dimanche 23 janvier 2011

Quelle belle journée. Elle a retrouvé l'usage de sa patte. Elle marche lentement, mais sans boiter. Elle saute sur le canapé et en descend sans douter. Elle est même venue après mes ablutions lécher l'émail du bac de douche, puis prendre le soleil. Ça faisait bien plaisir à regarder. Je lui ai glissé une couverture dans une taie d'oreiller que j'ai placée juste à côté du poêle. Elle est toute chaude. Elle ronronne de nouveau. Elle s'est remise à manger quelques croquettes. A faire sa toilette. Sa respiration s'est apaisée. Il y a deux jours je la croyais mourante. Je suis un peu soulagé. Elle est paisible, au moins. Si demain elle se mettait à trotter un peu j'en serais ravi. J'ai bien fait de ne pas me précipiter chez le vétérinaire, qui me l'aurait peut-être bien piquée. Certaines personnes ne comprennent pas l'affection que l'on peut avoir pour un animal. Quelqu'un m'a dit, il y a quelques mois, après m'avoir demandé combien m'avait coûté l'intervention du vétérinaire : moi j'en aurais plutôt acheté une autre, à ce prix-là... Je me souviens d'une interview très drôle de Michel Simon... Si quelqu'un venait chez lui et ne s'intéressait ni au chat, ni au chien, ni au perroquet, ni au singe, mais commençait à lui parler de... Bernard Buffet!... il le foutait à la porte.

samedi 22 janvier 2011

Je prends quelques photos. Ça me met un peu à distance. Je suis un peu moins à fleur de peau. Vers les trois heures du matin, je me suis rendu compte qu'elle avait pissé sur la couette. Je ne l'ai pas engueulée. Je l'ai doucement caressée. Elle semblait plus paisible que la veille, les pupilles moins dilatées. Je me suis levé, ai commencé à frotter la couette avec une éponge avant de la mettre dans la machine à laver. J'ai dû dormir une heure. Ce n'est pas bien grave. J'ai vu l'aube se lever, au moins, en écoutant France Culture, je me suis fait du thé. Ce qui est grave, c'est que je n'ai pas réalisé qu'avec sa patte avant toute molle, descendre d'un lit, fût-il au ras du sol, était bien périlleux, mettre tout son poids en avant. Quinze centimètres peuvent être un précipice. J'ai essayé d'y remédier en plaçant un coussin en guise d'escalier. Puis j'ai constaté qu'elle préférait bondir sur la chaise, puis sur le dossier du canapé, puis sur l'assise du canapé, enfin sur le tapis. Mais voilà, comme le rideau de l'alcôve était tiré, elle n'a pu bondir sur le canapé. Elle était prisonnière, en somme, du lit. Elle n'a pas l'air de souffrir, aujourd'hui, je l'ai même épiée en train de dormir semblait-il paisiblement. J'ai compris aussi que la cuisine était bien trop éloignée désormais. Ai donc rapproché sa nourriture, qu'elle a un peu goûtée, alors qu'hier elle n'avait rien mangé. Elle est allée dans sa caisse plusieurs fois, bien proprement. Sa patte est un peu moins froide qu'hier, il me semble. Elle est venue sur moi un moment et je la lui ai un peu frictionnée, ai même entamé une sorte de rééducation, étirements, pression sur les coussinets, résistance de l'épaule, massage délicat des muscles délicats, qui a peut-être fait un peu son effet car après elle boitait un peu moins. (J'ai quelques notions de sh(i)atsu.) Mais elle respire toujours un peu laborieusement, au moindre effort. Je sens que ses pas ne sont pas très assurés. Elle doute. Ce qui était naturel, instinctif, ne l'est plus. Et moi je ne sais toujours pas quoi faire. Alors je fais ce que je fais. Je ne me vois pas l'abandonner à l'aiguille d'un vétérinaire. Je me laisse quelques jours, un sursis, lui dis adieu à chaque caresse. Je prends quelques photos...

