Je t'aime, je te tue. Paroxysme de duel in the sun. On croit longtemps que le fameux duel sera entre les deux frères, sortes d'Abel et Caïn, même si, dans cette histoire, c'est plutôt Caïn, qui a la faveur du Père, un père déboussolé, malade, paraplégique également dans son âme, que l'amour a rendu pleine d'aigreur et de haine... L'amour, c'est toujours le poison... Mais ce duel n'a lieu qu'à moitié. Le vrai duel, c'est entre elle et lui. Ils ne se tuent pas parce qu'ils s'aiment. Ils s'aiment parce qu'ils se sont tués. S'ils ne s'étaient pas tués, ils auraient sans doute continué de se chercher, se haïr, se mépriser, s'humilier... Ça a commencé dès qu'ils se sont vus... Deux bêtes sauvages, indomptables, tellement fières, blessées chacune à sa façon... Leur place n'est pas dans le monde... Ils seront toujours à la lisière... Ils en viennent à se tuer, croyant être animés par la haine... Leur amour n'a jamais su s'exprimer autrement... Il faudra qu'ils se tuent pour le réaliser... Elle rampe interminablement vers lui... Il a besoin de la voir, de la serrer dans ses bras, une dernière fois, mais en fait pour la première fois, la première vraie fois... Il n'y a que cet instant qui compte... Tout le reste est banni... Juste un instant, un baiser, une caresse... le premier baiser, la première caresse, même s'ils sont amants depuis toujours... Le dernier baiser, la dernière caresse... Elle rampe... Ça dure longtemps... Lui, il est trop amoché pour pouvoir la rejoindre... Il l'encourage... My love... Elle souffre... Il lui a toujours menti, mais cette fois elle le croit... C'est beau comme un calvaire... Il faut qu'elle y arrive... Même si ça ne dure qu'un instant?... L'instant, c'est l'éternité... Tout ce qui s'est passé avant, c'était un préambule... Tout sera lavé, dans l'instant, dans les larmes... Le bien, le mal, plus rien n'aura d'importance, tout sera unifié, Un... dans l'instant... sans regret, car il fallait en arriver là, à cet instant, quand les corps et les âmes, après avoir tellement lutté, se retrouvent enfin et se mêlent... sous le soleil... ou plutôt même dans le soleil...
mercredi 10 juin 2009
jeudi 4 juin 2009
Il y a toujours quelque chose de mélancolique, dans les films de Billy Wilder. Une jeune femme un peu trop fine, un vieux Don Juan aux yeux de biche. J'ai vraiment compris pourquoi Audrey Hepburn me touchait à la fois tendrement et douloureusement depuis toujours, quand j'ai connu quelqu'un qui avait le même... problème, quoique dans un style bien différent... (D'ailleurs, c'est au cours de cette histoire, que j'ai appris qu'Audrey Hepburn avait ce problème... C'est par cette histoire que j'ai vraiment eu conscience de ce problème et que j'ai commencé alors à croiser beaucoup de femmes qui avaient ce problème... et ça me ramène alors toujours douloureusement, impuissamment, à elle... Quand je regarde cette photo, ce n'est pas seulement Audrey Hepburn que je vois, c'est elle... En plus, elle lui ressemble beaucoup, sur cette photo...) J'étais bien plus âgé qu'elle, un peu comme Gary Cooper dans Ariane (love in the afternoon), que je n'ai découvert qu'aujourd'hui. Je lui parlais parfois de Gary Cooper, d'ailleurs... que j'adore... Son côté féminin... (Dans Morocco, où il fait un légionnaire aux yeux de biche fardés comme ceux d'une princesse du désert, Marlène Dietrich est beaucoup plus virile que lui... Dans Désir, de Borzage, également...)... Je n'étais pas aussi vieux que Gary Cooper dans ce film... et je n'ai jamais vraiment été un grand séducteur aux yeux de biche... Mais je lui parlais de Gary Cooper... On se voyait souvent l'après-midi... J'ai le souvenir d'une sieste très agréable... (On dirait le paradis, elle a dit, ce jour-là...) J'avais acheté des films avec Gary Cooper, dans l'espoir qu'on les verrait ensemble... Des avec Fred Astaire aussi... (J'ai fini par les voir tout seul...) Un jour, je lui ai demandé de deviner à quel acteur on m'avait dit récemment que je ressemblais... Gary Cooper?... Pfff... Mais non, ne dis pas n'importe quoi... Gary Cooper, voyons, si je lui ressemblais ne serait-ce qu'un tout petit peu, tout serait sans doute très différent... Je me dis maintenant qu'elle ne le connaissait peut-être même pas, Gary Cooper... Ah... les jeunes, aujourd'hui... Parfois, dans mon cinéma, je discute cinéma... je me rends compte que certains ne connaissent même pas Gary Cooper... A quel acteur je ressemble? J'ai oublié son nom. Sérieux. Voyons... Non... ça ne me revient pas... Je vois sa tête, il est français, un poil plus vieux que moi... Mais le nom, je l'ai oublié... Je serais même incapable de dire dans quel film je l'ai vu... Il est assez banal je crois, le type qui passe un peu inaperçu... Je l'ai vu dernièrement dans un téléfilm pas si mal où il jouait un type qui disparaissait... Rien à voir avec Gary Cooper en tout cas... A la fin D'Ariane, j'étais tout remué... Comme elle est belle, Audrey Hepburn, quand elle court après le train... Mais je ne suis pas dans le train, hélas... C'est Gary Cooper, dans le train... Moi, je suis le type qui disparaît...
mercredi 3 juin 2009
Cet après-midi, je fumais une cigarette à la sortie du cinéma où je travaille, quand j'ai vu passer une jolie fille avec un pied tout tordu. Puis j'en ai vu une autre qui marchait avec les pieds à neuf heures quinze. Puis j'ai vu un type qui lui aussi avait un pied tout tordu. Tout ça en deux minutes. La jolie Suzanne (ah... si j'avais vingt ans de moins...) est sortie fumer sa cigarette elle aussi et je lui ai raconté ce que je venais d'observer, en essayant d'imiter les démarches, songeant pour l'occasion à Lon Chaney, mon maître en la matière. Suzanne m'a dit que j'imitais bien. Elle est gentille, Suzanne. Et elle sent bon. (Mais elle ne connaît pas Lon Chaney.) Plus tard, quand je suis rentré du boulot, j'ai encore croisé un jeune type qui traînait sa jambe derrière lui comme une branche morte. Demain, il faudra que j'en parle à Suzanne.