lundi 15 décembre 2008

J'ai aimé, 20 ans plus tard, revoir let's get lost. Il y a 20 ans, je n'avais vu que le délabrement, Chet Baker en phase terminale, je l'avais trouvé sordide, pathétique, peur constante que son dentier se décolle au milieu d'une chanson, j'étais ressorti du cinéma tout poisseux, misérable. Aujourd'hui, plus du tout. Un film sans fard, riche de points de vue, tendre. Chet Baker magnifique du début à la fin, égoïste, doux, malheureux, manipulateur, à bout de souffle, un attachant salopard tout écorché, un type qui au début avait une tête de cow boy et d'indien à la fin, un vrai rebelle sans cause mais avec trompette qui était un peu aussi sa canne. Toutes ces femmes magnifiques dans sa vie, toutes très différentes, la douce, la chienne, la maman et la putain... J'ai toujours aimé Chet Baker, profondément. C'est un peu Billie Holiday en garçon, quand il chante. Parfois, même, si on ferme les yeux, on dirait une femme. Chet Baker était trompettiste et chanteuse de jazz. Et puis il n'était pas plus délabré à la fin qu'au début. Il était comme ça. S'il n'avait pas existé, Miles Davis n'aurait peut-être pas joué comme il a joué. Si Miles Davis n'avait pas existé, ça n'aurait absolument rien changé, pour Chet Baker. Dès qu'il l'a entendu, Charlie Parker a voulu jouer avec ce petit blanc édenté. Les princes de la défonce. Sa drogue préférée? Celle qui fait peur à tout le monde, le speedball, un mélange d'héroïne et de cocaïne. Il dit ça comme il dirait qu'il aime la glace à la pistache. Il n'a pas appris à jouer. On lui a mis dans les mains une trompette, il a trouvé ça chouette, rien de plus, rien de moins, il a soufflé dedans. Il est mort en tombant du balcon d'une chambre d'hôtel à Amsterdam. Ça lui va bien, finalement. Il est tombé, c'est tout... dans un moment d'égarement, une absence... Il n'a peut-être même jamais eu conscience qu'il tombait tellement tomber lui était naturel. Je l'imagine mal se mettre à battre des bras et des jambes dans le vide en hurlant comme un indien qui tombe d'une falaise dans un western... Non, il devait être assis sur la rambarde, pensif, on dira... et il a basculé, doucement, presque au ralenti, avec cette même expression que sur la photo, qu'il a gardée tout du long, une cigarette continuant de se consumer entre le majeur et l'index jusqu'au moment peut-être où la brûlure le fera sursauter, se tenant à sa trompette avec l'air de se masturber, juste un peu décoiffé peut-être, la mèche au vent... Have a good trip Lady!

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