vendredi 21 janvier 2011

Quelle journée affreuse... Ça a commencé juste après le petit-déjeuner. Je me suis rendu compte que sa patte avant gauche était toute molle, juste un peu au début, jusqu'à ne plus pouvoir tenir dessus, comme si elle avait des fourmis. Puis elle s'est mise à respirer bruyamment. Est partie se cacher dans le placard. (Les animaux n'aiment pas souffrir en public.) Je suis allé la voir, en retenant mes larmes car je sais que les animaux le sentent et stressent alors encore plus. (Je suis un animal, moi aussi.) Je l'ai prise dans mes bras et portée jusqu'à mon lit, me suis allongé un moment en la caressant doucement, en la regardant dans les yeux. J'ai failli appeler le vétérinaire, mais je me suis dit que ce serait alors la fin et j'ai besoin de la sentir là encore un peu, de lui parler un peu, de la toucher. C'est égoïste sans doute, car elle doit souffrir. Mais je ne me voyais pas partir chez le vétérinaire et l'abandonner si vite. Elle n'aime pas, aller là-bas, ça la stresse terriblement. Ce sera un allez simple, la prochaine fois, je le sens. J'aimerais qu'elle meure ici, à la maison. Mais peut-être qu'elle va se requinquer?... Si seulement... J'ai passé la journée à la surveiller... Tout allait tellement bien, avant le petit-déjeuner... Mon père aussi, il est allé se recoucher, juste après le petit-déjeuner... Je ne sais pas quoi faire... J'ai failli appeler une amie qui a perdu sa minette il y a quelques années, pour qu'elle me dise quoi faire, puis je me suis dit que c'était mon affaire... J'ai songé à des façons de l'euthanasier moi-même, le moment venu... L'étouffer?... Ce n'est pas évident... Le vétérinaire m'avait prévenu des risques de paralysie en cas de nouvelle attaque, je savais... Mais tout allait tellement bien encore ce matin... Puis je l'ai vue essayer de s'asseoir sur une chaise, avec cette patte qui ne répondait plus très bien... Elle n'est pas venue, comme d'habitude, après ma douche, lécher l'émail du bac... A un moment, j'ai lu du désarroi dans ses yeux et elle m'a fait un miaou déchirant... Dire que je l'ai engueulée hier soir parce qu'elle avait marché dans le cendrier... J'avais engueulé mon père aussi, quelques jours avant qu'il meure... Je l'avais même je crois traité d'abruti parce qu'il était planté devant la télé à vouloir regarder un match de foot ou une course de vélos sur canal plus en crypté... Mais peut-être que ça va s'arranger... Tout à l'heure, sa patte semblait aller un peu mieux... Ou alors je le souhaite tellement que... Elle a fait un bond, du canapé jusqu'au dossier... puis sur une chaise... Là, elle est de nouveau sur le lit et semble dormir... On verra demain... Si elle passe la nuit, si sa patte se remet... Elle est quand même allée plusieurs fois dans sa caisse, en boitant, a fait tout bien proprement... Mon père aussi, avant de mourir, il a tout bien fait proprement, la vaisselle, puis sa toilette... Je ne sais pas quoi faire... Je viens de lui frictionner un peu la patte, qui était plus froide que l'autre... Ça n'augure rien de bon... Sa respiration est un peu agitée... Je ne veux pas qu'elle souffre et pourtant je n'ai pas appelé le vétérinaire... Si je n'y vais pas demain avant midi, ce sera fermé jusqu'à lundi... Ma p'tite Mouchette, comme j'ai d'la peine, si tu savais... Mais c'est la vie, c'est comme ça, on naît, on meurt... Tu vas me manquer... Quinze ans... Si tu pouvais t'éteindre tranquillement, là, maintenant... Puis j'ai appelé ma mère et ma voix s'est mise à trembler quand je lui ai raconté...

mardi 11 janvier 2011

Sur l'île de Fårö, tous les 14 juillet, pour son anniversaire, Ingmar Bergman, dans son petit cinéma rien que pour lui, se projetait Le Cirque.

jeudi 6 janvier 2011

Des films qui autrefois m'auraient peut-être ennuyé me touchent aujourd'hui profondément. Ce petit Vincent Sherman, par exemple, old acquaintance, certes moins fort que Mr Skeffington, mérite tellement d'être vu et revu. L'air de rien, c'est très ambigu et d'une grande cruauté. La fin, qui semble anodine, passerait presque pour un happy end, comme celle de Mr Skeffington. Tout rentre dans l'ordre. On comprend même que l'histoire, celle d'old acquaintance, est l'échec artistique d'une romancière à l'eau de rose maniaco-dépressive. (Parce qu'il lui en fallait bien un.) C'est troublant. Se foutrait-on de notre gueule? Bette Davis est grandiose, comme d'habitude. Elle est d'une grande noblesse d'âme. Elle se sacrifie. Et avec quelle élégance. On voit tout par ses yeux. Mais, à la fin, on comprend que tout ceci est la vision maladive de son amie d'enfance insupportable. Elle n'est qu'une pauvre actrice, en somme, comme dirait Hamlet. Une marionnette. Et qui tire les ficelles? L'auteure, la démiurge, son amie d'enfance, possessive, jalouse, ambitieuse, médiocre, capricieuse, ridicule, superficielle, méchante, malade, tellement vide à l'intérieur. Ça laisse un drôle de goût. Mine de rien. Elles se retrouvent, à la fin, les deux vieilles copines, réconciliées, à boire du champagne éventé, on sait qu'elles vieilliront ensemble.