jeudi 1 novembre 2012

Il est peut-être... mort, il m'a dit. Et moi : Ou tout simplement il est parti, il a changé de quartier ou même de ville, depuis le temps qu'il était dans la rue aussi, dans cette rue, à la rue dans cette rue depuis au moins... huit... neuf ans... Ou alors peut-être en prison, on ne sait pas... Mais lui, mon voisin, journaliste sportif dans un torchon local qui m'avait hélé à la sortie du supermarché avec une seule question en tête, une question qui semblait même l'obséder : Le type, qui était toujours là, on ne le voit plus, tu ne sais pas où il serait passé?... Et moi : Patrick tu veux dire?... Parce qu'il ne connaissait pas son prénom, ne s'était même jamais arrêté pour causer un peu ou lui donner la pièce, parce qu'il lui fichait la trouille, il passait en regardant ailleurs, et puis il le dégoûtait un peu aussi, Patrick... Mais maintenant qu'il ne le voyait plus, il n'avait plus la trouille, il s'inquiétait, il manquait quelque chose ou plutôt quelqu'un dans la rue et, gravement, il redoutait qu'il fût... mort... Avec la mort viennent les regrets... On aurait dû ceci, on aurait dû cela... Là maintenant il voulait faire le tour des antiquaires de la rue, leur demander s'ils ne savaient pas, eux, parce que parfois il donnait un coup de main aux antiquaires, Patrick, alors ils devaient savoir, eux... Il était inquiet, mon voisin, quelle grande âme je me suis dit... Puis il m'a dit que c'était bien misérable de gâcher sa vie comme ça... Parce que mon voisin, lui, il devait estimer ne pas gâcher sa vie, bien au contraire, que sa vie valait la peine, et la mienne aussi je me suis rendu compte, il m'incluait dans son monde de vies réussies, nos vies n'étaient donc pas gâchées ni même gâchables, mais la vie de Patrick elle avait été gâchée et même énormément et même plus grave : Il avait lui-même, délibérément, gâché sa vie... La mienne, de vie, je lui ai dit, pour couper court, ne vaut sans doute pas mieux, même si j'ai un toit et de quoi bouffer... Et que savait-il de la vie de Patrick, Patrick la poisse pour les intimes, lui qui ne s'était jamais arrêté pour causer un peu?... Et que savait-il même de la vie?... J'ai lu dans son regard un peu terne tout ce que j'avais besoin d'en savoir...

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