mercredi 21 novembre 2012

Tu t'ennuies. Tu ne sais pas de quoi tu as envie. Tu ne sais même plus si tu as encore envie. Tu reviens, ici. Encore et encore. Tu ne sais pas pourquoi. Peut-être que tu te dis que tu trouveras quelque chose, ici. Ou quelqu'un. Ce n'est pas parce que tu n'as jamais rien trouvé ni personne que ça ne changera pas, tu te dis. Alors tu reviens. Tu te dis qu'il y a peut-être quelque chose ou quelqu'un, derrière le mur, derrière la fenêtre. Dedans. Tu sais qu'il n'y a rien ni personne mais pourtant tu reviens. Car peut-être qu'il y a quelque chose ou quelqu'un, tu te dis, même si tu sais qu'il n'y a rien ni personne. Que cherches-tu? Que désires-tu trouver? Peut-être seulement l'oubli. L'oubli de tu ne sais plus quoi, ou qui. L'oubli. Peut-être juste l'oubli de toi. Alors, tu reviens, même s'il n'y a rien ni personne. Tu reviens. Tu ne peux pas t'en empêcher. À chaque fois, une petite excitation naît de l'espoir qu'il pourrait y avoir quelque chose ou quelqu'un, enfin. Un petit déclic. Comme une petite faim. Un petit vide qui s'ouvre en toi. Alors tu reviens. Mais le tableau est toujours le même. Le mur toujours le même. Et ton petit vide se referme comme il se referme à chaque fois et tu oublies même alors qu'il y avait un petit vide, au début, une petite faim. Peut-être aussi que c'est rassurant, de constater qu'il n'y a toujours rien ni personne, que tout est toujours pareil. Peut-être que tu aurais très peur si, soudain... Non, ne crains rien... Rien ne change... Tout reste caché... Même s'il n'y a peut-être rien... Tout peut continuer alors... Tu peux revenir autant de fois que tu veux alors, encore et encore, sans crainte...

dimanche 11 novembre 2012

Je suis à l'extérieur. J'en fais le tour. En refais le tour. Regarde s'il n'y a pas moyen d'entrer. Ceux qui étaient à l'intérieur ne rêvaient que d'évasion, se retrouver enfin à l'extérieur, et moi maintenant j'aimerais tellement entrer, voir ce qu'il y a de l'autre côté. Je cherche une ouverture. N'en trouve pas. Je me contente alors d'en faire le tour. Bientôt, il n'y aura plus rien, à l'intérieur, c'est pour ça aussi que j'aimerais bien entrer, pour voir. Ce n'est pas seulement de la curiosité touristique. Je sens que de l'autre côté je trouverais quelque chose, je ne sais pas quoi. Je le sens. Ça m'attire. Ça me murmure. Il a dû s'en passer, des choses, là-dedans. Bientôt, il n'y en aura plus aucune trace. C'est pour ça que j'y viens souvent et que j'en fais le tour, cherchant un passage. J'aurais aimé pouvoir m'y promener, à l'intérieur, m'asseoir dans la cour, fumer une cigarette laissant pendre mon bras entre les barreaux d'une fenêtre, toucher les pierres, toucher les portes, le métal froid, de l'intérieur en faire le tour. L'horizon est-il tellement différent de l'intérieur? Ne sont-ce pas les mêmes pierres dans le mur? Les mêmes nuages dans le ciel? Je me fais quand même une raison. Me demande même au bout d'un moment si ce n'est pas seulement la surface qui m'attire et m'absorbe. Et la surface qui m'attirerait et m'absorberait si je me retrouvais à l'intérieur. Les lignes. Les formes. Sans doute. N'empêche que j'aimerais bien entrer. J'en suis parfois à dresser des plans d'invasion. C'est sans doute plus facile d'y entrer que d'en sortir. Le problème : Une fois à l'intérieur, comment ferais-je pour en sortir?

