samedi 13 août 2011













Ce que me dit mon café 3.

vendredi 12 août 2011













Ce que me dit mon café 2.
J'avais arrêté de boire du café. Parce que mon cœur battait trop fort, n'importe comment, je redoutais l'infarctus sérieusement. Il faut dire que j'en buvais beaucoup. Et du bien fort. Net, j'ai arrêté. Je croyais que ça allait me manquer terriblement, que j'étais caféinomane et pas qu'un peu. Mais non. Je suis passé au thé intégral sans tremblements. Je n'ai plus eu alors de palpitations cardiaques inquiétantes. Mon cœur s'est alors même mis à battre métronomement. De temps en temps, quand même, je m'en buvais un petit... Mais plutôt rarement... Pendant plusieurs années, le café n'a plus circulé dans mes veines quotidiennement. Et puis, l'autre jour, au supermarché, un peu mou, un peu amorphe, je me suis arrêté au rayon café, un peu même zombie, je me suis repassé ma vie depuis que je ne buvais plus de café... J'ai compris alors que le café m'était indispensable, m'avait tellement manqué sans que j'en fusse conscient, qu'il fallait que je m'y remette, régulièrement, au moins un peu, pas des litres comme autrefois, mais un ou deux par jour bien serrés, que mon sang en avait même besoin, qu'il me fallait ce petit coup de fouet de temps en temps, cette substance, et puis comme ça sent bon... Un bon petit café bien serré, ça n'a jamais tué personne... (Ce que me dit mon café.)
Au bout du compte, le seul Dracula, le premier et à la fois l'ultime, c'est lui, c'est Max, c'est Schreck. L'Effroi, Schreck. C'est Nosferatu. Après, ce sera du théâtre, voire de l'opéra, Bela Lugosi, Christopher Lee... Après, on rigole. Parce qu'on a eu tellement peur, on a besoin de rigoler, après, de dédramatiser, de refouler très loin l'Effroi, Schreck, 1922, le muet. Il faut lui trouver un autre visage, surtout, après, un autre corps, le rendre tolérable et même désirable et même de plus en plus érotique, pour oublier l'effroi originel. (Jusqu'au très sensuel Dracula de Coppola.) Dix ans plus tard, 1932, Dreyer aura l'intelligence de ne pas reprendre le roman de Bram Stoker mais Carmilla de Sheridan Le Fanu comme argument de son lancinant Vampyr, qui est avec Nosferatu le plus beau et terrifiant film de vampires. (Ce ne sont pas des films d'horreur, mais d'effroi.) Parce que Dracula avait été incarné définitivement par Max Schreck dans le film de Murnau. Le revoir c'est comme revivre un vieux cauchemar d'enfance, muet, du temps où on n'avait pas encore les mots, où on ne pouvait pas s'échapper. C'est toujours là, enfoui. Ça fout toujours une trouille noire, rampante. On ne sursaute jamais. Mais le malaise est constant. Quelque chose de très froid qui en dedans sinue et vous emplit. Ça sent la vilaine mort, la pourriture sèche, le rat crevé. (Ça me rappelle qu'une fois, il y a bien longtemps, j'ai écrit à une fille (finalement plutôt très vulgaire) qui avait fini (et même peut-être commencé) par m'ignorer : Dracula, c'est moi! Une autre, plus tard, qui n'était pas vulgaire du tout, qui était même dans son genre très distinguée, m'a susurré : mords-moi... Et moi : Tu... tu es sûre?...)

jeudi 11 août 2011

En gros, il roulait du mauvais côté de la route. En face, un camion. Bon. Sauf que c 'est le chauffeur du camion qui trépasse. La blonde? indemne. Lui, après un petit coma, il n'a plus qu'une idée, l'étrangler, la blonde. C'est chouette. En même temps, il l'adore, sa blonde, faut dire qu'elle a certains atouts. Mais parfois ses mains se mettent à trembler. Il a envie de l'étrangler. Ça le prend. Il ne veut pas. Mais il en a tellement envie. Elle, elle est gentille. Elle ne dit presque rien. On dirait que ce n'est pas si grave, si elle se fait étrangler. Lui, quand même, ça le perturbe... Il l'embrasse, tendrement, puis soudain se met à l'étrangler, à mains nues... Elle ne dit rien... Une autre fois, dans la salle de bain, avec une corde à linge... Rien... Stoïque, la blonde... Elle ne se débat pas, ne crie pas... Alors, il arrête... Elle a des marques sur le cou... Mais elle l'aime... Lui aussi, il l'aime, sa blonde... C'est beau, l'amour... Sauf qu'il a envie de l'étrangler... Il rêve même de la couper en morceaux... En plus, elle ne lui a rien fait... Parce qu'on se dit, à certains moments, qu'elle lui a peut-être fait une crasse et qu'elle le mérite alors peut-être, d'être étranglée... Mais non... Tout ça parce qu'il roulait du mauvais côté de la route...

