dimanche 7 avril 2013

Ça fait tellement longtemps que je n'ai pas vu la mer. La dernière fois, c'était avec Mouchette, en voiture, vers Sète, on était juste passés. Elle n'aimait pas la voiture, Mouchette, elle avait miaulé tout le long, toute tremblante, oreilles couchées, montant même parfois sur la plage avant tenant à peine sur ses pattes. Dès le début de notre périple, elle avait chié et pissé et vomi sur mon pull vert, que j'avais jeté dans la première poubelle de station essence, le même pull vert que je portais quand je l'avais rencontrée et quand on s'était retrouvés elle avait semblé déçue que je n'aie pas pris mon pull vert, comme si je n'étais plus du tout le même, sans cette saloperie de pull vert, comment avais-je pu le garder si longtemps? Elle n'aimait pas voyager. Pas comme dans mes rêves, où elle trottait toujours à mes côtés comme le Milou à Tintin. Et chez les autres, alors, tout son temps aplatie sous les lits. Après, on n'a plus du tout voyagé. C'était un test. Je m'étais dit essayons, pour voir si elle aime ça. Pas du tout. Je la revois, terrorisée, sur la plage avant. Je ne pouvais pas trop descendre la vitre, sinon elle aurait sauté, à la moindre ouverture essayait de forcer le museau, aurait aimé avoir l'épaisseur d'une feuille de papier. Dans la voiture il y avait aussi un copain, qu'on avait récupéré à Agen et qu'on emmenait à Toulouse. Il essayait de la tenir sur ses genoux tant bien que mal. On rigolait. Elle perdait ses poils par poignées. Mais on ne s'est pas arrêtés. Ça avait l'air joli, Sète. Puis on est remontés à Lyon, de nuit, juste Mouchette et moi, il pleuvait. En plus des essuie-glaces qui étalaient le gras sur le pare-brise, tirs tendus d'étoiles filantes, il y avait Mouchette qui se baladait en tremblant, miaulant rauquement sur la plage avant. On avait pris l'autoroute pour que ça aille plus vite. Je me demande encore comment on n'a pas eu d'accident. Je l'attrapais, essayais de la maintenir sur mes genoux, elle se libérait, montait sur le volant, se mettait à hurler, je n'y voyais plus rien. Tout ça pied au plancher. Quand on est finalement arrivés, elle s'est calmée aussitôt. La porte de traboule franchie je l'ai sortie de sa boîte. Reconnaissant son territoire, le labyrinthe, queue en l'air d'un coup comme un cran d'arrêt, me regardant : miaou? Puis a avalé ventre à terre les cinq étages en terrasses en grognant de plaisir, les Grands Espaces retrouvés. Bien deux heures ensuite à faire sa toilette tellement l'aventure l'avait fripée. M'en a pas voulu. Pas du tout dans son caractère. Ronronnant bientôt sur moi, toute propre, tout son long, sa patte sur mon épaule, sphinge de gouttière, sa tête qui d'un coup tombait sur ma poitrine, toute molle, toute chaude. Parfois, elle sursautait, me plantait un peu les griffes, devait rêver. Mais quelle idée, de partir en voyage...

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