dimanche 4 novembre 2012

Elle savait fumer, Tippi Hedren. Les femmes, aujourd'hui, ne savent plus fumer. C'est bien triste. Sur les paquets on nous dit maintenant qu'on ne bandera plus, qu'on attrapera un cancer du poumon ou de la gorge, dents et gencives, on va crever c'est certain et de façon affreuse. Mais en ce temps-là on s'en foutait, on ne savait pas que c'était mal. Car fumer c'était bien. Fumer c'était même beau. Un truc d'Indiens, au début. Tippi, forcément, avec un nom pareil, elle ne pouvait que faire la chose avec art. Et c'était donc de l'art. Sans aucun doute. Je vais faire un tour dans les galeries, à la biennale, je n'en vois point, de l'art. Mais là, je la regarde fumer et c'est une évidence. Elle me regarde elle aussi, d'ailleurs. Nous nous regardons, elle et moi, Tippi and I. Moi aussi alors j'en allume une. Avec art aussi je la fume. J'adore la regarder fumer. Je me repasse la scène en boucle. Ça me met comme en adoration. Je pourrais passer ma vie à la regarder fumer. C'est sa dernière cigarette. Après, il n'y aura plus que les oiseaux. Mais là elle est encore un peu tranquille. Assise, elle fume. Elle est pensive. Elle ne fait pas trop attention aux oiseaux perchés derrière elle. Elle est un peu vicieuse même si elle ne sait pas vraiment encore à quel point. Elle est tellement gracieuse, quand elle fume. Elle est venue avec des love birds, apparemment innocemment. Des love birds... Plus tard, on ne sait pas trop pourquoi, peut-être seulement guidée par son désir, elle montera dans la chambre. Des bruits d'ailes l'attirent. Elle sait qu'il ne faut pas. Mais elle monte. Comme envoûtée. Et là-haut, dans la chambre, elle obtient ce qu'elle désirait tant, tout au fond. Tous ces petits becs bien durs qui s'abattent sur elle et la piquent, la déchirent soudain. Elle est prisonnière de la chambre, là-haut, de son désir enfin qui s'assouvit, depuis le temps que ça la travaillait. Oh... Mitch... gémit-elle, proche de l'extase. Les becs du plaisir, après les ailes du désir... Mais Mitch est derrière la porte qu'elle bloque de son corps abandonné aux oiseaux. Il sera toujours derrière la porte, Mitch, il suffit de voir sa gueule. Il n'y comprend rien, Mitch. Il ne voit en elle que sa mère en plus jeune ou plutôt il n'a même pas conscience de voir en elle sa mère en plus jeune, comme il ne l'a jamais connue. Même taille, même maintien, même coupe de cheveux, grosso modo. Les cheveux sont devenus gris. Les vêtements aussi. Le regard est devenu sévère, amer. Sa mère, elle comprend tout, parce qu'elle a déjà vécu tout ça, au moins en rêves. Mais lui, il restera toujours derrière la porte.

jeudi 1 novembre 2012

Il est peut-être... mort, il m'a dit. Et moi : Ou tout simplement il est parti, il a changé de quartier ou même de ville, depuis le temps qu'il était dans la rue aussi, dans cette rue, à la rue dans cette rue depuis au moins... huit... neuf ans... Ou alors peut-être en prison, on ne sait pas... Mais lui, mon voisin, journaliste sportif dans un torchon local qui m'avait hélé à la sortie du supermarché avec une seule question en tête, une question qui semblait même l'obséder : Le type, qui était toujours là, on ne le voit plus, tu ne sais pas où il serait passé?... Et moi : Patrick tu veux dire?... Parce qu'il ne connaissait pas son prénom, ne s'était même jamais arrêté pour causer un peu ou lui donner la pièce, parce qu'il lui fichait la trouille, il passait en regardant ailleurs, et puis il le dégoûtait un peu aussi, Patrick... Mais maintenant qu'il ne le voyait plus, il n'avait plus la trouille, il s'inquiétait, il manquait quelque chose ou plutôt quelqu'un dans la rue et, gravement, il redoutait qu'il fût... mort... Avec la mort viennent les regrets... On aurait dû ceci, on aurait dû cela... Là maintenant il voulait faire le tour des antiquaires de la rue, leur demander s'ils ne savaient pas, eux, parce que parfois il donnait un coup de main aux antiquaires, Patrick, alors ils devaient savoir, eux... Il était inquiet, mon voisin, quelle grande âme je me suis dit... Puis il m'a dit que c'était bien misérable de gâcher sa vie comme ça... Parce que mon voisin, lui, il devait estimer ne pas gâcher sa vie, bien au contraire, que sa vie valait la peine, et la mienne aussi je me suis rendu compte, il m'incluait dans son monde de vies réussies, nos vies n'étaient donc pas gâchées ni même gâchables, mais la vie de Patrick elle avait été gâchée et même énormément et même plus grave : Il avait lui-même, délibérément, gâché sa vie... La mienne, de vie, je lui ai dit, pour couper court, ne vaut sans doute pas mieux, même si j'ai un toit et de quoi bouffer... Et que savait-il de la vie de Patrick, Patrick la poisse pour les intimes, lui qui ne s'était jamais arrêté pour causer un peu?... Et que savait-il même de la vie?... J'ai lu dans son regard un peu terne tout ce que j'avais besoin d'en savoir...