mercredi 3 août 2011

Heureusement, il y a WC Fields. Mine de rien, mines de rien (the bank dick) est un chef-d'œuvre à la gloire du vraiment gros branleur. (Mais avec quel style... Il faut le voir se rincer délicatement le bout des doigts dans un verre d'eau, après son whisky qu'il boit cul-sec, à chaque whisky un nouveau verre d'eau bien claire... Intéressant...) La famille est un enfer. Femme acariâtre. Belle-mère acariâtre. Fille de dix ans qui suit le même chemin. Comme quoi c'est sans espoir. No future. Vite, dehors!... Au bistrot!... Mais comme la même famille devient charmante, quand vient l'argent, le dieu dollar. Comme le gros branleur est estimé, alors, choyé et même peut-être aimé. Sa fille ne lui lancera plus de bouteilles derrière la tête, peut-être. Sa femme ne l'engueulera plus parce qu'il fume dans la chambre. Sa belle-mère ne le traitera plus d'incapable. L'argent fait le bonheur, donc, même si ce n'est qu'un bon coup de peinture sur des murs tout lépreux. Au moins, il aura la paix. Ce qui fait plaisir, c'est que lui n'a pas changé. Il n'a changé que de costume. Autrement, c'est le même, une sorte de timbré débile incurable, un gros branleur qui s'amuse d'un rien et de tous, un homme libre. La réussite, plus ou moins accidentelle, pas franchement en tout cas fruit d'un quelconque labeur, ou d'un quelconque talent, ni même d'une quelconque volonté ou d'un quelconque rêve américain, n'est finalement qu'une péripétie de plus, pour lui, pas une fin. Pas si vulgaire, le gros branleur. Le jeu continue. Vite, dehors!... Au bistrot!

mardi 19 juillet 2011

Je ne vois rien. Je ne sais pas qui vous êtes. Ce que vous êtes. Je ne sais pas ce que vous cherchez. Je ne sais pas non plus ce que vous trouvez, si vous trouvez quelque chose, ou quelqu'un, ici, ou ailleurs. Je m'en fous. Heureusement. Je vois bien mieux les yeux fermés, en tout cas. Même si je ne vois rien. Au moins, je sais que je ne vois rien, les yeux fermés. Le seul monde que je vois alors est celui que je projette sur l'écran noir de mes paupières. Et c'est le seul monde. Le monde que je projette, tout seul, sous mes paupières, rien que pour moi. Il n'y en a pas d'autre.

