dimanche 30 septembre 2012

Je suis mort, alors. Un des avantages, quand on est mort, c'est qu'on n'a plus peur de mourir. Ni même de rien. Il y en a d'autres, des avantages, plein d'autres. Par exemple, on se rend compte que ce qui est froid peut tout aussi bien être chaud au même moment. Sous le froid couve toujours le chaud et sous le chaud le froid. Rien n'est en soi chaud ni froid. C'est juste la sensation qu'on en a. C'est même parfois juste la sensation qu'on aimerait en avoir... Ce qui me manquait surtout, depuis que j'étais en ville, c'étaient les saisons. Voir l'automne arriver dans les feuillages. La mort est belle. Toutes ces couleurs... En ville, tout était toujours plus ou moins gris, il n'y avait plus que des platanes malades qu'on tronçonnait l'un après l'autre pour qu'ils n'infectent pas les de plus en plus rares platanes sains. La maladie du platane, on disait. Un champignon, qui avait élu domicile dedans, le grignotait de l'intérieur. Ça sentait la fin d'une époque et même la fin d'un monde. Les platanes n'auraient plus leur place, dans le nouveau monde. Et moi non plus. C'est peut-être d'ailleurs la maladie du platane qui m'a eu. J'avais donné un dernier cours d'aïkido, remplaçant comme je pouvais ma maîtresse qui était partie en Norvège j'ai oublié pourquoi. Mon bras était une branche. Je ne pensais pas à une branche de platane mais bien plutôt de saule. La branche n'avait aucune volonté, aucune force. Juste sa forme et sa souplesse, sa nature de branche. Il y avait un poids, sur la branche... C'est toujours un peu la même histoire... Celle de la chute des corps, de la gravité... Du poids qui vous écrase si vous luttez... Pour une fois, j'avais été plutôt content de moi, n'avais pas eu l'impression de tourner laborieusement les pages d'un catalogue de techniques... Tout me semblait tellement simple... Ce qui est délicat, ce n'est pas de se libérer d'un poids énorme, mais d'une simple goutte d'eau... la laisser aller jusqu'au bout de la branche, sans rien précipiter, sans vouloir rien précipiter... Elle prend de la vitesse, toute seule... Autrement dit, c'est bien plus délicat de laisser fuir la vie quand elle est si légère, quand on la sent à peine... On aimerait parfois la retenir... mais ce serait la figer et se figer alors soi-même... Personne n'avait rien compris peut-être... J'étais obscur?... Je n'en sais rien... Moi j'avais eu l'impression  pour une fois d'être clair... On m'avait trouvé prétentieux peut-être, de laisser tomber le catalogue des techniques, de laisser tomber aussi le charabia yin et yang, de laisser peut-être aussi tomber l'aïkido... Le but n'était-il pas de laisser tomber?... Je n'étais pas un grand technicien il faut dire, me sentais plus à l'aise dans les images, que je ne savais pas forcément bien dessiner... Seules les images m'intéressaient... Je suis un arbre et mon bras est une branche... Tant qu'il y aura de la sève... Mais voilà, la maladie du platane m'a gagné, moi qui croyais être un saule...

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