Depuis tout petit, son truc à lui c'est les flingues. Il n'y a même que ça qui l'intéresse dans la vie. Il est fasciné par les flingues. Les tenir dans sa main, les tripoter, tirer avec. Il veut même y consacrer sa vie. Il n'y a que quand il décharge (son arme) qu'il se sent bien. Alors il tire. Il tire même très bien. Un jour, il tire sur un poussin, pour voir ce que ça fait. Le poussin est tué. L'enfant est traumatisé. Jamais plus il ne tirera sur un être vivant. Mais ça ne l'empêche pas de toujours aimer les flingues. En fait, il aime les flingues pour les flingues, c'est tout. Il aime tirer, mais il ne faut surtout pas qu'il y ait de conséquences. C'est un peu de la branlette, en somme. Il tire avec candeur, décharge même joyeusement et sans aucune culpabilité ni même l'ombre de quoi que ce soit de malveillant ou de pervers. C'est toute sa vie. Un jour, il rencontre une fille éblouissante, qui tire formidablement bien au revolver (L'aurait-il seulement remarquée sinon?) quoiqu'un peu moins bien que lui. Il n'est plus seul. Il est amoureux. Ils sont tellement beaux, tous les deux, ils sont vraiment faits l'un pour l'autre... Le destin les a enfin réunis... Maintenant, dans sa vie, il n'y a pas que les flingues, il y a aussi une fille, et quelle fille... Ils sont fauchés. Il est prêt à mettre ses beaux revolvers au clou, ce qu'il possède de plus précieux, sa passion. Il est prêt à faire des petits boulots, n'importe quoi, pour les faire vivre. Mais elle est ambitieuse, elle veut tout, everything... Elle ne veut surtout pas d'un raté, d'un pauvre type... Et puis, un flingue, ça ne sert pas seulement à tirer sur des bouteilles, il est temps de grandir, mon petit, tu ne vas quand même pas te branler toute ta vie... Elle sait, elle, à quoi ça sert, un revolver, et ce que c'est que l'amour... C'est une femme et lui c'est encore un gamin, elle va lui montrer, comment on fait... Lui, il ne désire que l'aimer, être avec elle... Quel idiot... Mais il est amoureux... Il fera n'importe quoi... quand elle le lui demandera...
dimanche 17 mai 2009
samedi 2 mai 2009
Je suis toujours autant ému, quand je revois cheyenne autumn. Pour son dernier western, John Ford a vu les choses en grand, tourné en 70 mm, une distribution pléthorique, des paysages somptueux, cieux à couper le souffle. Un sergent d'origine polonaise dit qu'il est fier d'être dans la cavalerie, mais qu'il a honte d'être un cosaque. Je ne suis pas seulement ému par la tragédie de l'agonie de la nation Cheyenne. Je suis ému aussi car ce film pourrait avoir pour titre : Ford's autumn. Il sait que c'est son dernier western. C'est ainsi une sorte de testament. Une veillée funèbre. De première classe. Presque tout le monde est venu. Même ceux qui ne font pas vraiment partie de la famille, Karl Malden fantastique, Edward G. Robinson, qui, on imagine, n'a pu se rendre à Monument Valley, pour une raison ou pour une autre et il semble être là parfois en duplex... Ne manquent que John Wayne (mais son fils est venu... et Richard Widmark est parfait...) et Victor Mc Laglen et peut-être aussi Ward Bond, ces deux derniers étant morts depuis quelques années et je me souviens du juge, dans Sergeant Rutledge, je m'étais dit que c'était un rôle pour Ward Bond, je comprends maintenant pourquoi il ne l'a pas joué... On retrouve Ben Johnson chevauchant, comme à la grande époque, aux côtés de Harry Carey Junior et ils n'ont pas pris une ride. John Carradine nous régale, comme toujours, dans une formidable scène de comédie, aux côtés de James Stewart et Arthur Kennedy (le duo mythique de certains westerns d' Anthony Mann), Wyatt Earp et Doc Holliday d'opérette, antithèses des personnages ténébreux et romantiques de my darling Clementine. On se demande ce qu'elle fout là, cette scène, puis tout devient clair. John Ford se moque un peu de lui-même, de la légende qu'il a lui-même créée. Il nous dit ainsi que la légende de l'Ouest, toutes ces histoires de héros solitaires dégainant leur révolver, tout ça est bien dérisoire, pour ne pas dire ridicule, c'est même du toc, à côté de la tragédie véritable, le génocide des Indiens d'Amérique, les seuls authentiques Américains. Jean Renoir, qui s'y connaissait, en êtres humains, disait de John Ford qu'il était un roi. Je suis du même avis.