vendredi 1 juillet 2011

Je vois tout. Je sais qui vous êtes. Ce que vous êtes. Je sais ce que vous cherchez. Je sais ce que vous ne trouvez pas et ne trouverez pas, ni ici, ni ailleurs. Car ce n'est pas en cherchant qu'on trouve cela. Vous êtes en mon pouvoir. Là. Maintenant. Totalement. A une époque déjà lointaine, même si c'était hier, quand j'étais fou (ça a bien duré au moins six mois), je savais, en scrutant les yeux, s'il y avait une âme, derrière. Mon regard était parfois difficilement soutenable, je crois. (C'est en me scrutant dans un miroir, que je suis devenu fou. (Qui suis-je?) J'ai basculé, immobilement, sciemment. Seulement alors j'ai pu lire et même vivre Antonin Artaud. Pauvre homme. Moi, heureusement, j'étais bien plus puissant et résistant que lui. Et que Nietzsche, aussi, à la fin... pauvre homme...) Je parlais avec les bêtes et les bêtes me parlaient. Les arbres aussi me parlaient. Le vent. Le torrent. Les pierres. Tout me parlait. Un jour, passant à côté d'un chien méchant, un pitbull écumant de rage, je me suis arrêté, l'ai regardé droit dans les yeux, de tout mon être bestial, en poussant un sourd grognement que je ne me connaissais pas et qui m'a moi-même beaucoup impressionné : il s'est mis à pleurer. J'étais impitoyable, en ce temps-là. Un soir, dans un café, une femme s'est retournée en sursautant, tandis que je passais derrière elle, me faufilant entre deux chaises. J'ai cru que c'était un animal, a-t-elle dit, dans un souffle, visiblement très remuée... Je ressentais les choses un peu plus rapidement, avais même l'impression que je les pressentais exactement. Je me déplaçais comme un chat. La moindre sensation était décuplée, centuplée. Une fois, sous la douche, transpercé par toutes ces gouttes, j'ai cru m'évanouir. Un jour, j'ai mangé une rose, entièrement, dans un jardin public, mon seul repas de la journée, je n'avais plus rien, m'étais sauvagement délesté de tout, vraiment de tout, plus de famille, plus d'amis, plus de maison, plus de pays, plus d'argent, plus de papiers, plus de voiture, plus de veste, plus de couteau, plus de guitare, plus de stylo, plus de tabac, plus d'idées, plus d'images, plus de connaissances, plus d'ignorances, plus rien, j'ai mangé une rose entièrement dans un jardin public et ce fut peut-être le meilleur repas de toute ma vie. Je l'ai mâchée longtemps, très longtemps. J'en ai connu parfaitement la saveur, la substance. De ma bouche, elle s'est diffusée dans tout mon corps. J'ai su vraiment, alors, viscéralement, ce que c'était qu'une rose. J'étais couvert de boue, les bras griffés jusqu'au sang d'avoir dévalé un bois bien raide et plein de ronces, sur mes pieds, sur le ventre, sur le dos, parfois la tête la première. J'ai nagé alors au fond de l'eau, à l'aube, tout habillé, sous les coques des bateaux, escorté par des cygnes blafards qui rayonnaient parfois dans l'eau trouble un peu verte. Avez-vous déjà vu nager des cygnes sous l'eau? Avez-vous déjà nagé avec eux? Sacré spectacle. Sacré moment... En tout cas, en sortant de l'eau, j'étais propre... J'ai vu des fantômes. J'ai vu et entendu des bêtes qui n'étaient pas dans les livres. Mes cheveux se sont dressés sur ma tête, tous mes poils électrisés... J'ai vu mon propre corps, en bas, étendu sur le dos, comme endormi, j'étais sur le point de traverser le plafond, avant de redescendre dedans, dans mon corps qui semblait endormi, lentement... J'ai vu des yeux sans âme. D'une noirceur... Car tout le monde n'en avait pas, au fond des yeux, une âme. C'était même seulement une toute petite minorité qui en était dotée. Comme c'était émouvant, de rencontrer une âme, parfois, un frère, une sœur... On se reconnaissait, immédiatement, sans effusion... Mais c'était tellement rare... Les yeux sans âme étaient des gouffres noirs... Les rues en étaient bondées... Ma nature aurait été belliqueuse, je les aurais exterminés sans le moindre état d'âme... Mais ma nature était douce, au fond, même si elle était impitoyable... Les yeux sans âme comprenaient dans le miroir de mes yeux qu'ils n'étaient que des yeux sans âme. Ils ne pouvaient plus faire semblant, même à leurs propres yeux. Ils étaient alors dévoilés, s'assombrissaient encore plus, fuyaient avant de périr totalement devant moi. Comme des insectes. Des yeux d'insectes. (Parfois, c'était une vache, c'était déjà un peu plus supportable. Parfois même, la vache avait une âme.) La seule lumière qui les animait était celle du dehors. C'était terrible. Je révélais leur néant. J'étais impitoyable... Pendant six mois, ça a duré... Puis j'ai décidé de revenir, car ça avait un prix, d'être fou : je me consumais... Mon cœur n'aurait pas tenu bien longtemps encore comme ça, même si je sentais qu'il était fort... Il ne tenait plus qu'à un fil, à la fin... Je n'avais pas peur de la mort, mais je ne voulais pas mourir et les oiseaux non plus ne voulaient pas que je meure, ils venaient me le dire, sur mon rebord de fenêtre... J'ai senti que j'allais mourir, alors j'ai décidé de revenir. J'avais ce pouvoir. C'est dur, de revenir, douloureux, de perdre son pouvoir, sa puissance. Tout seul, je suis revenu, progressivement. J'ai laissé ma couronne sur un banc. Encore une fois, j'ai tout perdu. Je suis redevenu cet être aimable, gentil, doux, prévenant, le plus souvent, du moins je crois. Certains se rassurent avec l'idée du suicide, même s'il ne se suicident jamais, ça leur permet de vivre. Moi, je me dis que si un jour plus rien ne me retient ici, je pourrai redevenir fou, cette fois pour ne plus revenir. (Je sais comment on fait.)