mardi 16 décembre 2014

Tu te souviens? Non, je ne crois pas. D'ailleurs je me demande pourquoi je te pose cette question puisque je sais que tu ne l'entends pas et que si tu l'entendais tu ne la comprendrais pas. Parce que tu n'es pas là. Parce que même si tu étais là, tu ne serais pas là. Parce que tout bonnement tu n'es nulle part. C'est d'ailleurs pourquoi je ne te pose pas la question et que je me la pose alors plutôt à moi, histoire de me causer, surtout, parce que je me cause. De quoi te souviendrais-tu? D'ailleurs, autrefois, tu n'étais pas là non plus. Je croyais que tu étais là, ou plutôt je ne me posais pas la question de ta présence, car il y avait une évidence, je croyais, ou plutôt je ne croyais pas, car il n'était jamais question de croire ou de ne pas croire, c'était une évidence, ta présence, tu étais là, il n'y avait pas de raison d'en douter ou de n'en pas douter, car tu étais là, même si tu n'étais pas là. Où étais-tu alors si tu n'étais pas là? Là aussi je pose une question que tu ne peux pas entendre. Non seulement là, maintenant, tu ne peux pas l'entendre, mais à l'époque, non plus, tu n'aurais pas pu l'entendre, puisque tu n'étais pas là. Et où es-tu maintenant? Tu me regardes. Tu ne comprends pas. Tu fronces ton joli front. Sauf que je ne suis pas là. Tu crois m'entendre et me voir, mais je ne suis pas là. Et pourtant, je suis bien plus ici qu'ailleurs. C'est même ici que je suis le plus moi. Là tu comprends encore moins. Mais comme tu ne comprenais déjà rien, comprendre moins que rien ne doit pas changer grand chose à ton incompréhension. C'est juste que je me cause. Tu crois peut-être que je te cause, mais en fait c'est juste à moi que je cause, parce que je me cause, c'est comme ça, depuis toujours je me cause, parfois je me leurre en faisant mine de causer à d'autres mais c'est bien toujours à moi-même que je cause, parce que je crois être le seul confident valable et même possible, le seul à vraiment entendre que tout ça n'est que du vent, un chuchotement sur le vent, voilà, et que ça ne dure que le temps que dure le vent.

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