vendredi 1 mai 2009
Cimino, reviens!... (Après avoir revu la porte du paradis...) A une époque pas si lointaine, je m'en souviens, on attendait avec ferveur le prochain film de Michael Cimino. Il y avait eu the deer hunter, puis la porte du paradis, deux films extraordinaires, des films monde, énormes, crépusculaires, fin des années 70, début des années 80... Fin d'une époque. The end. En 85, je suis donc allé voir l'année du dragon, qui ne pouvait qu'être un nouveau chef-d'œuvre. Grosse déception, quand même, car ce n'était qu'un très bon film, comparé aux deux précédents. Puis, peu à peu, Cimino s'est éteint. Qu'attend-on, aujourd'hui, du cinéma américain? Michael Mann nous a pondu le formidable collatéral, voilà, un des films les plus mémorables de ces dernières années, mais qui n'est peut-être pas plus finalement qu'un sommet de virtuosité sans doute très melvillien, et juste après il nous a pondu un gros navet boursouflé à peine regardable. Scorsese est parti depuis bien longtemps à la pêche à l'oscar... Coppola a pris un coup de vieux... Lynch fait de la méditation transcendantale, ne s'est toujours pas remis de la vision de Persona d'Ingmar Bergman... Les jeunes?... Tarantino nous amuse un moment, nous donne surtout envie de voir les films qu'il recycle, souvent bien plus intéressants... Lodge Kerrigan, oui, par exemple, c'est monstrueux, mais pas franchement dans le genre fresque épique... Beaucoup de choses autrement qui sont déjà périmées en quelques années voire même en quelques mois, comme les ordinateurs, qui fonctionnent sur le coup, par des sortes d'effets de mode, qui manquent très vite de mémoire vive. Je m'ennuie, moi, aujourd'hui, au cinéma, je m'endors, souvent, je sais de quoi je parle, je suis projectionniste... La dernière fois, c'était dans la brume électrique, que j'étais pourtant impatient de voir, alléché par des critiques enthousiastes, me disant que Tavernier, grand et passionnant amateur de cinéma américain, se réaliserait peut-être enfin là-bas, mais je n'ai pas trouvé la brume très électrique, hélas et je me suis littéralement endormi, il faut dire aussi que c'était juste après un stage de quatre jours d'aïkido et que j'étais très... très détendu... A un moment, un mouvement de caméra m'a semblé tellement gratuit et mal fichu, un simple effet, que je me suis dit : là, j'ai le droit de me rendormir... Voilà le genre de films qu'on attend, aujourd'hui... Alors, quand j'ai le cafard, je revois the deer hunter, parfois aussi la porte du paradis. Parce que c'est grand, on se perd dedans, ça remue, c'est beau. Et puis il avait sa façon de prendre son temps... On n'est pas pressé, quand même, d'arriver au bout d'un film... Ce n'est pas une corvée... Plus c'est long, plus c'est bon, quand c'est bon, non?... C'était le rêve de D. W. Griffith, le père de John Ford et Raoul Walsh, de faire des films de dix heures, vingt heures... Ça n'a pas suivi... Pas de temps à perdre... Pas assez rentable... (C'est peut-être la télé, finalement, qui a réalisé le rêve de Griffith, avec certaines séries...) Cimino, lui, il s'en foutait, du temps que ça durait, et que ça prendrait à faire, et combien ça coûterait, et il avait bien raison... Et puis l'histoire, celle de son pays, il la voyait à sa façon, et il avait bien raison, d'autant plus qu'elle était sacrément belle, son histoire, pleine de bruit et de fureur, de tendresse aussi... Voilà, c'était du cinéma, du grand cinéma, le Paradis quoi... Depuis, on dirait que la porte s'est refermée...