C'est toujours la même forêt. Qu'on aille au bout du monde, au delà des steppes d'Asie, au Japon, je ne sais où, qu'on se colle le nez à une benne pleine de pavés dans la rue en travaux. C'est la forêt. Quand on est myope, de toutes façons... Au moins, là, je ne me retrouverai pas nez à nez avec des touristes en short... Quelle tristesse, on me dira, il n'y a personne, dans votre paysage, il n'y a pas non plus d'oiseaux, ni de vent, ni rien... C'est vous qui le dites, je répondrai... Vous ne sentez pas la légère brise? Vous ne devinez pas la montagne derrière les arbres étiques? Vous ne ressentez pas le calme de l'étang? Tant pis pour vous... T'es parti où en vacances?... — A la benne... — C'était bien?... — Oh oui... — La prochaine fois tu m'emmèneras? — On verra... On risque quand même d'être un peu à l'étroit... — Ça semble immense pourtant... — Justement... Ce serait bien que ça le demeure... Et puis on gâcherait le silence, à bavasser comme on bavasse, dans une benne... Et puis on finirait au Vinatier, chez les lunatiques... — On y serait peut-être bien... — Peut-être bien... Il y a un grand parc... — Il y a des bennes aussi? — Bonne question... Je me renseignerai...
mardi 24 juillet 2012
samedi 21 juillet 2012
mardi 17 juillet 2012
Ma lectrice est en vacances. Loin. Me voilà donc tout seul. Plus personne pour me lire... Je regarde le calendrier : elle sera encore absente trois semaines. Que vais-je bien pouvoir faire tout ce temps? Parce que moi je m'étais habitué, à avoir une lectrice. Au début, je l'ai chassée, et même plusieurs fois parce qu'elle revenait toujours. (En même temps, je la chassais aussi pour voir si elle reviendrait...) Parce que je n'en voulais pas, au début, je préférais me savoir seul. J'aimais l'idée qu'il n'y avait personne, que tout ça se perdait dans le Néant. Je me suis senti alors envahi, moi qui me croyais seul sur mon île. Puis, peu à peu je me suis habitué à sa présence. Elle est même devenue essentielle, ma lectrice. Et maintenant qu'elle est en vacances, elle me manque, même si ce n'est que pour trois semaines. Je ne sais toujours pas ce qu'elle me trouve. Il y a tellement de choses bien à lire et il a fallu qu'elle jette son dévolu sur ça, ces vagues rots. C'est un mystère, pour moi. L'été dernier aussi, elle était partie en vacances, mais elle était restée connectée, comme on dit aujourd'hui. Cette année, elle a voulu des vraies vacances. Je comprends. N'empêche que moi, je n'ai plus rien à dire, maintenant que je n'ai plus de lectrice. Quand je n'avais pas de lectrice, je m'en fichais, je n'avais pas besoin d'avoir quelque chose à dire. J'étais peinard, sur mon île, je sifflotais quand j'avais envie de siffloter et peu m'importait d'être dans le ton et parfois même je me mettais à gueuler voire lâchais un vent monstrueux qui faisait s'envoler d'un coup tous les oiseaux et se figer le sang des bêtes. Mais maintenant que j'ai une lectrice, tout est bien différent, je suis devenu quand même beaucoup plus délicat. Et comme elle est en vacances, moi, je me retrouve tout seul comme autrefois quand je n'avais pas de lectrice et que d'ailleurs je n'en voulais surtout pas. C'est comme une séparation alors. Tout est tellement vide, soudain. Trois semaines, ça fait long. Si c'est comme ça, je vais peut-être bien redevenir sauvage, me laisser pousser la barbe et les ongles, plus me laver. Et puis peut-être aussi me mettre à dérailler vraiment, maintenant que plus personne ne regarde. Elle verra bien, quand elle rentrera... Peut-être même que je la rechasserai, comme autrefois... Allez tirez-vous... vous m'emmerdez à être toujours là à lire par dessus mon épaule... et puis tellement gentille, généreuse... ça m'énerve, les filles gentilles... (je préfère les salopes...) Parce que je me serai réhabitué à ne plus en avoir, de lectrice... Trois semaines, ça fait long... (Jusque là, elle n'a jamais été absente plus de deux jours...) Ou alors peut-être qu'une autre va prendre la place... Ah... désolé... fallait pas partir en vacances... la place n'est pas restée vacante longtemps vous voyez... Qu'est-ce que vous croyez? Qu'un type comme moi, aussi flamboyant, peut rester tout ce temps sans lectrice?... Vous êtes bien naïve décidément... Et j'en prends, moi, des vacances?... Dire que je vous ai eue comme lectrice pendant tout ce temps... On n'avait pas les mêmes goûts, de toutes façons... Alors évidemment, s'il y a des candidates, qu'elles m'envoient leur cv, avec photos, mensurations, motivations et tout, je ferai un casting, ça m'occupera... (Il ne peut y en avoir qu'une...) Ça lui apprendra, à partir en vacances...
