mercredi 14 août 2013

Contemplant les nuages, sur le dos, branche morte balancée par la houle,  je m'étais éloigné du rivage. Je ne sais pas combien de temps. Au terme de cette divagation qui aurait pu être de quelques minutes comme de quelques milliards d'années, voire plus, je m'étais remis sur le ventre. Je ne voyais plus la plage. Le courant m'avait emporté. Loin. Tout seul, quelque part sur l'Océan. Loin. (Avais-je seulement 10 ans?) L'angoisse m'a d'abord envahi : perdu, j'allais me noyer, des monstres marins terrifiants, dentus et gluants me guettaient, me tireraient bientôt impitoyablement dans les abysses glauques, mon tombeau. Nageant d'abord de toutes mes forces pour revenir j'eus l'impression que je m'éloignais encore plus, au large, toujours plus loin, au bord de l'épuisement — début de crampes — me remis sur le dos, pour souffler, calmer mon cœur, réfléchir. Réfléchir. À quoi? Revenir vers ce que je rêvais depuis toujours de fuir? Le ciel était devenu menaçant. C'était pourtant le même ciel, le même bleu, les mêmes nuages. Un peu reposé, me remis en route, tranquillement, n'ayant plus rien à perdre et si peu à regagner, abandonnant le crawl pour la nage indienne — ma nage, la nage indienne, depuis — plus adaptée au long cours. Tranquillement. En poussées amples. Ne pensant bientôt plus à rien qu'à ma coulée. Finissant par m'oublier. Alternant avec des périodes de repos relatif sur le dos, juste battant légèrement des pieds pour maintenir le cap et ne pas trop perdre contre le courant. Bientôt, au faîte de l'onde, je revis le rivage. Bientôt vomi par une grosse vague, amas d'algues échoué sur le sable à reprendre mon souffle. Mais ce n'était plus la même plage. Je ne reconnaissais plus les dunes, ni les rochers et il n'y avait personne. Un désert. Le soir tombait. J'étais de nouveau perdu. Après un moment de profond désespoir — je dus même peut-être pleurer un peu — seul au monde, abandonné, du même organe remonta jusqu'à mon cœur d'enfant une onde de joie : enfin seul au monde, libre! Ça ne dura pas longtemps. Ayant repris mon chemin, au petit bonheur, comme Rahan qui faisait tourner son couteau sur une pierre — sauf que je n'avais pas de couteau et pas non plus de pierre — sur la plage déserte, au crépuscule, j'aperçus bientôt venant à ma rencontre une meute bariolée d'adultes énervés.

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