vendredi 12 octobre 2012

C'est en sortant de la salle de bain que j'ai pris conscience que j'étais mort. Je devrais plutôt dire salle d'eau car je n'avais pas de baignoire, seulement une douche, mais j'ai toujours trouvé que ça faisait con de dire salle d'eau, précieux, sirupeux, bourgeois qui se veut et se trouve distingué, qui connaît, lui, les subtilités du langage, comme de dire réfrigérateur, boni ou spaghetto, en revanche... Bref. J'ajoute que ce que j'appelle salle de bain faisait aussi lieu d'aisance et que je venais de me lever du trône quand j'ai pris soudain conscience que j'étais mort. Ne jamais abandonner son trône, je le savais... Ce que je ne savais pas, c'est que j'étais déjà mort bien avant d'en avoir pris conscience. J'avais cru vivre, un certain temps, alors que j'étais bel et bien mort. D'autres que moi peut-être aussi m'ont cru alors vivant, mais peut-être pas. Sauf que j'étais mort. Prendre conscience de ma situation, si je peux dire, m'a alors fait prendre conscience que j'avais vécu un certain temps comme un genre de fantôme, de zombie, une âme en peine autrement, je ne sais pas comment dire... Ce jour-là, j'avais fixé au mur une photo de Mouchette. Je l'avais regardée longuement et l'émotion m'avait gagné, j'avais alors pleuré, sans éclat, doucement, pudiquement, en souriant, c'était même très bon, comme je l'aimais, cette gentille bête. Mouchette sortait de la salle bain, donc. La salle de bain qui je précise était aussi son lieu d'aisance puisque sa caisse jouxtait mon trône et qu'on s'y retrouvait d'ailleurs souvent, dans la salle des trônes, assis l'un à côté de l'autre, faisant de concert ce qu'on avait à faire. Elle sortait de la salle de bain et je l'avais prise en photo, à hauteur de chat, venant vers moi, faisant son miaou qui m'émouvait tant, son miaou qu'elle ne disait qu'à moi. C'était ainsi une photo sonore que j'avais fixée à mon mur. C'était Mouchette, vraiment Mouchette. Depuis qu'elle était morte, j'errais comme une âme en peine il faut dire, la vie n'était plus du tout comme avant. Tout, petit à petit, disparaissait autour de moi, à commencer par mon métier, bientôt mon existence sociale, tout foutait le camp en somme et moi-même je commençais à m'effacer, d'abord en surface, puis, bientôt, dans les interstices de la surface... Sans me l'avouer vraiment, ma vie n'avait été qu'une vie de chat et même de chatte stérilisée... C'était quand même bien mieux qu'une vie de chien... C'est en sortant de la salle de bain que je l'ai vraiment su... C'est comme si quelqu'un m'avait alors pris en photo, à hauteur d'homme, un instantané, sortant de la salle de bain, jetant un coup d'œil sur la photo à hauteur de chat de Mouchette sortant de la salle de bain me regardant la prendre en photo tout en se précipitant vers moi et me disant... Quelqu'un, je ne sais pas qui... Personne, sans doute... En tout cas j'ai vu très nettement la photo... Silencieuse, la photo, pas comme la photo sonore de Mouchette... Ça y est, je suis mort, je me suis dit, même si c'était insensé, puisque j'étais mort déjà depuis un an et demi... On m'appelait parfois Monsieur Mouchette, avant... Puis, on aurait pu m'appeler Monsieur Feu Mouchette... Maintenant, assurément, on pouvait m'appeler Feu Monsieur Mouchette...

