Un condamné à mort s'est échappé (ou le vent souffle où il veut) est le film de Robert Bresson qui me touche le plus. Finalement, ses meilleurs films sont des films d'action pure à la gloire de la Main et du travail manuel. (Pickpocket et un condamné à mort s'est échappé, mes deux préférés.) Toute l'attention est portée sur un seul objectif : s'évader. On ne s'évade pas n'importe comment. C'est une suite de petites choses qui s'imbriquent, de petits détails à régler. Ça prend du temps. Il faut être précis, habile, patient. C'est une œuvre à accomplir. Il y a des imprévus. Il faut savoir s'adapter. S'évader. C'est un travail perpétuel, acharné, méticuleux, sans lequel la vie n'a aucun sens, ou plutôt sans lequel on s'avoue vaincu. Il faut sortir. Peu importe ce qu'on fera dehors. L'essentiel c'est de ne plus être ici. Ailleurs, il y aura sans doute d'autres problèmes, ce sera peut-être même une autre prison, mais peu importe, on verra bien. Ce qui compte, c'est la main, c'est le travail de la main. C'est par la main, que le salut viendra et ça me rappelle ces grands peintres de la Renaissance qui peignaient si bien les mains. Dans le trou, de Jacques Becker, autre grand film d'évasion, c'était le corps, qui voulait s'évader. Là, c'est la Main. C'est un grand film mystique. Peindre le dôme de la chapelle Sixtine, ou s'évader, c'est à peu près la même chose. Dommage que Bresson n'ait pas réalisé plus de films d'action...
samedi 31 octobre 2009
lundi 26 octobre 2009
De tous les films d'Ishiro Honda que j'ai pu voir, Matango est le plus beau, le plus rigolo, le plus subtilement érotique, le plus intelligent et peut-être aussi le plus subversif. La seule question est peut-être : manger des champignons ou pas. Le héros, à la fin, le seul qui a résisté à la tentation d'en prendre, se transforme quand même en monstre mycomorphe. Sauf que maintenant, de retour dans la civilisation, il est tout seul, le seul de son espèce. Mais pourquoi donc n'est-il pas resté sur l'île des champignons hallucinants? Ils semblaient bien rigoler, là-bas, les champignons. Sa condition humaine valait-elle un tel sacrifice? S'il avait su, avant de fuir l'île, qu'il était contaminé lui aussi... La femme qu'il aimait s'est transformée en champignon... N'aurait-il pas pu continuer à l'aimer?... Il lui avait pourtant dit qu'il ne pourrait pas vivre sans elle... Même si, quand on devient champignon, les choses doivent bien changer, quand on y songe... L'amour, par exemple, est-ce que ça tient encore, quand on est devenu champignon?... Et le désir?... Mais est-ce tellement important?... Maintenant, il est tout seul, en phase de transformation, un peu lépreux, encore un peu humain... Des scientifiques l'observent, de loin, derrière des barreaux... Il est trop tard... Il aurait pu en prendre... Ça avait l'air très bon... Il aurait pu passer toute sa vie à rigoler, au moins...
jeudi 22 octobre 2009
Quelle idée de vouloir rentrer chez soi à la nage, de piscine en piscine... Il n'a pas le choix, voilà pourquoi... Il n'a plus que ça, n'est plus que ça, the swimmer... D'une piscine l'autre... Il est presque tout nu, juste en maillot... Il est tout seul, vraiment tout seul... Mais ce n'est pas grave, au début, car il est beau et fort comme un dieu... comparé à ceux de sa génération... Puis il va se tordre une cheville en se prenant pour un fougueux étalon, puis se prendre un râteau avec une très jeune femme qui l'idolâtrait quand elle était très jeune fille... Il a vieilli... Il ne comprend pas... Plus rien ne marche comme avant... Les gens sont parfois très cruels... Pas de pitié, pas de pardon... Dans le meilleur des cas, ils sont gênés... En tout cas plus personne ne veut de lui... Il ne fait presque plus partie du monde... Même son passé le rejette... Non, il n'était même pas un merveilleux amant... Même pas un père aimé, ou ne serait-ce que respecté... Une caricature, il était... C'est maintenant, qu'il est vraiment beau, tout seul, dans son maillot, cheminant douloureusement vers sa fin...
vendredi 16 octobre 2009
J'étais assis juste derrière Jerry schatzberg, à l'institut Lumière, lors de la projection de the prowler de Joseph Losey. (Je n'étais pas très sûr, alors je suis allé vérifier sur internet.) C'était bien lui. Il était avec une grande et magnifique blonde qui avait un long nez et des dents d'une blancheur éclatante. Parfois, j'ai essayé d'accrocher discrètement son regard... Mais que faisait-elle avec ce vieux?... C'était peut-être sa fille... (Je plaisante...) Beaucoup de charme, Jerry Schatzberg... 82 ans?!!!... (C'était sa petite fille?...) Ils ont dû se tromper, sur wikipédia... Il en fait 20 de moins... J'ai été un peu déçu par le film... Je m'attendais à un chef-d'œuvre... En fait, c'est la toute fin du film, qui m'a déplu... Le type est désarmé, ne menace personne, a bataillé interminablement pour gravir une dune, absurdité totale étant donné que derrière la dune il n'y a rien et qu'il se trouve ensuite coincé par la montagne... Alors, un flic, de loin, le met en joue et le descend juste au moment où il va passer de l'autre côté de la dune... Il n'y a pas de raison... Il ne peut pas s'échapper... Il n'est même pas agressif, ni franchement subversif... C'est juste un loser qui a des rêves de petit bourgeois... En même temps, il valait peut-être mieux pour lui qui ça finisse comme ça, sinon c'était la chaise électrique assurée... Peut-être que le flic était contre la peine de mort alors... Je me suis dit que c'était peut-être le studio, qui avait imposé cette fin... J'imagine mal Dalton Trumbo écrire cette fin... Ça m'a gêné... Ou alors, c'est volontairement absurde... Une fin où son rêve minable se serait entièrement réalisé aurait été bien plus dérangeante, patron d'un petit motel paumé au bord d'une route où passent la nuit des camions, c'est bien pire que se faire tuer en haut d'une dune... Autrement, j'ai beaucoup aimé... l'atmosphère claustrophobique des deux premiers tiers... poussiéreuse et désolée du dernier tier... Et la blonde magnifique au long nez...