dimanche 3 août 2014



Des ronds dans l'eau, ça s'appelait, au début. Puis j'avais appris que le titre était déjà pris et j'avais rebaptisé le truc Mariner. C'était moins bien. Je ne trouvais rien de mieux. C'était déjà foutu. On m'avait dit que ça évoquait une marque de slips, Mariner, on prononçait même Marinerf, ça faisait rigoler. Ce n'était plus qu'une plaisanterie. Mais le vrai titre, au fond de moi, était toujours Des ronds dans l'eau. Je ne me souviens plus du tout de ce que ça racontait. Ou je préfère ne pas me souvenir, ce qui est parfois bien commode. Mariner, ou Marinerf si on préfère, mon troisième et dernier (bref) roman, ça ne ressemblait à rien. Les deux autres non plus, d'ailleurs, dont je ne me souviens même pas du titre, même s'ils sont quelque part, dans un carton, avec toutes sortes de merdes que j'ai conservées de ma jeunesse. Si... le premier... À reculons ça s'appelait... Mais le deuxième, alors... c'est à se demander même s'il y a eu un deuxième, si je ne suis pas passé directement au troisième, sachant d'instinct que le deuxième ne serait vraiment pas mémorable... Des cacas de jeunesse, alors, on dira. Je l'ai envoyé à dix éditeurs, même si je n'y croyais déjà plus. (Avec le vrai titre, j'y aurais peut-être cru.) J'ai tendu l'oreille un moment. Rien. Ça leur aura peut-être aussi évoqué la marque de slips, je me suis dit. (Juste un, qui a répondu, me disant qu'il attendait confiant le suivant, qu'il y avait un truc, là-dedans... Il est mort l'an passé, j'ai appris, à la télé, d'un cancer...) C'était un peu du bâclé, du torché en trois semaines, il faut reconnaître, et pas tellement dans l'air du temps, pour la bonne raison qu'à l'époque j'aspirais rien moins qu'à l'intemporalité, gommant naïvement tout ce qui pouvait me rattacher à mon époque, pour dire que j'étais sacrément ambitieux, me projetant déjà en classique, hors du Temps. Voilà comment s'est terminée ma fulgurante carrière de romancier, il y a plus de 20 ans, en slip. (Ça aurait fait un bien meilleur titre, En slip...) Et aujourd'hui je découvre enfin la chanson de Françoise Hardy, qui m'a piqué mon titre et ruiné ma carrière, dès 1967. Le pire, c'est que c'est exactement la même histoire, la même chanson, tout pareil, maintenant que ça me revient... Si j'avais su plus tôt, je ne me serais pas donné tant de mal, même si je ne m'en suis pas donné tant que ça... Chouette chanson, en tout cas... non?... Ça me rappelle quand j'étais à Paris, quelques années plus tard, quand je n'étais déjà plus romancier, je la croisais souvent, au café tabac vers Denfert-Rochereau, Françoise Hardy, car on était un peu voisins, mais c'est une autre histoire... Belle femme, vraiment, hors du temps, je ne lui en ai jamais voulu, on se souriait légèrement en se croisant, au bout d'un certain temps...

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