mercredi 10 octobre 2012

On imagine les grands départs : Brooon!... Brooon!... On va traverser les océans... Il y aura des tempêtes formidables, mais surtout de l'ennui, la mer d'huile, une soupe avec des yeux, la voile qui pend comme un vieux slip même si là c'est plutôt un bateau à hélice, des jours et des nuits à rêvasser dans son hamac en fumant le tabac noir et sirotant le rhum vieux... On verra parfois du pays, des filles faciles bronzées en pagne avec des colliers de fleurs... Mais surtout de l'eau, du vent... Et cette odeur de poisson...  Brooon!... Brooon!... Le cœur s'envole... C'est ça, être vivant... Non?... Je m'étais endormi au bord du quai... Sur la coque du Kaïros, j'avais vu des Turner, au moins... Les yeux ouverts, je m'étais endormi... Et j'avais voyagé... Je n'avais pas eu le temps d'aller très loin... On était juste un peu sortis du port, avait juste commencé à goûter un peu l'air du large qui nous avait comme agrandi les poumons, vu s'éloigner derrière nous le phare éteint... C'était parti... On irait loin... La terre s'éloignait... Le passé s'éloignait... Ce qu'on appelait la vie... Toutes ces petites habitudes qu'on avait... Et puis les gens... Il n'y avait plus que la mer... Le roulis... Le grincement de la coque... Les visages commençaient à s'effacer... Ils appartenaient à ce monde, là-bas, derrière nous, cette petite bande de terre, ce trait qui lui aussi s'effacerait... Enfin... Depuis le temps qu'on pourrissait à quai... qu'on traînait sa carcasse de terrien... Une grande joie m'a gonflé la poitrine, en même temps qu'une tristesse infinie... Ça y est, je suis parti, je ne reviendrai plus jamais...

mardi 2 octobre 2012

Cela aurait été différent si vous aviez appris ma mort par un autre que moi? Vous auriez reçu un message : Il est mort... Et alors? Vous auriez pu faire mieux votre deuil? Me ranger une fois pour toutes dans les morts? Vous imaginez qu'il y a un endroit où se retrouvent les morts? Un genre de grand réservoir? Un pays? La fosse commune, à la rigueur et peut-être alors que les chrétiens ont raison de croire que seuls les pauvres iront au paradis... Eh bien non... Il n'y a rien de tout ça. La preuve... On s'en va... On ne sait pas si on reviendra... Petits ou grands départs, c'est selon... Vous partez faire vos courses, ou vous partez au bout du monde, il se peut qu'il n'y ait pas de retour... Je n'avais dit à personne de vous prévenir, en cas de malheur, comme on dit, que vous sachiez... Je n'aurais pas su à qui confier cette mission... Et je n'ai jamais envisagé aucun malheur pour moi... Pour les autres, oui, mais jamais pour moi... Moi, j'ai toujours été immortel, de mon vivant, j'ai toujours parcouru le monde comme un dieu... Quel besoin alors de confier à quelqu'un la mission de vous prévenir s'il m'arrivait malheur, quand j'étais immortel?... Je lui dirai moi-même, je me suis dit... J'ai un peu froid aux pieds... Vous m'apporterez des chaussettes?... Et puis des cigarettes, aussi, car ici on manque cruellement de tout et le sevrage n'est pas toujours facile même si souvent on oublie... En cas de bonheur aussi, j'aurais pu ne jamais revenir... Le résultat finalement aurait été le même... Ma disparition... Il se trouve que je n'ai jamais été autant bavard que depuis ma disparition... Vous devriez être contente... Et puis je pense à vous... J'aurais dû prévenir quelqu'un quand même, qu'elle ne s'inquiète pas, qu'elle n'attende pas une lettre qui ne viendra jamais... J'aurais dû le faire par gentillesse, au moins... Je suis égoïste... Je m'en vais, comme ça, insouciant, je ne laisse aucune adresse, n'appelle pas quand je suis arrivé, n'envoie pas de cartes postales... Souvenirs du Styx... Bons baisers du Léthé... Je suis impardonnable...

