jeudi 4 avril 2013

Je suis sombre. Je me lève difficilement le matin. Mais si je me rendors, mes rêves ne sont pas mieux, voire même bien plus sombres, des nuées de corbeaux. J'ai la crève, tuyaux glaireux, suées nocturnes, je tousse comme un mineur silicosé, depuis deux semaines. Alors, je me lève, tout brouillé, je bois des cafés, fume des cigarettes, longtemps, en écoutant le monde s'écrouler à la radio, je bâille, me gratte, aujourd'hui je me suis coupé les ongles de pied, mets du temps à me décider à aller faire ma toilette. Quelque chose ricane en moi. Quand je suis moins sombre, ça sourit. Quand je suis sombre, ça ricane. Mauvaise période. Mon monde vacille. Ma tranquillité est menacée. J'ai parfois envie de tout envoyer balader, craquer une allumette sous le tas informe de mon existence, prendre mon sac, ma clarinette, disparaître. Pour aller où? Le monde m'ennuie. Il n'y a que le mien de monde qui m'intéresse vraiment. Mes paysages, mes saisons, mes torrents et mes gouffres. Même s'il n'y en a pas. Les autres humains aussi m'ennuient. Il n'y a que mes personnages qui m'intéressent, même s'ils sortent rarement de l'ombre. Lui, là, il ricane. Un chien à tête humaine. Il a tout compris, c'est pour ça qu'il ricane, c'est à dire qu'il a compris qu'il n'y avait rien à comprendre. Il passe, de gauche à droite, en ricanant, c'est tout. Et moi je le regarde passer. Ça me distrait un moment. Ce n'est pas moi, qui ricane, c'est lui, le chien à tête humaine, le cynique. J'attends qu'il soit passé pour me plonger dans la contemplation de cette zone obscure, profonde, qui m'attire, mais il n'a jamais fini de passer et me gâche le tableau, le silence, l'oubli. Je pourrais très facilement l'effacer, mais il n'y aurait alors plus du tout de lumière. Et puis, ne le voyant plus, je l'entendrais encore, le sachant là dissimulé dans la nuit. Mais je ne le déteste pas. C'est juste qu'il me gâche le silence. Son ricanement d'ailleurs parfois me gagne et je me demande alors si ce n'est pas moi finalement le chien à tête humaine (ou l'homme à tête de chien?) le cynique.

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