l'a perdue depuis longtemps... (On a bien le droit de rêver...)
lundi 12 avril 2010
Ah!... Olivia de Haviland, Errol Flynn!... Ah!... Captain Blood!... Michael Curtiz!... La grande aventure quoi, toute mon enfance retrouvée... Quand ça passait à la télé, c'était de la joie pure, du rêve les yeux écarquillés... Aujourd'hui, c'est toujours là, toujours le même effet... Après, ça c'est certain, je vais revoir l'aigle des mers... Qu'est-ce que je l'aime, celui-là, Michael Curtiz, qu'est-ce qu'il m'a fait rêver, quand j'étais p'tit... Comme c'est bien, Captain Blood... Mine de rien, le rythme est parfait, fluide, un rêve... Ce qui est remarquable, dans la mise en scène, c'est qu'on ne remarque rien... La signature, c'est qu'il n'y en a pas... Je m'exprime peut-être mal... C'est rare, de savoir disparaître avec autant de style... J'aimerais savoir en faire autant... Et comme c'est beau, l'amour, raconté de cette façon... Elle l'achète pour 10 pièces... Plus tard, il la rachète pour 12 perles... Esclave?... Otage?... Elle trouve ça drôle, de l'acheter, mais beaucoup moins drôle quand les rôles sont inversés... Alors, ce n'est plus un jeu?... Un peu de légèreté, voyons... Et puis quelle élégance, cet Errol... Et le beau regard grand ouvert d'Olivia alors, avec juste un très léger soupçon de tristesse qui donne envie de s'y noyer... Âmes à la mer!... Non, ça c'est avec Gary Cooper...
samedi 10 avril 2010
Peut-être que mon dernier mot sera aussi rosebud. C'est ce que je me dis à chaque fois que je revois Citizen Kane. (Enfin, j'ai trouvé une belle copie!) Moi aussi je me sens comme si on m'avait privé de mon enfance. J'aurais préféré continuer à jouer dans la cour. Mais c'était pour mon bien. J'avais une mère forte, aussi, un père effacé. Puis des pulsions un peu mégalomanes m'ont un peu assailli, après, à certains moments de ma vie. Quand on a été abandonné dans l'enfance, c'est dur d'être aimé, après. Alors on poursuit des chimères, on construit des châteaux fabuleux qui finalement n'abritent que la solitude et la désolation, bientôt des ruines. Bien sûr, je ne suis pas Charles Foster Kane, je suis même presque son contraire. J'ai pris l'autre chemin. Je ne sais pas s'il est mieux, en tout cas je l'ai pris. Mais quand je regarde Citizen Kane, je suis Charles Foster Kane. (Alors, Michèle, ma coiffeuse et confidente, mon ancienne voisine et même amie, m'a demandé, en me coupant les cheveux : Et toi, c'est quoi ton type de femme?... Moi : Celles qui me font souffrir comme une bête et m'abandonnent je crois, des femmes de caractère, ambitieuses tu vois, qui n'acceptent pas que je ne le sois pas, qui souffrent énormément quand elles échouent, c'est soit réussir soit échouer il n'y a pas de nuances, un peu comme ma mère, fières, intransigeantes, parfois très méprisantes, tellement soucieuses des apparences, elles ont l'air douces, le sont même parfois, mais elles sont tellement dures, au fond, peut-être bien très malheureuses... Elles me trouvent formidable au début et pathétique à la fin... Castratrices, en somme, quand moi je ne suis qu'un chat qui aimerait qu'on le caresse un peu... Celles qui auraient pu faire mon bonheur, qui étaient totalement généreuses et tendres et ne me jugeaient jamais, je les ai fuies en courant... Ça doit remonter à l'enfance... Je t'ai raconté l'histoire de la femme au manteau de fourrure?... La dame d'à côté, sous son séchoir : Ah, les mères! Elles s'en prennent plein la figure!... On a bien rigolé...)
jeudi 8 avril 2010
Je viens de revoir les 7 samouraïs. C'est toujours pareil, je me dis que je l'ai vu déjà tant de fois, que je le connais même par cœur, mais j'y reviens quand même. Dès le début, dès les formidables premiers battements de tambour du grand Fumio Hayasaka, mon cœur s'emballe. (Il composait les musiques des films de Kurosawa et de Mizoguchi, jusqu'à ce que la tuberculose l'emporte, à 41 ans, comme John Coltrane.) Il y a tout, dans ce film. C'est même une splendeur absolue. Je ris toujours aux pitreries de Toshiro Mifune, lequel émeut tout autant qu'il fait rire. Quel acteur énorme. J'adore Takashi Shimura, avec son drôle de visage triste qui ressemble parfois à un masque. (J'ai envie de revoir vivre.) Et puis il y a des chevaux, de la pluie, de la boue, des amoureux dans les fleurs, des samouraïs fauchés pleins de noblesse et des bandits cruels, des paysans qui luttent comme ils peuvent pour survivre, la mort qui n'a rien de glorieux, qui est même plutôt hideuse... Enfin, ça m'emporte à chaque fois... Il y a un tel souffle... C'est tellement beau... La première fois que je l'ai vu, je devais avoir 18 ans, je l'ai trouvé très très long, me suis beaucoup ennuyé... On me l'avait présenté comme un grand classique du cinéma japonais... Ça me l'avait rendu écrasant, sérieux, austère, ennuyeux, la façon dont on m'en avait parlé, comme si j'étais obligé de l'aimer, pour ne pas avoir l'air d'un idiot...
mercredi 7 avril 2010
J'aime Blossom Dearie d'un amour tendre. Elle me console de bien des choses. C'est surtout au printemps que j'ai envie de l'entendre, sa petite voix sucrée et malicieuse. J'aime sa simplicité, sa pureté, tout est dans la mélodie et le timbre. Elle ne faisait pas dans le choubidouwa, Blossom. C'est un rayon de soleil filtré par les stores. Je suis alors comme un chat vautré dans une flaque de lumière. Elle me rappelle encore un peu quelqu'un qui portait presque le même prénom et avait aussi une voix qui sortait de l'ordinaire. Elle apparaissait souvent au printemps. Parfois, même, j'étais en train d'écouter Blossom Dearie, quand elle apparaissait. Ça ne durait pas longtemps. Elle était douce, au début. Mais ça ne durait pas longtemps. Alors, elle disparaissait. Le printemps suivant, la voilà qui réapparaissait, comme ça, surgie de nulle part (je faisais un moment la sourde oreille à ses messages avant de me décider à lui répondre) avec parfois de vagues excuses pour son comportement passé, ou alors c'était l'amnésie, feinte ou réelle, elle avait même oublié mon digicode, mon étage, mon adresse... Et puis l'histoire se répétait... Elle redisparaissait bientôt... Ça a duré des années... Un jour, je lui ai dit pourquoi Blossom Dearie était devenue pour moi tellement particulière... Elle n'a pas aimé mon histoire, qui était pourtant jolie... (Être associée à une chanteuse aussi pimpante n'avait rien de dégradant, selon moi...) Mais j'écoute toujours Blossom Dearie, quand arrive le printemps... (Elle est morte en 2009, Blossom, sans faire de bruit.)