lundi 1 octobre 2012

Une seule chose me manque vraiment, depuis que je suis mort. C'est fumer. S'il y a une chose que j'ai aimée, dans cette vie, c'est bien ça. J'essaye de ne pas trop y penser, sinon je vais finir par regretter d'être mort. Ça va même devenir l'enfer. Je m'en grillerais bien une, quand même... Avec un petit café. Je mettrais un disque de Thelonious Monk... J'écoutais souvent Solo Monk... En boucle... Sphère, ses parents l'avaient aussi prénommé... Souvent, dans les gares, les aéroports, il se mettait à tourner sur lui-même comme un dervish... Sphère... Mes orteils en éventail de paresseux se mettraient alors doucement à remuer... Sphère... La vie, quand même, parfois et même souvent, c'était pas mal. Il y avait comme ça des petits moments parfaits... Je venais de m'offrir une nouvelle cafetière expresso, calandre chromée, 19 bars sous le capot, ça dépotait... Quelques jours avant de trépasser, j'étais allé voir mon médecin, pour des histoires de cholestérol... Tes taux ne sont pas non plus énormes, qu'il m'avait dit... On avait comparé avec les siens... Il m'enterrait... Et puis ta tension est bonne... Un an auparavant, alors que je dépassais à peine, ç'avait été le branle-bas de combat, il avait froncé les sourcils gravement, me faisant des petits dessins avec du gras qui souriait et du gras qui faisait la grimace, que je comprenne bien, moi à qui il faut toujours faire un dessin, que l'heure était grave, que la guerre était à nos portes, réunion d'état-major et tout, les cartes et la boussole, on va les attaquer par là, par surprise, réglons nos montres, tenue de camouflage, percer leur flanc gauche puis les prendre à revers, baïonnette au canon, la passion guerrière nous avait submergés... Moi, bon petit soldat et même héros dans l'âme, garde-à-vous!... repos!... revue de paquetage, démontant remontant même mon arme les yeux bandés les mains derrière le dos, l'œil vif, ami!... ennemi!... ami!... Et maintenant, alors qu'il me semblait avoir crevé le mur du gras, envahi par l'ennemi, il me disait que finalement... il n'y en avait pas tant que ça... De toutes façons, j'avais tiré avant de venir mes propres conclusions, m'étais même remis à bouffer modérément du saucisson et à boire du vin rouge... Si le bon gras dans mon sang se transformait en mauvais, passait en masse à l'ennemi, autant alors bouffer directement du mauvais, qui était tellement bon... Méfie-toi de tes amis, choie tes ennemis, je retournais ainsi à mon Sun Tzu... Tout n'était plus question désormais pour moi que de gras global... Et ceux qui crèvent de faim alors, ils en ont du cholestérol, hein?... Je lui avais parlé aussi de mes crottes... Comme elles avaient changé, depuis un an, avec toutes ces sardines... Il m'avait alors parlé de Gandhi, qui lui aussi était coprologue du dimanche... Et puis peut-être aussi que tu fumes un peu trop, m'étais-je dit... Dans ce brouillard épais, on ne distinguait même plus les amis des ennemis... Et il m'avait dit la même chose, quelques jours plus tard, quand je m'étais déjà résolu à fumer moins... Que chaque cigarette soit comme la dernière... parfaite... une brume légère, un petit nuage paresseux dans le ciel tout bleu, le signal d'un Indien... Bon, c'est ma pause, on va s'en griller une? qu'il m'avait dit. Et on était sortis, mon médecin et moi, on s'était un peu éloignés de son cabinet, que des patients ne risquent pas de nous voir, il pleuvait, on s'était abrités sous l'auvent d'un fleuriste et on s'en était grillé une, continuant à parler avec passion de Gandhi et de ses crottes...