dimanche 15 juillet 2012
J'ai fait un rêve perturbant. J'étais arrêté dans la rue par un type qui, sans préambule, voulait me faire nikyo, une torsion du poignet. Je voyais aussitôt qu'il s'y prenait mal et commençais alors gentiment à lui montrer comment briser proprement un poignet. Quelqu'un d'autre survenait, un type qui travaillait parfois avec moi, un collègue projectionniste du temps où j'étais projectionniste, un petit bonhomme timide, constamment mal à l'aise, suant, bourré de tics, qui me suivait comme mon ombre, comme si j'étais son modèle, moi qui donnais l'air de n'avoir peur de rien ni de personne. Je l'aimais bien. Il était gentil. Je le sentais seul et misérable. Il était faible et on profitait en général de sa faiblesse. Petit et grassouillet, ne prenait pas soin du tout de sa personne, sentait souvent un peu mauvais. Et il me suivait, partout où j'allais. Parfois, j'étais obligé de lui dire : là, je vais pisser... Mais je l'aimais bien... Même si parfois il m'agaçait... Je n'aimais pas qu'on le méprise... J'avais envie de le secouer, de lui dire de relever la tête, d'arrêter de se faire marcher sur les pieds, de trembler... Je le trouvais faible, tellement faible, et ça pouvait m'agacer... En même temps, je savais que les choses ne changeraient pas... Donc, dans mon rêve, le petit bonhomme en question survenait. Pour une fois, il se mettait même en avant. Me voyant expliquer comment briser proprement et sans effort un poignet, il s'approchait, voulait reprendre le fil de l'explication, car dans mon rêve il faisait aussi de l'aïkido, était même en quelques sortes mon élève, mon disciple, ce qui n'était pas le cas dans la vraie vie. (L'autre regardait.) Alors, il me saisissait le poignet et commençait sa technique. Moi, son maître, je lui faisais alors remarquer que ça n'était pas tout à fait ça et qu'il s'exposait dangereusement. Il ne réagissait pas. Pour mieux qu'il comprenne, je lui faisais une contre-technique qui lui faisait mordre la poussière, la tête la première. Un peu durement, peut-être. (On me reproche, parfois, d'être un peu dur, quand pourtant j'essaye d'être doux, sauf parfois quand je suis volontairement un peu dur, mais très modérément, pour des raisons pédagogiques : ça ne sert à rien de (me) résister...) En effet, une partie de son visage, tout le front et le nez et un œil, était restée collée au sol. Je comprenais alors que c'était une prothèse, comme celles des gueules cassées de la guerre de 14. Se relevant, courbé, humilié, il ramassait son visage et se le refixait tant bien que mal. J'étais soudain désolé et honteux. Je lui tapotais l'épaule pour le réconforter. Mais je savais bien qu'il avait perdu la face et qu'il aurait beaucoup de mal à s'en remettre. Pour une fois qu'il cherchait à s'affirmer... Je l'avais anéanti, moi, son maître... Avais-je donc quelque chose à prouver?... Que j'étais le plus fort?... J'avais peut-être eu besoin aussi qu'il n'ait plus cette confiance aveugle, totale, canine, en son maître, ce qui m'avait toujours agacé, moi qui n'avais jamais voulu être son maître...
vendredi 13 juillet 2012
dimanche 1 juillet 2012
