dimanche 17 juin 2012

Il y a des jours qu'on n'oublie pas. Qu'on n'oubliera pas. Marquer d'une pierre. Il m'est arrivé quelques fois de ramasser un caillou et de le garder ensuite longtemps dans ma poche, parfois même des années, d'en savoir parfaitement le poids, la forme, de le toucher souvent, de le regarder souvent, longtemps et même de le lire et le relire, quand il était à lire et à relire, comme pour le connaître parfaitement. J'en ai eu quelques uns, dans ma poche, des cailloux. Un jour, à Paris, je me suis fait braquer. Ouf, je me suis dit après, il ne m'a pris que ma carte bleue avec le code, m'a laissé mon caillou. Malheureux comme les pierres, on dit. Ça m'a toujours habité, cette expression. Ma grand-mère le disait souvent, je crois, même si tout est un peu flou maintenant. Étais-je aussi malheureux que mon caillou? L'étais-je davantage? Moins?... Pourquoi les pierres seraient-elles malheureuses?... Je me suis toujours demandé... Mon caillou, il était malheureux parce que moi-même je l'étais... Mon braqueur me l'aurait volé en même temps que ma carte bleue, j'aurais été anéanti... J'y tenais donc tant que ça, à mon malheur? Il faut croire... Mais d'autres cailloux étaient joyeux... Car ils n'étaient pas forcément malheureux, mes cailloux... On pourrait dire aussi joyeux comme les pierres... ou bien con comme les pierres... sauf qu'on dit con comme la Lune... mais c'est un peu une pierre, aussi, la Lune... Vous vous souvenez? Vous étiez occupée au lavoir. Je fumais dans la rue en regardant en l'air. C'était avant-hier...  C'est ça que je voyais, à ce moment. Ou plutôt ça que j'aurais vu si je n'avais pas été myope. Ça et d'autres choses, mais c'est ça qui est resté. Ça m'intriguait, m'attirait l'œil, j'ai regardé en l'air. J'ai trouvé plus tard dans un bac du lavoir trois miroirs minuscules, petits carrés d'un centimètre carré collés ensemble. Des petites choses. A une époque, j'aurais trouvé du sens, me serais perdu dans des délires chiffrés, mystiques... 5 pigeons sur un fil... Je n'aurais plus vu que des 5... Je n'ai pas cherché à voir 5 et encore moins à voir 5 successivement à deux endroits différents... Ce ne sont pas les mêmes 5... Ça chute... Météores dans le ciel... Heureusement, ça m'a passé, ces divagations qui peuvent mener à la folie... J'ai accepté le hasard... l'insignifiance... Mon père est mort ce jour-là et il avait 55 ans?... Et alors?... Peut-être suis-je devenu alors moi-même insignifiant... Mais ce jour, en tout cas, je ne l'oublierai pas...

3 commentaires:

Lectrice a dit…

C'était il y a trois ans, je me souviens...

Lectrice a dit…

... c'était une journée ensoleillée.

Lectrice a dit…

Une journée étonnante, quoi que pas tant que ça. J'avais les yeux et les oreilles grand ouverts, mais je n'ai pas vu les pigeons et à peine aperçu les miroirs. Mon esprit était ailleurs. Joyeux comme un caillou.
Le vôtre, je ne sais pas, peut-être malheureux comme les pierres...

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